Renouvellement des générations en agriculture, déséquilibres commerciaux qui empêchent de vivre dignement du métier, suradministration, iniquité du système de retraite… autant de sujets sur lesquels les quatre candidats qualifiés pour le deuxième tour des législatives ont assuré la profession… de toute leur empathie !
Le 13 juin dernier à Vallerois-le-Bois, les syndicats agricoles (FDSEA – JA et FDPL) avaient convié les candidats qualifiés au second tour à un grand oral. L’occasion d’échanger avec la quarantaine d’adhérents présents au Gaec Wicky. Après les présentations d’usage, les responsables professionnels ont fait part aux candidats de leurs motifs d’inquiétude. Emmanuel Aebischer, président de la FDSEA, insiste sur le déséquilibre des négociations commerciales, qui fait du revenu des agriculteurs la variable d’ajustement de la guerre des prix. « Il y a une forme de spéculation sur le dos des agriculteurs… le lait augmente, la viande augmente, le blé augmente… mais nos charges ont augmenté encore plus vite ! » Justine Grangeot, la présidente des JA pointe l’insuffisance du renouvellement des générations. « Cette année on a fait 50 installations, dans les cinq ans qui viennent, on attend 600 départs en retraite. Le triplement des charges fait peur aux candidats, sans compter l’inconnue du montant de la DJA, gérée désormais par la Région qui n’arrive pas à mettre des moyens humains en face. » Pour Mickaël Muhlematter, président de la FDPL, c’est l’avenir de l’élevage qui est menacé à très court terme dans le département. « 50% des éleveurs arrivent en retraite, quel avenir pour ces exploitations sans repreneurs ? La restructuration touche ses limites, on arrive à un déclin de la production laitière en France comme ailleurs en Europe. Il y a une urgence si on veut conserver de l’élevage sur nos territoires et les semaines qui viennent vont être déterminantes ! »
Pas de vision, pas de visibilité
Guy Ciron, président de la SDAE, met l’accent sur l’empilement de contraintes administratives « on se demande s’il ne faudra pas devenir juriste pour continuer à être agriculteur ! » Globalement, le monde agricole se sent donc acculé, en l’absence de projet politique cohérent porteur de nouvelles perspectives de développement économique à toutes les formes d’agricultures. Condamné à subir les à-coups d’une économie libérale mondialisée, dont la pénurie de la moutarde dans les rayons est la dernière illustration. « Il n’y a plus de vision, plus de visibilité ! », résume Emmanuel Aebischer. Robert, dans la salle, regrette les incohérences « D’un côté on encourage les circuits courts, de l’autre on signe les accords du CETA ».
La nouvelle représentation qui sera élue dimanche prochain pourra-t-elle changer quelque chose à ce destin tragique ? Répondra-t-elle aux urgences démographiques, climatiques, économiques ? On a de la peine à y croire, de l’aveu même, en creux, des candidats qui ont l’expérience d’une mandature. Déjà à cause de la lenteur du dispositif… « pour la revalorisation des petites retraites agricoles, il a fallu 17 ans au projet de loi proposé par le député Chassaigne pour aboutir », reconnaît Chritophe Lejeune (Ensemble), qui y voit la preuve de la capacité des législateurs à dépasser les clivages politiques autour d’une grande cause… Mais que pèsent les intérêts du monde rural à l’Assemblée, face aux thèses véganes ou environnementalistes ? « C’est évident, on est tous d’accord pour la souveraineté alimentaire, ici, mais il y a des divergences au niveau national. On a dû être discret dans nos travaux sur les dossiers abattoirs. » détaille Christophe Lejeune, qui évoque la pression militante sur les réseaux sociaux. « A Champlitte, je vous défends face aux Coquelicots […] Ce ne sont pas des minorités je vous assure, ils sont puissants et nombreux, ils viennent de la ville. Au sein des commissions, à l’Assemblée, on discute, on argumente pour trouver la ligne de crête, la solution la moins mauvaise : sur Egalim, la loi foncière, le congé parental dans les Gaec nous devons trouver des solutions. » assure sa collègue Barbara Bessot- Ballot. On pourra quand même se consoler avec la récente reconnaissance européenne de l’IGP Cancoillotte… Mais à en croire ‘’Monsieur Cancoillotte’’ lui-même, ça ne suffira pas. « Les challenges de la transmission, de l’environnement, du réchauffement climatique, de la souveraineté alimentaire n’appartiennent pas qu’au monde agricole : on est tous dans la même barque. Ça ne pourra pas se faire avec des denrées agricoles bon marché, des agriculteurs qui ont du mal à cotiser pour leurs retraites et subissent toujours plus de contrôles administratifs. » prévient Michel Daguenet.
Une unité de transformation de viande en Haute-Saône ?
Antoine Villedieu (Rassemblement national) assure avoir visité une quinzaine de fermes du département depuis le début de la campagne et avoir ainsi pris la mesure de la diversité des situations. « Les lois Egalim 1 et 2 sont totalement inefficaces, on le voit, sans l’intervention massive de l’Etat », constate-t-il. Il prône la reconnaissance du caractère culturel de l’agriculture, le développement d’une marque territoriale et de l’écotourisme. Son collègue Eric Salmon voit dans l’éducation des enfants à une alimentation de qualité un levier pour « responsabiliser les consommateurs de demain pour qu’ils acceptent de payer la nourriture à son juste coût. » Plus original – et concret – Antoine Villedieu préconise « un centre de transformation de la viande pour créer de la valeur ajoutée et des emplois locaux. » avec l’idée de valoriser tous les morceaux et de permettre aux agriculteurs d’accéder collectivement aux appels d’offres des collectivités… Rendez-vous dimanche, dans les urnes !