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JA-BFC : « Sur la DJA, des critères sont encore à clarifier »

Pour Thomas Lemée, les mois qui viennent seront forts en rendez-vous structurants pour les jeunes agriculteurs. Crédit photo : Berty Robert
Pour Thomas Lemée, les mois qui viennent seront forts en rendez-vous structurants pour les jeunes agriculteurs. Crédit photo : Berty Robert

Eleveur dans le Morvan, Thomas Lemée a succédé, à 31 ans, à Florent Point, le 12 avril, à la présidence des JA BFC. Installé depuis 2016, il élève des charolaises et a un atelier de poules pondeuses, le tout en agriculture biologique. Il a été trésorier des JA BFC pendant 4 ans et ces deux dernières années, il occupait la fonction de secrétaire général. En tant que président, il revient sur les enjeux du moment.

Représenter syndicalement les agriculteurs et, notamment les jeunes, a-t-il un sens particulier pour vous ?

Thomas Lemée : Il est important de s'engager. De manière globale on en a plus besoin que jamais. Nous sommes une profession pour le moins malmenée ou, au minimum, oubliée.

Sur quels dossiers souhaitez-vous travailler en priorité ?

T.L. : La gestion des fonds européens par le Conseil régional concernant les investissements et les aides à l'installation, parce que le retard constaté dans les versements prévus est toujours considérable, et depuis des mois. C'est la situation des jeunes qui m'inquiète le plus : ils sont déjà, pour beaucoup, faibles au niveau de leurs trésoreries. On ne peut pas se permettre d'avoir des Dotations jeunes agriculteurs (DJA) qui arrivent tardivement. Un effort a été fait sur les acomptes, mais on a des soldes qui arrivent à dix ans et qui ne sont toujours pas réglés ! Il faut se souvenir que 80 % de la DJA est versée à l'installation et les 20 % restants sont versés la cinquième année après l'installation, en prenant en compte les résultats économiques des quatre années précédentes. Aujourd'hui, rien que pour prendre mon exemple : installé au 1er janvier 2016, je n'ai toujours pas touché mon solde de DJA. Cela aurait dû être le cas en 2021. Il y a un besoin impératif d'avancer et de solder les retards. Au-delà de la gestion des aides actuelles, il y a aussi une nouvelle programmation sur la période 2023-2027. Les premier appels à projets ont été un peu sur fin 2023 mais on est en juin 2024 et les agriculteurs concernés n'ont encore aucune convention, aucune réponse sur l'acceptation ou non de leur dossier... Cela nous amène sur un second sujet que je considère comme prioritaire : le revenu des agriculteurs. Ca ne va pas, particulièrement en élevage, si l'on considère le temps de travail, l'investissement... Le revenu n'est pas en adéquation avec la réalité de la vie.

L'entrée en vigueur de la nouvelle DJA vous préoccupe-t-elle ?

T.L. : Il y a des détails qui nous paraissent importants à clarifier, nous n'avons pas encore tous les éléments nécessaires : quels détails spécifiques pour les modulations ? Quels critères ? Quels documents demandés aux jeunes pour s'installer ? Quel accompagnement leur proposer ? De nombreux aspects techniques restent à régler. Nous ce qu'on veut, c'est qu'un jeune qui s'installe soit toujours agriculteur dans cinq ou dix ans : pour cela, il faut un accompagnement adapté.

Sur quels autres dossiers souhaitez-vous vous pencher en priorité ?

T.L. : L'application d'Egalim, parce que qu'on se rend compte que la plupart des collectivités et même l'Etat, ne respectent pas la loi dans les cantines. C'est nécessaire notamment pour la filière bio qui souffre énormément. Là encore, dans les collectivités, on est loin du compte...

Le congrès des JA Nationaux a eu lieu du 4 au 6 juin près de Poitiers. Qu'en attendez-vous ?

T.L. : C'est le bon moment pour « prendre la température », voir les suites qu'on donne au vaste mouvement du début d'année. On a besoin d'une stratégie. Il y a des avancées mais qui nous semblent minimes par rapport aux attentes et à la mobilisation historique qui s'est produite en début d'année. On a l'impression que la société considère que, comme les tracteurs ne sont plus dans la rue, la crise est derrière nous. Ce n'est pas le cas. J'espère que le congrès national parviendra à refixer un cap. Les réponses apportées par le Gouvernement ne sont pas à la hauteur de l'attente et de la souffrance du monde agricole : on le voit déjà ces jours-ci avec des blocages à la frontière franco-espagnole. Début 2024, une grande partie des Français a pris conscience des souffrances du monde agricole, le mouvement a eu le mérite de mettre sur la table des problématiques de coût de production, d'importations de produits qui ne devraient pas rentrer. La même semaine, début 2023 était sorti un rapport de la Cour des Comptes qui disait qu'il fallait supprimer la moitié de l'élevage français et en même temps, on apprenait qu'un accord d'importation de 17 000 tonnes de viande d'Australie venait d'être signé... Quand on compare les conditions d'élevage en Australie et dans nos pâturages, ici, on comprend qu'il y a quelque chose qui ne va pas.

La prédation est-elle un sujet central pour vous ?

T.L. : Oui, parce que les réponses qu'on apporte à des agriculteurs qui en sont victimes ne correspondent pas au niveau de souffrance et au traumatisme engendrés. Quand on prône le loup, on oublie la souffrance engendrée dans le monde agricole. Les éleveurs travaillent avec leurs bêtes au quotidien, ils mettent parfois leur vie sociale et familiale de côté et tout cela n'est pas prix en compte quand la seule réponse qu'on apporte en cas d'attaque, c'est l'indémnisation. Ca va bien au-delà de ça...

Quels sont les prochains grands rendez-vous pour vous, en tant que président de JA BFC ?

T.L. : Après la Conférence régionale agricole, au Conseil régional, à Dijon (le 11 juin NDLR), il y aura aussi les Terres de Jim qui vont se tenir dans le Doubs en septembre, avec, peut-être la venue du Président de la République. Nous avons enfin tous en tête les élections aux Chambres d'agriculture, début 2025. Le calendrier des prochains mois s'annonce chargé...