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Filière engraissement : augmenter la valorisation du potentiel local

L’instabilité des cours de la viande a été identifiée comme un frein structuration d’une filière régionale d’engraissement. Crédit photo : Alexandre Coronel
L’instabilité des cours de la viande a été identifiée comme un frein structuration d’une filière régionale d’engraissement. Crédit photo : Alexandre Coronel

Face à la volatilité des marchés et pour répondre aux évolutions des attentes des consommateurs, la coopérative Franche-Comté Élevage mise sur la contractualisation et l’engraissement local des bovins en se focalisant sur la valorisation du cheptel régional. Une stratégie qui sécurise les revenus des éleveurs, valorise les productions locales et renforce les circuits courts.

En Franche-Comté, la restructuration des exploitations agricoles a laissé de nombreux bâtiments d’élevage inoccupés. Des surfaces fourragères, ainsi que des céréales produites dans les systèmes de polyculture-élevage constituent des ressources locales qui pourraient être valorisées dans l’engraissement des bovins. D’un autre côté, le fumier généré par l’engraissement des bovins est un atout indéniable pour la valorisation agronomique des sols. Pourtant ce n’est suffisant, comme le souligne Philippe Monnet, président de la coopérative Franche-Comté Élevage, « nous avons ici tout ce qu’il faut pour développer une filière d’engraissement performante, avec des animaux issus de nos cheptels laitiers et allaitants ».

Un potentiel largement inexploité

Aujourd’hui, une partie des vaches montbéliardes de réforme, race emblématique de la région, voit son potentiel viande sous exploité du fait d’un manque de finition de l’engraissement. Les carcasses, de taille modérée et la viande persillée de ces vaches, sont de plus en plus recherchées sur le marché. Par ailleurs, Les femelles croisées nées dans les élevages laitiers, quant à elles, prennent souvent la direction de l’Espagne pour y être sevrées et engraissées. : « On pourrait en faire davantage ici et capter ainsi une valeur ajoutée supplémentaire, tout en réduisant l’impact environnemental. Le marché est particulièrement demandeur de ces femelles de viandes grasses et persillées issues de carcasses légères », précise le président de la coopérative.

Des freins bien identifiés

Malgré ce potentiel, les éleveurs restent prudents face à l’engraissement et la production de jeunes bovins a fortement reculé ces dernières années. Julien Bigand, vice-président de Franche-Comté Élevage, pointe la volatilité des cours des céréales et de la viande : « Le risque de voir les coûts de production dépasser les prix de vente est bien réel. Cela dissuade les éleveurs d’investir dans cette activité pourtant porteuse. » L’actuelle hausse des taux d’intérêt pèse aussi sur les investissements des éleveurs, et peut expliquer aussi cette frilosité. L’ambition pour la coopérative est de proposer un cadre qui limite ces incertitudes financières tout en répondant aux attentes des consommateurs et des industriels.

La contractualisation pour sécuriser les revenus

La solution imaginée par Franche-Comté Élevage repose sur un dispositif de contractualisation adapté aux différentes catégories de bovins engraissés, et aux objectifs des éleveurs candidats. Guilhem Brouzes, directeur du pôle vif de la coopérative, explique : « Ces contrats permettent de garantir une rémunération stable et de répartir les risques entre les différents maillons de la filière. »

Trois types de contrats sont proposés, adaptés aux besoins des élevages : le premier repose sur un prix fixe, un prix de sortie convenu à l’avance entre l’éleveur et la coopérative. Les clauses peuvent également inclure une rémunération journalière pour la présence de l’animal, comme dans le cas des veaux sevrés. Le second est celui du prix minimum garanti : pour des productions comme les jeunes bovins, un prix de revient actualisé est calculé à chaque mise en place de broutards. Le prix payé au kilogramme à l’abattage ne peut pas être inférieur à ce prix minimum garanti.

Enfin la coopérative propose également une rémunération au GMQ (Gain Moyen Quotidien) : ici, le prix est décorrélé du marché et repose exclusivement sur la performance de croissance des animaux. « Cette approche contractuelle sécurise les éleveurs tout en favorisant la compétitivité et la transparence des filières d’engraissement. », expose Guilhem Brouzes,

Intégrer les coûts de financement dans les contrats

La coopérative a choisi d’innover également sur le volet financier via un soutien ciblé : « Nous intégrons les coûts de financement dans les contrats pour assurer une transparence totale et une meilleure gestion des risques. », poursuit le directeur. Ces dispositifs de contractualisation permettent donc aux éleveurs de développer sereinement leurs ateliers d’engraissement, en garantissant un retour sur investissement sécurisé et une compétitivité accrue. Ce modèle, ancré dans une logique de proximité et de durabilité, ambitionne de replacer l’agriculture franc-comtoise au cœur des enjeux économiques et environnementaux de demain.

Avec cette contractualisation, la coopérative espère non seulement lever les freins, mais aussi relancer une dynamique d’engraissement dans la région. « L’idée est de sécuriser les revenus tout en valorisant au mieux les productions locales. C’est une approche gagnant-gagnant, tant pour les éleveurs que pour la filière », conclut Philippe Monnet. Pour les éleveurs, cette stratégie représente une double opportunité : maximiser leurs revenus tout en renforçant leur place dans une économie locale durable et compétitive.