Faute d’intérêt, les variétés anciennes d’arbres fruitiers s’éteignent, quand leurs derniers représentants meurent… mais une poignée de passionnés, dans le monde associatif, s’ingénie à faire perdurer ce précieux patrimoine végétal ! La quête de la pomme « séminaire de Vesoul » illustre bien leur démarche.
Avis de recherche, diffusion d’un portrait-robot, petites annonces dans la presse, investigations documentaires et entretiens avec des témoins… la recherche de la variété de pommier « séminaire de Vesoul » ressemble fort à une enquête policière. Avec en guise de fins limiers Michel Charles, Jean-Claude Virot et Jean-Marie Adam, tous trois membres de la branche botanique de la Société d’histoire naturelle de Vesoul. « Notre association se donne pour mission la recherche et la sauvegarde du patrimoine naturel, ainsi que de le faire connaître au grand public », présente Michel Charles, son président, lui-même féru de botanique. « Toutes les semaines, nous nous réunissons pour une séance de détermination : chacun apporte les végétaux qu’il a collectés… et parfois il nous arrive de tomber sur une plante exceptionnelle. » L’association organise aussi des sorties sur le terrain – comme la découverte de la vallée sèche du Frais Puits dernièrement – et des expositions : l’une consacrée à la botanique à la fin du printemps, et une à l’automne autour de la mycologie (la science des champignons). Elle intervient aussi régulièrement en milieu scolaire et périscolaire, à travers le pressage de jus de pommes ou la visite de vergers remarquables, par exemple. Outre la botanique, l’association vésulienne, qui compte une cinquantaine de membres, possède aussi une branche mycologie, une section entomologie (l’étude des insectes), et une autre dédiée à la paléontologie (les fossiles).
Insectes, fossiles et botanique…
Partageant plusieurs adhérents avec l’antenne haut-saônoise des « croqueurs de Pommes », la branche botanique de la SHN vésulienne s’investit aussi dans le domaine de la sauvegarde des variétés fruitières anciennes. De Da, Cul pointu de Montbozon, Gueule de mouton, Court-pendu plat, Grebeussot, Pierre Cattin, Reinette grise Comtoise, Gibaumé, Mottet… voici quelques noms poétiques et évocateurs de variétés de pommes haut-saônoises. Plus mystérieuse, la ‘’séminaire de Vesoul’’ ne subsiste pour l’instant qu’à l’état de descriptif dans deux ouvrages de pomologie (dont le dictionnaire d’André Leroy, rédigé pendant la deuxième moitié du XIXème siècle), et les souvenirs d’enfance de quelques rares témoins. Tel Jean-Claude Virot, de Colombiers, qui possède un vaste verger de plus de 250 arbres fruitiers, avec quatre arbres qui datent de son arrière-grand-père. « Je me souviens avoir mangé de cette pomme chez le grand-père de mes cousins, quand on rentrait de l’école… l’arbre est mort et n’a sans doute pas été greffé. Dans ma jeunesse, les personnes qui savaient greffer étaient rares et jalouses de leur savoir-faire. » Autre indice sur cette piste botanique, une photographie ancienne, en noir-et-blanc, où l’on peut voir un magnifique pommier taillé en espalier s’élever contre le mur de l’ancien hôpital de Vesoul. Bâtiment qui avait autrefois la fonction de séminaire !
Un ecclésiastique passionné d’arboriculture
L’arboriculture qui était pratiquée sur ce côteau ensoleillé fournissait alors un complément de ressources à l’établissement religieux. Lequel ferma en 1906, par suite de la stricte application de la séparation de l’Église et de l’État. « Faute de soins, le verger du séminaire laissé à l’abandon a rapidement périclité », regrette Jean-Marie Adam, co-auteur d’un ouvrage consacré à la pomme Séminaire. « L’abbé Charles Vernerey, chanoine et supérieur du séminaire, grand bibliophile et passionné d’arboriculture avait eu un rôle essentiel dans le développement de l’arboriculture en Haute-Saône, la diffusion des techniques de taille, de palissage et de greffe. C’est à lui qu’on doit la reconnaissance officielle de la pomme ‘’séminaire de Vesoul’’ et son inscription au dictionnaire de pomologie du botaniste André Leroy, avec lequel il correspondait. »
La quête de la Séminaire de Vesoul connaît à la fin des années 2010 un tournant : un vieil arbre qui correspond à la description du mythique pommier a été découvert dans les environs de Vesoul. L’arbre est greffé, multiplié, planté dans plusieurs lieux emblématiques de la préfecture de Haute-Saône (la bibliothèque, le jardin anglais…) et des villages environnants. Mais quand les premières pommes arrivent à maturité, le beau rêve s’effondre. « C’était une fausse piste, on avait multiplié une autre variété, la pomme-coing, qui n’a pas du tout les mêmes caractéristiques. », résume Jean-Claude Virot.
Les passionnés ne désespèrent pourtant pas de résoudre un jour ce ''cold case'' botanique. Il subsiste en effet dans la campagne haut-saônoise de nombreux vergers anciens, plus ou moins bien entretenus… « Nous recherchons des arbres très anciens, qui donnent des pommes jaunes à maturité, avec des petits points étoilés, rondes. La chair est blanche à verdâtre, assez ferme et très fine. L'eau est abondante, bien sucrée,, acidulée et le parfum délicieux. C'est un variété à maturité d'hiver en termes de précocité, qui se conserve de décembre à mars, avec des pépins plutôt développés. »
Contact - informations : auprès de Jean-Marie Adam par courriel à jeanmarieadam70@gmail.com ou au 06.38.619.806