Maître de conférences en Sciences de gestion, commerce, logistique et distribution de l'Université de Brest, Olivier Mevel est un observateur privilégié des relations commerciales du secteur agroalimentaire. Invité de l’AG de la FDSEA70 le 8 mars prochain, il donnera des pistes pour reconquérir la valeur ajoutée, à la faveur de la crise du modèle de consommation.
Quels sont les éléments déterminants de votre parcours sur lesquels vous avez bâti votre expertise dans le domaine des relations commerciales ?
J’ai réalisé une thèse de doctorat au sein d'une centrale d'achat du groupe Leclerc, la Scarmor à Landerneau, une expérience assez rare originale qui m’a permis d’acquérir une vision large des quatre maillons de la chaîne de valeur alimentaire : agriculture, industrie, commerce et consommation. Je suis actuellement consultant indépendant en stratégie pour des entreprises agroalimentaires, ainsi que des organisations de producteurs, en plus de mon travail d’enseignant, ce qui me place en observateur privilégié d’une situation devenue très complexe.
Justement, quels points de ruptures identifiez-vous, par rapport au modèle familier qui prévalait au cours des dernières décennies ?
Déjà, et nous y reviendrons au cours de mon intervention, le fait que le cadre réglementaire posé par les EGALIM1 et 2 n’est pas satisfaisant. Si les prix agricoles remontent enfin, c’est la conséquence de l’inversion du rapport de l’offre et de la demande ! Et ça ne compense pas entièrement les hausses de charges de production. J’ai de grosses inquiétudes sur la consommation alimentaire, qui enregistre en 2022 un recul en volume de près de 10%, une baisse inédite depuis la deuxième guerre mondiale : l’alimentation est clairement la variable d’ajustement du budget des ménages. Cette situation a des impacts directs et immédiats sur les différents canaux de distributions, tous très touchés. Ce que j’illustrerais dans ma présentation avec des graphiques très parlants. Les industries agroalimentaires subissent aussi la pression par contrecoup, on le voit dans les négociations actuelles. En arrière-plan on voit se développer à grande vitesse de nouveaux modes de consommation, avec livraison à domicile de plats cuisinés dans les zones urbaines, sans indication d’origine ni traçabilité…
Quelles opportunités entrevoyez-vous pour le monde agricole dans ce paysage en mutation rapide, avec quelles formes d’organisation pertinentes pour les saisir ?
La souveraineté alimentaire, véritable enjeu du monde de demain, passe par une souveraineté industrielle. Or, avec un si faible taux de marge, les IAA ont du mal à investir dans leurs outils de travail, les ressources humaines et l’innovation… Le maillon agricole doit trouver des formes d’organisation à la fois souples et résilientes pour s’adapter à cette nouvelle configuration. Cela peut passer par des coopératives à taille humaines, pertinentes au niveau territorial, capables d’accompagner leurs adhérents dans des gains de productivité et une meilleure adaptation à leur environnement. Les organisations de producteurs sont aussi amenées à monter en puissance, comme levier dans le rapport de force avec les autres acteurs de leurs filières, mais aussi pour protéger leurs membres, et plus largement redéfinir l’agriculture.