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Visite préfectorale : l’élevage haut-saônois en grand danger

Stéphane Trannoy (à droite) a fait visiter son exploitation au préfet.
Stéphane Trannoy (à droite) a fait visiter son exploitation au préfet.

Les responsables syndicaux, qui avaient donné rendez-vous au préfet sur la ferme du Gaec de la Butte, ont une nouvelle fois tiré la sonnette d’alarme : la flambée des intrants et le manque de perspectives pousse à l’abandon des activités d’élevage et compromet le renouvellement des générations. La géographie agricole du département est menacée à court terme.

Différée pour des raisons de calendrier électoral, la traditionnelle visite d’exploitation agricole par le ‘’nouveau’’ préfet a finalement eu lieu, le 16 mai dernier au Gaec de la Butte, à Ovanche. Stéphane Trannoy, l’un des deux associés, a présenté la ferme dans ses grandes lignes : une production principale de vaches allaitantes, appuyée sur l’herbe (120 ha de prairies) et une centaine d’hectare de céréales et protéagineux. Un cas concret pour développer les difficultés actuelles auxquelles sont confrontés les élevages du département : « les cours de la viande s’envolent mais les prix du carburant et des engrais montent encore plus vite », s’inquiète l’éleveur, dont l’exploitation emploie aussi un salarié.

Un écosystème social et économique fragile

Emmanuel Aebischer, le président de la FDSEA, Mickaël Muhlematter, président de la FDPL, Thierry Chalmin, président de la Chambre d’agriculture, Philippe Auger, président d’Elvea, Gérald Pichot, représentant les Jeunes agriculteurs du département, Guy Ciron, président de la section des anciens exploitants… se sont succédés au micro pour détailler au préfet leurs motifs d’inquiétude. « Je suis d’un naturel optimiste, introduit Mickaël Mulhematter… mais là je suis vraiment inquiet vis-à-vis de l’avenir de la production laitière dans notre département : beaucoup se posent la question d’arrêter, et on sait tous que quand les vaches sont parties d’une ferme, elles ne reviendront pas ! » Philippe Auger insiste de son côté sur l’intensité sans précédent du mouvement de décapitalisation du cheptel bovin français. « En un an, de mars 2021 à mars 2022, on a perdu 109 000 vaches allaitantes, 60 000 vaches laitières et 40 000 génisses de renouvellement… ça fait quasiment 220 000 têtes en moins, c’est l’équivalent du cheptel de toute la Haute-Saône ! » En cause, comme l’a souligné Thierry Chalmin, les incertitudes et le manque de perspectives qui minent la motivation des éleveurs, conséquence de l’absence d’une ligne politique nationale claire et cohérente en matière d’agriculture et d’environnement, au vu des enjeux géopolitiques de sécurité alimentaire. « En plus on subit des règles contradictoires, entre l’Etat et la Région, comme sur le dossier des mesures agro-environnementales. » Gérald Pichot a pour sa part mis en valeur le déficit de projets de création d’exploitations (une seule en 15 ans), et une montée en puissance des projets de diversification, souvent portés par des hors-cadre familiaux, qui ne doit pas masquer l’impasse démographique des productions principales. « Le fait que les enfants d’agriculteurs ne veuillent plus s’installer, à cause des contraintes trop fortes au regard du revenu de l’activité doit nous interroger. Je suis très inquiet pour l’hiver qui vient. » Avec, en ligne de mire, une ‘’céréalisation’’ du paysage haut-saônois, au détriment des productions animales, certes contraignantes, mais pilier indispensable de l’économie locale et de la biodiversité.

Explosion des coûts de production

Comme l’ont souligné plusieurs représentants syndicaux, le ‘’scénario catastrophe’’ envisagé lors de l’AG de la FDSEA par Xavier Deparis, le directeur adjoint d’Interval, s’est bel et bien réalisé. L’intervention de l’Etat Providence n’a amorti ni l’envolée des cours des carburants, ni celle des engrais, ni celle des aliments du bétail. « En moyenne le surcoût pour les charges alimentaires est de 1,5 €/vache/jour », martèle Emmanuel Aebischer. « J’en ai assez que le seul levier pour réduire l’inflation soit le prix de l’alimentation : quand le carburant augmente, la facture de gaz augmente, l’Etat ne prend pas de mesures. Mais il faut maintenir les prix alimentaires le plus bas possible. », regrette Gérald Pichot. Bien moins vindicatif qu’à Noidans-les-Vesoul, le préfet a assuré la profession agricole qu’il partageait et prenait la mesure de ses préoccupations. « Le programme alimentaire territorial va donner des moyens de prendre en charge et valoriser les produits de vos fermes », a-t-il promis.

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