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Coup de frein sur les conversions à l’AB

Les transformateurs sont confrontés à des logiques de marchés difficiles à interpréter à moyen-terme, parfois divergentes des capacités de production de leurs fournisseurs, les éleveurs laitiers.
Les transformateurs sont confrontés à des logiques de marchés difficiles à interpréter à moyen-terme, parfois divergentes des capacités de production de leurs fournisseurs, les éleveurs laitiers.

Des représentants de la coopérative Pâturage comtois, de la fromagerie Milleret et du groupe Monts-et-Terroirs ont participé à la soirée sur l’avenir du lait bio… Du point de vue de ces transformateurs, il faut laisser un peu de temps au marché pour absorber l’augmentation de la production et revenir à l’équilibre.

Les échanges entre les producteurs de lait bio participants à la réunion et les représentants de trois transformateurs font ressortir deux logiques temporelles pas toujours en phase… Côté producteurs, une dynamique de conversions sur le temps long, portée par le militantisme, les attentes sociétales en matière de protection de l’environnement et de santé, les politiques d’aides publiques. A l’échelle annuelle, une saisonnalité importante, et un effet météo marqué. Côté transformateurs et metteurs en marchés, on oppose le principe de réalité des logiques de marchés. Dans celles-ci interviennent des facteurs géopolitiques (fluctuations brutales de la demande chinoise en poudre de lait infantile bio, par exemple), des éléments socio-économiques (baisse du pouvoir d’achat des ménages) et parfois des ‘’accidents sanitaires’’ comme un confinement de plusieurs mois de la population (fermeture du jour au lendemain de la restauration hors-foyer). Bref, une instabilité structurelle qui se traduit par un manque de visibilité et des difficultés à prévoir les marchés à moyen terme. Comme l’a illustré Thierry Martin, le directeur général de la fromagerie Milleret « Leclerc, qui avait lancé une chaîne de points de vente spécialisés en alimentation bio en 2018, est en train de revenir en arrière… alors qu’on est à peine en 2022 ! » Autre motif d’inquiétude, la concurrence inter-régionale, pour des produits tels que l’emmental bio. « Dans l’Est on est sur un fromage au lait cru… et on se retrouve en concurrence avec des emmentals bio, fait avec du lait pasteurisé et des coûts de fabrication inférieurs, compte-tenu de la taille des outils industriels », expose Marianne Warnery, pdg de Monts & Terroirs.

La GMS, un univers impitoyable

Pour autant, il reste des raisons d'espérer une embellie à moyen terme. D’abord le tassement des conversions, initié par les laiteries dès qu’elles ont été en mesure d’interpréter les signes de retournement du marché. « Depuis 2019 nous n’avons plus de conversions en cours : on a freiné car on savait que les concurrents allaient lancer une vingtaine de fromages à pâte molle, bios, en libre-service… L’Ortolan reste leader de ce segment, mais a encaissé un repli des ventes important, qui tend à s’estomper, du fait de l’échec commercial d’une partie de ces nouveaux venus. » a ainsi expliqué Thierry Martin. Pour Guy Mercier, le président de la Coopérative Pâturage comtois « le développement commercial des produits laitiers bios n’a pas été aussi rapide que l’augmentation de la production, ce qui a conduit à la situation actuelle… mais on a un vrai espoir de progression dans la restauration hors-foyer. » Enfin, la perspective démographique de cessations d’activité (41% des chefs d’exploitations en AB ont 56 ans et plus), voire de ‘’déconversions’’, pourrait aussi contribuer à un peu alléger le marché.