Lactalis est un groupe connu pour sa discrétion, mais son président Emmanuel Besnier a accordé une interview à Agrapress (dans notre édition papier de ce jour). Nicolas Mauffrey, vice-président de l’Applage, partage l’analyse du président du groupe Lactalis au sujet de l’attractivité du métier, et apprécie la cohérence des positions de l’industriel laitier.
Quelles sont vos réactions à chaud à cette interview accordée par Emmanuel Besnier à Agrapresse ?
Il y a quatre ou cinq ans, une telle interview n’aurait même pas été envisageable… il y a une évolution positive dans la manière de communiquer du groupe Lactalis, que nous constatons aussi dans nos rapports avec les représentants de l’entreprise, au niveau de la grande région. Emmanuel Besnier communique des éléments factuels, comme l'augmentation du prix du lait sur 2022 (+25%), l'augmentation du chiffre d'affaires de Lactalis, mise en parallèle avec une baisse de leurs résultats en 2022. Au sujet des développements à l'international je n’ai rien à dire, si ce n’est qu’il me semble plus sécurisant d'être collecté par une entreprise dynamique, avec des projets, que le contraire ! Dans le ‘’mix produit’’, l’entreprise mise plutôt sur la transformation que sur le beurre-poudre, très exposé aux fluctuations et à la spéculation sur les marchés internationaux.
Il y a aussi cette réaffirmation de l’ancrage de l’entreprise dans l’univers des produits laitiers, et de la transformation fromagère…
C’est exact, et pour nous, producteurs laitiers, c’est un choix stratégique qui a du sens, et ce n’est pas forcément l’orientation suivie par d’autres grands groupes, comme Danone ou BEL, qui misent aussi en parallèle sur des ‘’laits végétaux’’. Cette interview a aussi attiré mon attention sur le paysage laitier – et fromager - de l’Italie où Lactalis a investi, c’est un sujet intéressant, parce nous avons beaucoup de points communs avec nos voisins : des exploitations familiales à taille humaine, un tissu d’entreprises de transformation, une culture gastronomique fromagère… Pour nous producteurs français la formule de rémunération du lait s’appuie à 50% sur les produits de grande consommation, avec une indexation sur nos coûts de production – grâce à la loi Egalim – et c’est une sécurité.
Enfin, Emmanuel Besnier met en avant l’attractivité du métier de producteur laitier comme enjeu stratégique pour le maintien de la collecte dans les années à venir…
Effectivement, cette question de l'attractivité du métier est mise en avant : elle passera obligatoirement par la rémunération du travail mais pas uniquement ! Nous savons que l’astreinte est aussi un facteur déterminant, il y a aussi l’enjeu du renouvellement des générations avec la pyramide des âges actuelle, et également au niveau du territoire le maintien d’un tissu d’élevages laitiers, qui permet l’entraide, la mise en commun de moyens de production, une collecte rationnelle du lait, une dynamique positive… Même si on ne peut pas tout partager dans l’analyse du président du groupe Lactalis, dans les faits et au vu de la démographie des éleveurs, la restructuration risque d'être naturelle et surtout inévitable. Pour répondre à cet enjeu, notre OP (Apllage) s'est mise au travail en créant une « commission Volume » qui a pour objectif de mettre en parallèle les besoins de l'entreprise avec les objectifs de nos adhérents en matière de volumes dans un contexte ou la démographie laitière ne sera pas favorable : aujourd’hui 51 % des producteurs ont plus de 50 ans, et 25 % moins de 40 ans, tandis que le taux de remplacement/ renouvellement est de seulement 45 %.