La présentation des résultats économiques de l’année 2022, organisée par les Cerfrance de la région, permet d’analyser plus objectivement les effets de l'inflation record des intrants sur les revenus agricoles. En lait standard la forte hausse du prix du lait compense à la fois la baisse des volumes due à la sécheresse et la hausse des charges. Mais l’inquiétude pour l’avenir est forte, avec le risque d’un ‘’effet ciseau’’ si le prix du lait plafonne tandis que les charges continuent à augmenter à ce rythme…
Pour la cinquième édition de Fermoscopie, les Cerfrance de Bourgogne Franche-Comté se sont associés pour présenter en avant-première les résultats économiques de l’année 2022 au monde agricole. Cette présentation s’est faite à l’occasion d’une conférence donnée au lycée Granvelle, à Dannemarie-sur-Crête. Elle a réuni plus de 120 participants, dont les deux tiers en visioconférence.
« Les élevages de bovins laitiers sont les systèmes les plus compliqués à analyser cette année dans le contexte de hausse des charges », introduit Mathilde Schryve, avant de laisser la parole à Claudie Perret, conseillère d’entreprise à Vesoul, spécialiste des élevages laitiers de plaine. « En bovins lait de plaine nous avons travaillé sur un échantillon de 470 fermes, sous forme sociétaires pour 80% d’entre-elles – ce qui répond à un problème d’astreinte – avec une SAU moyenne de 165 ha, dont 112 de SFP. Elles produisent en moyenne 475 000 litres de lait, payé 426 €/T en 2022, avec 73 VL. Après de nombreuses années de stagnation du prix du lait, celui-ci a progressé de 42 €/1000 L, ce qui entraîne une progression de 12% du produit de l’atelier lait. Les charges opérationnelles dans le même temps ont augmenté de 7%. L’EBE a progressé de 6% mais au détriment de l’efficience. » détaille Claudie Perret.
Cette année en lait standard la hausse du prix payé a permis de compenser l’inflation des intrants. Et même d’apporter une amélioration historique de la couverture du prix de revient du lait (454 €/T) par le prix du lait (426 €/T). « Mais ce niveau de prix ne permet pas encore de rémunérer la main d’œuvre à hauteur de 2 SMIC/UTH », relève la conseillère. Plus inquiétant « si le prix du lait finit par plafonner ou diminue, on a un risque d’effet ciseau. Dans un scénario moyen d’inflation et d’augmentation des achats d’aliments pour faire face à un aléa climatique de type sécheresse, le prix de revient du lait en plaine progresserait de 27% en 2023… pour s’établir à 580 €/T »
Pistes stratégiques
L’opportunisme fourrager, la capacité à valoriser le pâturage des automnes tardifs, ou à sécher des premières coupes précoces, sont des axes de travail explorés. « Il est aussi primordial d’actualiser la bonne adéquation du chargement de l’exploitation avec le nouveau climat », analyse Thierry Perraudin, conseiller à Amancey, qui pointe des taux d’élevage qui ont parfois dérivé au cours de la dernière décennie. « Sans oublier d’investir dans l’ergonomie des bâtiments, des salles de traite… pour diminuer la pénibilité du travail et renforcer l’attractivité du métier d’éleveur laitier », ajoute Claudie Perret.
Les responsables professionnels présents, tels Christophe Chambon pour la FRSEA, Alain Matthieu pour le CIGC ou Thierry Guillaume du Cerfrance de Haute-Saône ont tous insisté sur les limites humaines aux augmentations de la productivité. « Ces stratégies doivent rester vivables ! » Les exploitants doivent garder du temps pour s’informer, se former, réfléchir s’investir dans leurs filières, les outils collectifs et leur réseau professionnel… « Sinon on va convertir les vaches en tracteurs ! » met en garde Thierry Guillaume.