Soutien aux filières / Les agriculteurs bio du département ont invité le préfet à un point de situation mardi, au Gaec de la Modestine à Cornot. Ils ont notamment exprimé leurs inquiétudes face à la baisse de la consommation qui touche aussi les produits bio, et réitéré leur demande de soutien à la filière.
Les chiffres de la consommation des ménages sont mauvais pour l’agriculture en général. Si l’Insee calcule une hausse importante de la valeur ajoutée agricole en 2022 (+17,4 %), c’est surtout grâce à la hausse des prix, les volumes étant (hormis en viticulture) le plus souvent à la baisse.
C’est aussi vrai pour l’agriculture biologique, qui avait l’habitude d’une croissance constante de sa part dans les achats alimentaires : de 2,8 % en 2014, à 6,6 % en 2020 d’après l’Insee. Or en 2021, alors que la consommation alimentaire des ménages est passée de 195 G€ à 191 G€ (-4 %), la part de marché de la bio a stagné (6,6%). Les premiers chiffres de 2022 confirment cette tendance.
Inquiétude sur la consommation de bio
C’est donc avec inquiétude que les agriculteurs bio du département, représentés par le Gab 70 (groupement des agriculteurs bio), ont interpellé le préfet du département Michel Vilbois, et le DDT Didier Chapuis, en visite mardi 6 février au Gaec de la Modestine à Cornot. « Nous assistons depuis 2 ans à une désaffection massive des consommateurs », résume Hélène Chevalier, maraîchère à Lavigney et co-présidente du GAB.
Dans les difficultés rencontrées, les agriculteurs bio citent bien entendu les prix de vente qui n’accompagnent pas la hausse des charges (+33 % pour les céréales en 2022 par exemple pour la ferme France). On commence ainsi à trouver du lait bio moins cher que le lait conventionnel dans les rayons de la grande distribution, comme le fait remarquer Marion Churout, animatrice du Gab 70 : 1,14 contre 1,18 €/L. « Vous êtes dans une configuration historique, fait remarque Michel Vilbois. C’est le moment de faire remarquer au consommateur que le bio n’est pas forcément plus cher dans les étals ! »
Mais les agribios relèvent aussi la confusion des consommateurs liée à la diversité des labels de qualité : « On a du mal à comprendre le positionnement de l’État », interpelle par exemple Maxime Lamy, un des membre du Gaec de la Modestine, en citant notamment le label HVE (Haute Valeur Environnemental). C’était d’ailleurs le thème de la dernière AG du Gab.
Résultat, pour la première année, on observe quelques déconversions sur le département. Pas encore en grand nombre, compte tenu des 360 exploitations en bio dans le département, mais « c’est un constat récent, et c’est significatif » se désole Valentin Fleytoux, co-président du Gab 70 et éleveur laitier. L’effet est d’autant plus inquiétant que l’inertie des conversions ne permet pas une réponse rapide au marché : compte-tenu du temps nécessaire à l’adaptation des pratiques et à l’obtention du label AB, et si la tendance des consommateurs ne s’inverse pas, la pression sur les prix pourrait s’aggraver dans les années à venir.
Des besoins en communication notamment
Que demandent alors les agriculteurs bio au préfet ? Principalement que l’État mette les moyens pour que la bio continue à progresser dans le paysage agricole, et donc dans les assiettes des consommateurs. Il y a déjà eu la loi Egalim, qui impose 20 % de bio dans la restauration collective ; il pourrait y avoir plus, comme lorsque l’État, en 2022, avait décidé d’un soutien exceptionnel de 500 000 € pour la campagne de communication pilotée par l’Agence Bio. « On n’a pas assez de force de frappe, insiste Hélène Chevalier. On a besoin de soutien pour toucher le grand public. » Un appel entendu par le préfet qui a demandé au DDT Didier Chapuis « d’étudier les moyens de répondre à cette demande ».
Une filière résiliente mais fragile
Pour être bio, il faut être « à la fois très convaincu, et très solide », résume Hélène Chevalier. Un constat « qui n’est pas exclusif à la bio », fait remarquer le préfet, en rappelant « l’élasticité négative du consommateur au prix ». Une réalité un peu moins générale en bio, notamment en vente directe (un quart des débouchés en bio). « Mais on n’a pas augmenté les prix des produits autant que nos charges », tempère Angélique Della Torre, éleveuse de chèvres à Gourgeon qui vend ses fromages en direct. Elle a travaillé en amont sur la fiabilité des approvisionnements, notamment en achetant en local son fourrage et ses céréales bio.
Car comme partout ailleurs, la clef de la résilience reste la maîtrise des charges, comme le souligne Jean-Charles Russy, éleveur à Augicourt. « Le travail sur l’autonomie, que les agriculteurs bio sont obligés de faire, nous permet une certaine flexibilité car nous devenons moins dépendant du prix des intrants. » De quoi faire face à l’absence d’aide au maintien à l’agriculture biologique, qui sera compensée « en partie seulement » par la hausse du crédit d’impôt bio, passé de 3500 à 4500 € au 1er janvier. Autre piste de soutien indirect : les mesures d’aide à l’autonomie fourragère, avec une enveloppe régionale réévaluée pour le département, suite aux discussions avec la chambre d’agriculture. Une soixantaine d’exploitations seraient concernées en Haute-Saône, les bio rentrant plus facilement dans les critères, grâce aux contraintes sur les plafonds en niveau de concentré et en ensilage.
L’élevage bio du département à l’honneur sur une radio nationale ! Sur France Inter la semaine passée, 5 épisodes ont été diffusés autour de l’exploitation de Valentin Fleytoux et Rodolphe Dieudonné à Colombe les Vesoul (Gaec de Champ Le Roy). C’est le principe de l’émission « Une semaine dans leur vie ». Pour les réécouter, cliquez ici