La flambée des prix de l’énergie se conjugue avec des difficultés logistiques – manque de chauffeurs et nœuds d’engorgement – ce qui complique les approvisionnements en engrais, notamment azotés. Le point sur la situation régionale.
Le prix du gaz a augmenté de 300% par rapport au début de l’année 2021, alors que l’hiver n’a pas encore commencé. Or l’ammoniac qui compose les engrais azotés de synthèse est extrait à partir de l’hydrogène… des gaz fossiles ! La rentabilité de la production d’engrais étant moindre, plusieurs industriels ont choisi de ralentir, voire de stopper leur production, face à l’explosion de ces coûts de production. En Europe, CF Industries a décidé de stopper sa production d'engrais dans deux usines britanniques en raison du prix du gaz naturel. L'allemand BASF va quant à lui limiter ses volumes dans ses usines d'Anvers et de Ludwigshafen. Enfin, Yara International a averti que les prix élevés du gaz naturel l'obligeront à réduire d'environ 40% sa capacité de production européenne d'ammoniac. Conséquence, en moins d’un an, le prix des engrais azotés a doublé, et presque triplé pour certains d’entre eux, jusqu’à atteindre des niveaux jamais observés depuis une décennie. « Le marché des engrais connaît des évolutions de marché très fortes. Avec un retard de production au niveau azoté, les disponibilités pour des livraison avant les premiers apports deviennent compliqués à trouver, et on nous parle même de pénurie », synthétise Axel Coquille, de la SEPAC. Avant de conseiller : « malgré les prix élevés, il préférable d'acheter a minima les premiers apports afin d'éviter de ne rien avoir en stock au moment de l'épandage »
Une demande mondiale en hausse
A cela s’ajoutent des problèmes de logistique notamment au niveau du fret - qui représente 15% du prix final – en rapport avec la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine des transports. Sans compter la géopolitique avec les sanctions commerciales visant la Biélorussie, où se trouvent des gros producteurs, tels Belaruskali OAO (potasse)… « La demande mondiale pour les engrais azotés est soutenue, malgré les prix élevés, du fait de pays tels que l’Inde, relève Marius Boivin, responsable des approvisionnements en productions végétales chez Terre comtoise. C’est une tendance ferme. » La coopérative franc-comtoise travaille sur plusieurs fronts pour faire face à cette situation. « Nous allons voir nos adhérents pour préciser leurs besoins et ajuster nos commandes, car beaucoup vont limiter la fertilisation compte-tenu des prix élevés : je pense par exemple aux apports sur prairies. Nous sommes aussi sur un prix campagne qui permettra de lisser et de mutualiser le coût des engrais. Enfin nous travaillons sur des solutions de substitution : nous expérimentons depuis un an un produit à base de bactéries capables de fixer l’azote atmosphérique. Les premiers résultats sont prometteurs, avec des économies de l’ordre de 30%... Nous allons aussi proposer des stimulants végétaux et des produits foliaires, qui améliorent l’efficacité des apports en fin de cycle des céréales : c’est important pour réussir des blés avec des teneurs en protéines suffisantes, même s’ils ont été sous-fertilisés. »
Faibles disponibilités en soja non-OGM
Qu’en est-il dans le domaine des aliments du bétail ? Emmanuel Glommeau, responsable nutrition animale chez Interval, reconnait l’impact de la flambée des cours sur le prix des aliments. « La hausse affecte toutes les matières premières qui entrent dans la composition des aliments, en particulier les protéines. En arrière-plan on a eu une baisse de production du soja en Amérique du Sud, en particulier les sojas non-OGM : les producteurs ont préféré faire du soja conventionnel, dont les rendements sont supérieurs, et qui rentabilise donc mieux les charges opérationnelles à la hausse. Nous avons la chance, à Interval, d’être partenaire d’Extrusel, ce qui nous donne un accès privilégié aux tourteaux et nous permet de répondre aux besoins de nos adhérents. C’est plus le prix qui sera un frein que la disponibilité. »