Les chenilles processionnaires s'installent depuis une dizaine d'années en Franche-Comté. Elles ont un impact sur la santé humaine et des animaux mais également un impact écologique et économique. Que faire face aux nids ? La journée d'information du 21 mai dernier, organisée par la Fredon BFC et l'ARS donne des conseils et propose des ressources pour faire face à ce fléau.
Du printemps jusqu'au début de l'été, c'est la période des chenilles processionnaires du chêne et du pin. « Elles se développent peu à peu en Bourgogne Franche-Comté depuis 10 ans et surtout depuis 2 ans. Dans le Jura, nous avons à faire principalement à la la chenille processionnaire du pin. La processionnaire du chêne ne descendant pour l’instant pas en dessous de Besançon. Elles sont un enjeu de santé publique mais aussi économique et touristique », indique Laurent Rebillard de la Fredon Bourgogne Franche-Comté.
La Fredon BFC et l’ARS ont récemment organisé une journée d’information le 21 mai à Dole sur les chenilles processionnaires du pin et du chêne, considérées comme des "animaux nuisibles" pour la santé (décret du 25 avril 2022). Objectif de cette journée : mobiliser les collectivités pour agir et limiter la présence de cette espèce. « Le Jura ne dispose pas encore d’arrêté prefectoral de lutte mais certaines communes ont déjà choisi de lancer un plan de lutte collective, comme ce fut le cas à Cousance, ce qui a permis de maîtriser le développement », signale Laurent Trebillard.
Un vade-mecum a été publié par l’Observatoire des chenilles processionnaires pour aider les acteurs locaux à élaborer d’un plan local d’action contre les processionnaires du pin et du chêne. Pour accéder au vade-mecum, rendez-vous sur : https://chenille-risque.info/reglementation/.
Classées nuisibles pour la santé
Leurs poils urticants peuvent être dangereux pour la santé des hommes mais aussi pour les animaux domestiques, les chiens notamment, et les animaux d’élevage.
Certains de leurs poils possèdent un harpon qui, lorsqu’il se plante sur la peau ou pénètre les voies respiratoires, libère une toxine. Cette dernière provoque une irritation et une inflammation de la peau. Ces poils restent urticants jusqu’à 2 à 3 ans après leur apparition qu’ils soient dans le nid, déposés par les mues ou qu’ils aient été "lâchés" par la chenille qui se sent agressée ou qui a été écrasée. c'est pourquoi il est dangereux de manipuler des nids même vides.
Généralement, les réactions irritatives et toxiques se traduisent chez les humains par des symptômes tels que des éruptions cutanées, de l’urticaire, des conjonctivites, de la toux, des maux de gorges, des difficultés respiratoires, des vomissements ou des douleurs abdominales. Des réactions allergiques sont possibles également en cas d’expositions importantes et répétées, mais sont plus rares. Chez les animaux, en cas d’ingestion, la langue peut se nécroser, les empêchant de s’alimenter. Sur l’homme, le contact peut générer des troubles parfois graves chez les personnes sensibles, nécessitant un recours médical.
La vigilance doit être de mise en évitant tout contact direct avec les chenilles, leur nid et les zones potentiellement infestées (voir recommandations).
Impact écologique et économique
La chenille processionnaire du pin consomme les aiguilles du pin durant son cycle larvaire (août à mars) ce qui affaiblit l’arbre et le rend vulnérable aux maladies. Les dégâts conséquents qu’elle peut occasionner sur les pins impactent la croissance des arbres et donc le rendement forestier.
Une fois la processionnaire des chênes installée, elle va se nourrir la nuit des feuilles et les premiers signes sur l’arbre seront visibles : parties desséchées, pertes de feuillage qui augmentent avec l’appétit des chenilles… Si l’arbre ne meurt pas - sauf dans le cas d’infestation extrême -, il est affaibli. La perte de feuillage diminue la capacité de photosynthèse, ce qui entraîne le ralentissement de la croissance. Il devient ainsi plus sensible aux maladies comme l’oïdium par exemple et aux autres ravageurs. Les arbres sont également moins résistants au stress hydrique.
