Objet d’une fouille de sauvetage d’urgence en 1987, le tumulus de Courtelsoult en Haute-Saône a livré les restes d’une cinquantaine d’individus dont les bijoux et accessoires permettent de dire qu’ils vivaient au premier Âge du Fer…
La commune de Courtesoult-et-Gatey est située à une quarantaine de kilomètres au sud-ouest de Vesoul et à une dizaine de kilomètres de son chef-lieu de canton. A la fin des années 80, une vaste campagne de fouille a permis de sauver de la destruction un tumulus situé sur le territoire de cette commune. Signalé pour la première fois en 1967 par F. Rigolot, correspondant de la Circonscription des Antiquités préhistoriques de Franche-Comté, une visite de contrôle effectuée en 1987 avait alerté M. Demésy : il notait que des labours récents avaient bouleversé plusieurs sépultures, ce qui nécessitait une intervention d’urgence.
Les fouilles conduites du 15 août au 30 octobre 1987 ont mis en évidence un tertre de 30 mètres de diamètre. Elles ont fait apparaître deux étapes principales de construction et d’utilisation du monument qui comprenait quarante-cinq sépultures. Ces dernières ont fait l’objet d’études anthropologiques et paléodémographiques détaillées. L’analyse du mobilier, composé pour l’essentiel de parures (fibules, bracelets, agrafes de ceintures, perles de corail…) permet de supposer que le site a été utilisé pendant près de 200 ans, à une période allant de la culture de Hallstatt à celle de La Tène (lire encadré). Les données de Courtesoult, confrontées à celles d’autres nécropoles telles que Gy, Mantoche ou Savoyeux, viennent préciser l’évolution du comportement funéraire au Premier âge du fer entre Jura et Bourgogne, région qui n’avait pas donné lieu à des études récentes sur cette période.
Un intérêt archéologique ancien
A partir du XIXème siècle, la première période de l'âge du fer dans les régions centrales de l'Europe a fait l’objet d’une attention archéologique considérable. Elle a été décrite comme « le berceau des cultures celtiques ». Si dans une première phase l'accent a souvent été mis sur les sites "princiers" de haut statut et de grande visibilité, de nouvelles fouilles et enregistrements archéologiques provenant d’établissements et sépultures plus "ordinaires" sont venus au fil des décennies compléter les connaissances sur cette période. C’est le cas du tumulus de Courtesoult, dont l’étude a été détaillée dans un ouvrage spécialisé, sous la direction du chercheur Jean-François Piningre. Intitulé « Nécropoles et société au premier Âge du Fer : le tumulus de Courtesoult » ce livre s’appuie sur les découvertes effectuées dans le tumulus : éléments squelettiques et dentaires, mais aussi parures et accessoires, sans oublier l’aménagement des sépultures proprement dites. Celles-ci semblent être disposées en cercle autour d’une tombe centrale qui a servi de point de départ de l’édification du tertre. Le matériel ostéologique permet de formuler des hypothèses sur la démographie et la société, mais avec les limites posées par sa mauvaise conservation, qui le rend inutilisable pour la détermination de l'âge et du sexe par exemple.
Un ouvrage très instructif
Jean-François Piningre examine les évolutions dans l'organisation sociale d'une population permanente d'environ 30 individus, durant la dernière partie du premier âge du fer, à partir de l’analyse de la culture matérielle locale et de celle d’autres sites contemporains de la vallée de la haute Saône, et surtout des pratiques funéraires des tombes de Courtesoult. L'absence de biens de luxe importés ou d'autres accessoires, comme un char, exclut les sépultures centrales et les autres sépultures de la désignation de "sépultures princières", bien que certaines tombes féminines (en particulier la sépulture centrale) soient mieux pourvues que d'autres en artéfacts remarquables. La nature des trouvailles, associée à des preuves de périodes de mauvaise nutrition trouvées sur les dents, suggère à Piningre qu'il s'agit du lieu de sépulture d'un groupe communautaire, plutôt que celui d'une famille de haut statut et de son entourage.
La présence de types métalliques de qualité, ainsi que quelques objets importés tels que du corail, de l'ambre et des perles de verre, lui laisse aussi penser que Courtesoult et des cimetières similaires représentent des groupes localisés "ordinaires" contrôlant des zones topographiques "secondaires", périphériques à celles contrôlées par les groupes "princiers" présents dans la vallée de la Saône.
Enfin l’analyse de la structuration des dépôts funéraires au fil du temps (disposition, chronologie et répartition des individus en fonction de leur sexe et de leur âge) livre aussi son lot d’informations…