La coopérative Franche-Comté élevage (FCE) est devenue au fil du temps un acteur phare de l’économie agricole régionale. Avec ses deux pôles, vif et viande, elle embauche aujourd’hui 377 salariés sur les filières bovines, porcines, équines et ovines et compte 2 150 adhérents. Face à l’inexorable décapitalisation du cheptel au plan national, FCE affiche une stratégie résolument locale.
Une centaine de personnes a participé à l’assemblée générale de Franche-Comté élevage (FCE) à Saône le 23 juin. Matthieu Repplinger, intervenant, chargé de mission et responsable études et conjoncture à l’interprofession du bétail et des viandes a brossé un tableau assez sombre de l’évolution du cheptel français. « Non seulement la décapitalisation est là mais elle s’accélère et va se poursuivre » a indiqué le technicien. L’affirmation est valable pour la viande bovine, elle l’est aussi dans une moindre mesure sur le porc. « 863 000 vaches ont été perdues en 6 ans entre le 1er avril 2017 et le 1er avril 2023, soit une diminution de 11 % des bovins sur le territoire national » annonce le chargé de mission. Les projections sur les sept prochaines années conduisent à une nouvelle diminution du cheptel (allaitants et laitiers) de près de 760 000 animaux. Dans le même temps, la consommation de viande bovine et de porc s’est tenue et a même, au cours de la dernière année, très légèrement progressé. Plus 1 % en 2022 par rapport à 2021 et plus 2,6 % au premier trimestre 2023. Dans le contexte inflationniste que l’on connaît, c’est plutôt de bon augure pour les producteurs de viande. Cependant, et au regard des courbes de production et de consommation, les spécialistes pensent que l’importation de viande devient incontournable. Ils la chiffrent même aux alentours de 30 % à l’horizon 2030. De quoi réjouir les membres de la Cour des comptes peut-être, mais pas les défenseurs de la souveraineté alimentaire et de la décarbonation de l’agriculture. Et si la décapitalisation du cheptel est amorcée en Franche-Comté aussi, elle l’est dans une moindre mesure.
Être présent à chaque maillon
« Nous aussi, nous avons des ateliers qui disparaissent en région. Surtout dans les secteurs où l’activité est insuffisamment rémunératrice » constate Philippe Monnet, président de FCE. Force est de constater que les zones de productions sous AOP sont pour l’instant épargnées. Cependant la zone géographique sur laquelle travaille FCE couvre la Franche-Comté, la Bourgogne et aussi le Grand-Est. La coopérative n’échappe que partiellement à la tendance. « Notre objectif est de sécuriser encore un peu plus nos approvisionnements » confie le président. La coopérative forte de ses 2 150 adhérents possède également des ateliers en intégration. « Ces ateliers nous permettent d’être résilients face à la décapitalisation annoncée du cheptel. En investissant sur l’amont et toujours en local, nous travaillons avec des outils existants mais aussi avec des savoir-faire précieux. Nous pouvons apporter une expertise technique pour correspondre encore plus aux attentes du marché » explique Florent Jacquemin-Verguet, directeur de FCE. En ligne de mire, travailler toujours et le plus possible avec les acteurs de l’économie locale. « Notre périmètre d’exercice est la grande région et une petite partie du Grand-Est. La reconnaissance du local est aujourd’hui telle, qu’elle équivaut à un signe officiel de qualité ou un label. Nos clients sont très demandeurs car les consommateurs plébiscitent le local. Ils s’identifient, connaissent ou reconnaissent des acteurs et c’est une marque de confiance » ajoute le directeur.