La chenille processionnaire est une espèce retenue parmi les indicateurs du changement climatique par le GIEC. Son expansion est d’environ 50 km par décennie. En 2021, elle a été signalée dans plus de 80 départements français en métropole. Le papillon mâle peut parcourir jusqu’à 50 km. Grâce à ses nids épais, elle est capable de supporter les hivers rigoureux. Elle a été observée jusqu’à 1 600 m d’altitude.
La processionnaire du chêne ne se déplace au sol qu’accidentellement puisqu'elle s’alimente et se nymphose (transformation de larve en chenille) sur l’arbre. Au contraire, on peut trouver la chenille de la processionnaire du pin au sol : elle descend en procession en mars pour se nymphoser dans le sol.
Comment lutter ?
En forêt domaniale, l’ONF n’applique pas de traitement insecticide qui pourrait s’avérer dangereux pour d’autres espèces. La diversification des essences forestières ralentit la progression de la chenille processionnaire. Les travaux en forêt peuvent être reportés en cas de pullulation pour protéger les personnels. Les promeneurs sont invités à éviter les zones où la pullulation est importante. Il est conseillé aux particuliers, pour lutter contre les chenilles dans les bois ou jardins, de consulter des professionnels agréés. La lutte mécanique consiste à prélever et détruire manuellement les nids de processionnaires du chêne. Cette destruction peut se faire par pulvérisation d’eau savonneuse sur les nids, puis décrochage ou aspiration des nids, qui seront ensuite emballés dans des sacs étanches jetés dans les déchets ménagers ou enterrés (lire consignes sur le site chenille-risque.info). Cette technique n’est cependant pas adaptée à de grands arbres ni sur de grandes surfaces.
Attention : il est indispensable d’utiliser des équipements de protection (combinaisons, gants, lunettes et masques), afin de se protéger des soies urticantes.
Le site de la Fredon BFC présente des fiches techniques qui précisent différents moyens de lutte : biologique, mécanique, par traitement (matière active autorisée en agriculture biologique), par piégeage…
Les forestiers travaillent également avec les chercheurs pour trouver des solutions face à cette pullulation. Parmi les actions concrètes mises en place :
- financement et cofinancement de thèses, par exemple, sur l'impact de la diversification des essences sur les populations de chenilles (INRAE Bordeaux) ;
- sensibilisation et publication de guides informatifs ;
- leurres testés sur des arbres isolés (parcs, jardins…), consistant à piéger les chenilles processionnaires du pin dans des gouttières menant à des sacs de terre lors de la procession vers le sol pour y effectuer leur nymphose.
- expérimentation de phéromones pour attirer les chenilles mâles lors de l’accouplement. À ce jour, les résultats affichent un meilleur potentiel pour les processionnaires du pin et plus d’effets sur les arbres isolés (parcs, cours d’école…) que dans les milieux forestiers.
Quelques recommandations de prévention
En forêts ou en zones boisées urbaines :
- porter des vêtements couvrants ; éviter les arbres porteurs de nids ; éviter de rentrer dans les massifs forestiers par fortes chaleurs et vents soutenus
- éloigner les enfants et les animaux de compagnie ;
- ne jamais toucher les chenilles vivantes ou mortes, les nids récents ou vieux ;
- éviter de se frotter les yeux en cas d’exposition ;
- par grand vent ne pas faire sécher son linge à l’extérieur près des arbres atteints.
Au retour de forêt :
- en cas de doute, prendre une douche tiède et changer de vêtements ;
- si des problèmes subsistent, consulter un médecin traitant. Si des réactions sont visibles sur un animal de compagnie, consulter rapidement un vétérinaire.
Dans tous les cas, il est important de signaler leur présence sur l’application : Signalement Chenilles