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Délocalisations : après la sidérurgie, le tour de l'agriculture ?

Les administrateurs sortants ont été remerciés et chaleureusement applaudis. Crédit Photo : A.Coronel
Les administrateurs sortants ont été remerciés et chaleureusement applaudis. Crédit Photo : A.Coronel

Près de 200 personnes étaient présentes à l’assemblée générale de la FDSEA et de la FDPL le 8 mars à Noidans les Vesoul, en présence des élus des deux syndicats, et du préfet venu participer aux travaux et écouter la présentation d’Olivier Mével. Les secrétaires généraux, Xavier Jarrot et Sébastien Figard ont présenté un rapport d’activité de l’année écoulée, en images. De nombreux sujets d’actualité et de préoccupation ont été abordés.

Côtés positifs d’abord : la communication. Le président de la FDSEA Emmanuel Aebischer a félicité les adhérents, et notamment les JA pour l’organisation des grands évènements agricoles (festival des labours, festival de l’élevage, finale de pointage). Une communication nécessaire vu le besoin rapide de renouvellement des générations (30 % d’actifs en moins dans les 10 ans, comme le souligne la présidente des JA Justine Grangeot). Le préfet de Haute-Saône, Michel Vilbois a lui-même souligné que la communication est assimilable à une « guerre de l’image », et que l’agriculture a un « lobbying positif » à mettre en avant.

Également du côté des « mieux », le prix du lait. « Même si en agriculture, on doit faire les comptes sur deux années consécutives », rappelle M. Aebischer, qui relève aussi que les charges ont fortement augmenté. « D’autant que les moyennes cachent de grandes disparités, souligne le président de la FDPL Michaël Muhlematter, avec plus de 50 € entre les collecteurs haut-saônois, soit 25 000 € pour une exploitation moyenne… C’est plus d’un smic chargé. »

Normes et règlements

Dans les inquiétudes évoquées, il y a les impondérables liés à la météo. Mais pour ce qui est de la charge évitable, l’accumulation des normes improductives, voire contre-productives a fait l’objet de nombreux commentaires. « On nous demande une agriculture plus verte que verte, estime Justine Grangeot. Commençons par limiter les normes qu’on nous pond tous les matins. » Même dépit chez Michaël Muhlematter qui constate que « les normes et règlements pondus par notre administration sont toujours plus indigestes ». Pire, pour Emmanuel Aebischer, « ils font perdre le goût du travail aux agriculteurs ».

Résultat : contre toute attente, dans la soi-disant 7ème puissance mondiale, une véritable « crise alimentaire ». « Après avoir perdu la sidérurgie et la métallurgie, va-t-on sacrifier aussi l’agriculture ? demande le président de la FDSEA. Même si on nous dit le contraire, les indicateurs nous démontrent, par l’augmentation des importations, qu’il y a danger. »

On ne décrète pas une filière

C’est avec l’intervention d’Olivier Mével, sur les aspects du marché et de la communication, que ces éléments ont été plus développés (voir par ailleurs). Mais des difficultés des marchés, les élus syndicaux ont relevé, parmi d’autres, plusieurs éléments :

  • D’abord le côté « politique », au sens large du terme, de la crise alimentaire. « L’inflation ne s’arrête plus, constate M. Aebischer. Pour ce qui concerne le monde agricole, elle est, dans certains cas, loin d’être justifiée ». Avec plus de 10 mois d’affilé de baisse des prix des matières premières alimentaires, comme l’a montré par ailleurs Olivier Mével, on peut légitimement se poser la question. Ce serait donc un manque de soutien politique ? « Le Président l’a dit au Salon de l’agriculture : “Ne reculez pas, je suis derrière vous”… Mais où ? »
  • Ensuite l’aspect dogmatique de certains choix. « Toutes les idéologies politiques qui ont voulu modifier le monde paysan ont échoué, parce que le monde agricole ne peut être géré par des théories, disait Olivier de Kersauson ; il est régi par la réalité. » C’est par exemple une idéologie de considérer les minorités extrémistes (L214, antispécistes) comme des interlocuteurs valides. C’en est une autre de vouloir décréter un marché, comme on a essayé de la faire pour la bio : « C’est la filière la plus touchée par la crise, regrette M. Muhlematter. Les consommateurs arbitrent leurs achats : la volonté politique ne suffit pas à faire une filière. »

La folie à la mode

Pour l’avenir, les militants syndicaux ont encore du pain sur la planche. Côté nouvelle Pac, les contraintes seront plus importantes, avec la conditionnalité sociale, l’assurance récolte, le renforcement des règles environnementales. Côté chasse, il y a le dossier des calamités qui vient d’être refondu, comme l’a expliqué le président le chambre Thierry Chalmin, également responsable pour l’APCA du dossier cynégétique. « L’accord signé le 1er mars prévoit de réduire les dégâts de gibier de 20 à 30 % en 3 ans, et de revoir les conditions d’indemnisation, avec un seuil unique de 150 €. »

Enfin côté relations de voisinage, il y aura encore des efforts à faire dans l’administration pour le sujet des Gens du voyage, comme l’a expliqué au préfet Benoit Queney, éleveur à Ailloncourt. Il y aura aussi des simplifications à attendre sur les procédures, comme a pu le constater Samuel Dirand, de Frotey-lès-Lure, qui a lui aussi interpellé le représentant de l’État sur les lenteurs de ses services.

Pour conclure sur l’ambiance générale, M. Muhlematter s’est souvenu du discours du Président de la République le 12 mars 2020 : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation [...] à d’autres est une folie. » Compte tenu du chemin que prend notre pays avec ses importations en hausse rapide, il semblerait bien que la folie soit bien répandue.