L’énergie au cœur du réacteur
Si l’activité du pôle vif est plutôt bien assise, FCE y est engagée dans des opérations de restructuration et d’économie d’énergie. Bâche Nénufar sur les porcheries de Pierrefontaine-les-Varans et Frasne afin de capter le gaz émis par les fosses à lisier. Rénovation de toiture et habillage extérieur sur la même porcherie de Pierrefontaine-les-Varans, reprise de la fosse à lisier à Noironte… d’autres projets plus conséquents encore sont attendus sur le pôle viande. « Après un travail qui sera conduit par un cabinet spécialiste, nous allons réaliser un bilan de nos émissions de gaz à effet de serre » explique le responsable. Sans obligation réglementaire, à l’instar de ce qui se fait sur les fermes avec l’outil Cap’2ER, la coopérative souhaite avancer sur la question de l’énergie. « A Besançon, nous avons la possibilité de produire 1 GigaWh d’électricité par le biais de panneaux photovoltaïques et d’ombrières solaires. Soit 10 % de la consommation totale de la coopérative. Nous nous heurtons pour l’instant à la compagnie d’assurances et son réassureur, exposés en cas d’incendie et donc assez frileux » explique Florent Jacquemin-Verguet. Produire de l’énergie mais également en économiser est un défi que FCE s’est fixé. « Notre objectif est de produire 20 à 25 % de notre consommation d’énergie, en électricité notamment mais aussi de réduire la consommation de carburant. Notre activité est liée à la logistique. Le transport est un point à travailler » affirme le président. De nouveau, la coopérative possède un atout certain grâce à sa stratégie locale qui permet de limiter l’empreinte carbone due aux longs transports.
Former les hommes
Pour poursuivre l’optimisation, la coopérative a mis en place une politique volontariste de formation auprès de ses salariés, de ses adhérents et de ses administrateurs. « Un formateur a sensibilisé un collaborateur à l’écoconduite. Il sera officiellement reconnu comme formateur écoconduite au sein de FCE. A son tour il pourra qualifier les salariés qu’il aura formés. Dans le même temps, nous avons diminué le turn-over de nos équipes avec une charte d’accueil pour mieux les accompagner dans leurs missions » précise le directeur. « C’est la même chose pour les adhérents et les administrateurs. Nous voulons les accompagner au mieux dans leurs fonctions. Pour relever le défi générationnel, adhérents et administrateurs doivent connaître la coopérative pour avoir envie de s’y investir comme nos aînés l’ont fait avant nous » insiste Philippe Monnet. Des sujets liés à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) auxquelles n’échappent pas FCE. La coopérative n’attend pas les obligations réglementaires pour s’investir totalement sur ces questions et continuer à tisser des liens forts avec tous ses partenaires.
Conseil d’administration : sorties et entrées
Une page s’est tournée avec le départ de Philippe Pierrat, Christophe Jacquin et Joël Pourchet de la coopérative Franche-Comté élevage.
Philippe Pierrat aura occupé la direction de la coopérative 17 années avant de passer la main à Florent Jacquemin-Verguet il y a un peu plus d’un an. L’ancien directeur est resté présent jusqu’en février 2023 à la disposition de son successeur.
Christophe Jacquin est entré à la coopérative il y a 25 ans. Devenu président une petite année après son arrivée au CA, il aura participé à la réflexion autour du développement de Franche-Comté élevage et notamment grâce à la reprise de l’abattoir de Besançon et de la société Belot, décisions stratégiques majeures pour la coopérative.
Joël Pourchet représentant de la filière porcine est arrivé à Franche-Comté élevage en 1985. 38 années où il aura vécu la restructuration des outils de production, de transformation et de mises en marché pour une meilleure organisation des filières.
Philippe Monnet, président, ses vice-présidents, Julien Bigand, éleveur en Haute-Saône et Mathieu Pernet, éleveur dans le Jura ainsi que tous les membres du bureau ont accueilli au sein du CA, trois nouveaux administrateurs. Yannick Pourchet, Vincent Tirole du Doubs, Alexandre Farque du Territoire de Belfort font désormais partie des 17 administrateurs de Franche-Comté élevage.
Et à Philippe Monnet, président de Franche-Comté élevage de souligner « Grâce à l’engagement d’agriculteurs et d’équipes de collaborateurs, la coopérative est passée de “débarrasser des bovins” sur les fermes à une véritable valorisation des produits. Les agriculteurs-adhérents qui ont cru et ont soutenu le projet ont permis des investissements qui font de la coopérative un acteur majeur au service de l’agriculture et des agriculteurs ».