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Société : les Millennials, fantasme marketing ou réalité ?

L’anthropologue spécialiste des questions alimentaires a brossé un tableau assez vertigineux des millénials. Crédit photo : A.Coronel
L’anthropologue spécialiste des questions alimentaires a brossé un tableau assez vertigineux des millénials. Crédit photo : A.Coronel

La conférence du docteur Richard C. Delerins, anthropologue spécialiste des comportements alimentaires, jette un éclairage troublant sur les Millennials, génération pivot dont les valeurs, les goûts et habitudes influencent largement la société et l'industrie alimentaire du XXIe siècle.

Lors de l'Assemblée générale de l'AFPASA, le docteur Richard C. Delerins a été invité à donner une conférence sur la génération des 23-40 ans, également connue sous le nom de "Millennials". Richard Delerins, philosophe, anthropologue et chercheur en sciences sociales à l'université de Californie, a par le passé conseillé Interbev et l’entreprise Charal sur des questions de positionnement marketing. « En France, en 2022, les millennials représentaient la moitié de la population active, part qui va encore progresser dans les prochaines années. Ils sont les travailleurs et consommateurs d'aujourd'hui et surtout de demain. Leurs valeurs, goûts, émotions et habitudes sont essentiels pour comprendre les nouvelles dynamiques de consommation et les sociétés du XXIe siècle. » a introduit le chercheur, avant de décrire cette génération.

Enfants de la génomique et du smartphone

Richard Delerins a évoqué pêle-mêle le brassage génétique, culturel, ethnique, de valeurs et de normes qui caractérise cette génération. Ce brassage est mis en avant dans la publicité, les médias « comme l'avait déjà compris Benetton il y a 30 ans ». En miroir, l’accès à des informations génétiques/généalogiques permis par la démocratisation de la génomique offre à chacun de découvrir ses ‘’origines’’ à partir d’un simple test salivaire.

La conférence a également abordé des sujets tels que la libération du genre, avec l'émergence du gender fluid, l'influence de l'anglais et la mode des tatouages. « Ces tatouages, autrefois signe d’appartenance à un groupe, comme les légionnaires, les marins ou les bikers, revendiquent aujourd’hui l’originalité de l’individu. » Les travers narcissiques, exhibitionnistes et futiles de cette génération accro aux écrans ont été illustrés par quelques diapositives : certains filment le contenu de leur caddy de retour des courses, d’autres postent celui de leur assiette, ou hésitent à définir leur orientation sexuelle parmi la cinquantaine d’options proposées par un réseau social… tandis qu’une bonne partie de l’humanité se débat dans la précarité alimentaire !

Misère sociale et décadence

En ce qui concerne l'alimentation, Richard Delerins a expliqué l'importance des micro-moments dans la vie des Millennials. Il a mentionné la fragmentation des pratiques de commensalité, où de nouvelles formes de repas émergent, tels que les repas solitaires et les mukbangs (déviance d'origine coréenne consistant à regarder des personnes manger en ligne). « Le plus spectaculaire, c’est la contagion rapide des nouvelles modes alimentaires, via les réseaux sociaux : le sushi californien a mis 10 ans a conquérir la planète, le poke bowl trois ans et le bubble tea seulement six mois ! » Les modèles traditionnels de repas en famille sont remis en cause, privilégiant des expériences plus individuelles.

Les attentes spécifiques des Millennials en matière d'alimentation et d'agriculture ont également été abordées. « Les comportements alimentaires de cette génération sont fortement influencés par leurs valeurs et leur préoccupation environnementales. Ils recherchent des aliments alignés avec leurs convictions, notamment en termes de respect de l'environnement et de bien-être animal – identifiée par exemple par le bilan carbone négatif. Cette génération se caractérise par la diversité des choix alimentaires et la tendance à privilégier les plats emblématiques, la cuisine d'assemblage et l'ethnicisation des saveurs. »

Pour l’avenir, les plats emblématiques de la gastronomie mondiale continueront d'être populaires, mais la façon dont ils sont consommés évoluera. « Le millénial ne mange pas moins de viande, mais il la consomme différemment. D’où l'importance de repenser les découpes et d'offrir une plus grande diversité d'options, tout comme l'industrie de la boulangerie a su se diversifier avec succès. »