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Frelons asiatiques : un fléau à contenir

Agressif et doté d'une forte capacité d'adaptation, le frelon asiatique colonise rapidement le département.
Agressif et doté d'une forte capacité d'adaptation, le frelon asiatique colonise rapidement le département.

L’Union apicole de Haute-Saône tire la sonnette d’alarme : si les pouvoirs publics, les élus et les collectivités locales ne soutiennent pas activement la lutte contre le frelon asiatique, les conséquences économiques, écologiques et sanitaires seront très vite dramatiques.

Le 22 novembre dernier, une soixantaine de personnes ont répondu à l’invitation de l’Union apicole de Haute-Saône et ont participé à la réunion d’information sur le frelon asiatique dans l’amphithéâtre de Vesoul-Agrocampus. « Après Arc-les-Gray et Lure, c’est la troisième réunion que nous organisons, et nous sommes satisfaits d’avoir pu sensibiliser chaque fois autant de personnes, qui pourront à leur tour faire passer le message », se réjouit Emilie Nardin. Avant d’entrer dans le vif du sujet : non, le frelon asiatique n’est pas qu’un problème d’apiculteurs ! « Les enjeux de la colonisation du territoire par Vespa velutina nigrithorax dépassent largement l’apiculture, martèle la présidente de l’Union apicole. Cette espèce envahissante déséquilibre complètement les écosystèmes car le frelon asiatique dévore tous les insectes, dont les pollinisateurs, ce qui impacte fortement la biodiversité, et menace par conséquent directement l’agriculture, à travers la pollinisation des vergers, des cultures comme le colza, des dégâts dans les vignes… Enfin il y a un risque bien réel de santé publique, avec déjà plusieurs morts par suite de piqûres, sur le territoire français. »

Une espèce agressive et prolifique

Comme a pu le détailler François Ajouz, désinsectiseur agréé, spécialiste en sauvetage d’essaims et destruction de nids de frelons asiatique, la biologie de cet insecte est particulière. « Par la taille, il mesure un centimètre de moins que le frelon européen, espèce que nous connaissons bien et qui ressemble à une grosse guêpe. Le frelon asiatique est plus foncé, il possède une bande orangée caractéristique au bout de l’abdomen, et l’extrémité des pattes est jaune. Son dard mesure 6 mm ! Il est extrêmement agressif quand il se sent menacé et ses phéromones d’alerte font rapidement arriver ses congénères. Mon conseil si vous repérez un nid, c’est d’abord de vous éloigner d’une dizaine de mètres. » Le spécialiste, qui déconseille fortement d’intervenir soi-même sur un nid, a également passé en revue le cycle de reproduction du frelon. Au printemps les futures reines sortent de leur diapause et cherchent un endroit propice pour établir leur nid. « A cette période, quand la température moyenne atteint 13°C, les femelles ont besoin de se nourrir et recherchent des aliments sucrés. » Un détail qui a son importance en matière de piégeage : « piéger près d’un rucher à cette période est risqué, car la présence d’un appât sucré renforce l’attractivité du site. » Une fois la première nichée d’ouvrières opérationnelle, la reine se concentre sur la ponte tandis que ses filles entretiennent le nid, élèvent les larves et les nymphes… et les nourrissent !

33 nids détruits en 2022

« Elles recherchent des protéines, et vont utiliser tout ce qui est disponible dans les environs : les abeilles, les papillons, les bourdons, les mouches, les guêpes. Cet été nos collègues belges nous ont signalé qu’avec la sécheresse et le manque d’insectes volants, elles s’attaquaient aux batraciens et aux oisillons. »

A l’automne, jusqu’à 500 femelles quitteront le nid pour passer l’hiver en diapause, et former une nouvelle colonie dans un périmètre pouvant aller jusqu’à une centaine de kilomètres. « Toutes ne survivent pas à l’hiver, mais l’augmentation du nombre de nids détruits donne une idée de leur capacité à s’étendre et coloniser de nouveaux milieux. » De fait, en Haute-Saône, le frelon asiatique a été repéré pour la première fois en 2021, et trois nids ont été détruits. En 2022, on compte déjà 33 destructions. « Désormais le frelon est signalé sur tout le département », constate Emilie Nardin, qui s’alarme du manque de moyens dévolus à la lutte contre cette espèce nuisible et envahissante. « Seul le Conseil départemental nous a alloué une enveloppe pour coordonner la lutte, mais à ce rythme nous allons être rapidement dépassés. Il nous faut trouver de nouveaux partenaires, tels que les communautés de communes, sous peine d’être débordés. Nous avons aussi besoin d’un arrêté préfectoral. » L’argent reste le carburant de la guerre. Le coût de destruction d’un nid par un professionnel agréé pour utiliser des insecticides efficaces sans dommages collatéraux s’élève à plus de 100-150 €, ce qui peut être un frein pour certains particuliers… « Les communes doivent considérer la destruction comme un investissement pour éviter d’être envahis l’année suivante. Dans certains départements de l’Ouest, la destruction des nids représente désormais un budget de plusieurs dizaines de milliers d’euros ! »

A la fin de la réunion, les participants ont pu se porter volontaires pour devenir référent frelon asiatique de leur commune, et étudier de près les pièges réellement efficaces et sélectifs. « Un bon piège laisse ressortir les insectes plus petits que le frelon. L’utilisation de vin blanc, de bière et de sirop comme appât évite d’attirer les pollinisateurs. Enfin, si vous piégez un frelon, patientez jusqu’à ce que le piège soit plein car il va appeler ses congénères pour le délivrer. Ensuite mettez le piège au congélateur plusieurs heures pour tuer les frelons sans risquer de vous faire piquer. » conclut François Ajouz.