Vous êtes ici

Equarissage : un modèle mutualisé sous tension

La collecte des cadavres des animaux de rente est très encadrée par l'Etat.
La collecte des cadavres des animaux de rente est très encadrée par l'Etat.

Depuis plus d’un siècle, la France organise la collecte et la transformation des cadavres d’animaux, une activité essentielle pour la salubrité publique et la valorisation des sous-produits. Aujourd’hui, ce système repose sur un mécanisme complexe de financement mutualisé, piloté par les interprofessions depuis le désengagement de l’État en 2009.

La loi impose l’équarrissage pour tout animal de plus de 40 kg ou tout lot de cadavres (volailles, agneaux, etc.) atteignant ce poids. Cette obligation, qui remonte à la fin du XIXe siècle, permet de transformer les carcasses en sous-produits utiles à diverses industries : gélatine, matières grasses, farines animales. Mais qui finance ces opérations ?

Depuis la privatisation du service public, c’est l’association ATM Ruminants, créée en 2009, qui gère l’organisation et le financement de l’équarrissage pour les filières bovine, ovine et caprine. Son rôle est crucial : collecter les cotisations, négocier les contrats avec les équarrisseurs et veiller à ce que les éleveurs soient correctement pris en charge.

Un financement à deux étages

Le modèle repose sur deux cotisations obligatoires, validées par des accords interprofessionnels et rendues contraignantes par arrêté ministériel. La première, dite "amont", est prélevée directement auprès des éleveurs. Calculée en fonction du cheptel, elle s’élève à 1,12 € HT par Unité Bétail Equarrissage (UBE), avec un minimum de 5 € HT par espèce. Cette cotisation ne représente que 20 % des ressources d’ATM Ruminants.

Les 80 % restants proviennent de la cotisation "aval", supportée par les abatteurs et répercutée sur toute la chaîne de distribution, des bouchers à la grande distribution. Ce système permet une mutualisation des coûts entre les différents maillons de la filière. Résultat : un éleveur bovin ne finance que 15 % du coût réel de l’équarrissage, le reste étant absorbé par les acteurs en aval.

Équité territoriale et enjeux pratiques

Autre particularité : la cotisation est identique pour tous les éleveurs, quel que soit leur département, malgré des coûts de collecte très variables selon les zones géographiques. Une manière d’assurer une forme de solidarité entre territoires.

Mais ce système n’est pas sans contraintes. Un éleveur qui ne paie pas sa cotisation perd l’accès au service et doit assumer l’intégralité des coûts d’équarrissage, à un tarif non négocié. Après trois relances, ATM Ruminants peut suspendre la prise en charge, avec des frais de dossier de 40 € HT à la clé.

Des spécificités selon les filières

Le poids carcasse joue un rôle clé dans la répartition des coûts. Ainsi, les éleveurs caprins, dont les animaux sont moins lourds, contribuent davantage en proportion que les éleveurs bovins. Par exemple, un reproducteur caprin "coûte" 1,74 UBE, contre 1,17 pour une vache.

Pilotée par INTERBEV, l’interprofession du bétail et des viandes, cette organisation témoigne d’un équilibre fragile entre impératifs sanitaires, équité économique et réalité du terrain. Un modèle unique en Europe, qui continue d’évoluer sous la pression des éleveurs et des industriels.

 

Accords pour 2025

À compter du 1er janvier 2025, le nouvel accord interprofessionnel signé le 1er juillet 2024 par INTERBEV et ATM Ruminants introduit plusieurs évolutions clés pour le financement de l'équarrissage des ruminants (bovins, ovins, caprins). Voici les principaux points à retenir :

Une cotisation amont maintenue, mais ajustée

Taux inchangé : 1,12 € HT par Unité Bétail Equarrissage (UBE), avec un forfait minimal de 5 € HT/espèce/éleveur si le calcul par UBE donne un montant inférieur.

Nouvelles catégories d'UBE :

  • Caprins : Les reproducteurs voient leur coefficient légèrement augmenter (1,74 UBE contre 1,70 en 2024), reflétant des coûts de traitement plus élevés.
  • Bovins : Stabilisation à 1,17 UBE pour une vache ayant vêlé.

Exemple : Un éleveur avec 10 vaches laitières paiera :

10 x 1,17 UBE x 1,12 € = 13,10 € HT (au lieu de 5 € HT si le calcul était inférieur au forfait).

Renforcement des contrôles et sanctions

Suspension accélérée du service : Dès deux relances impayées (contre trois auparavant), ATM Ruminants pourra suspendre la prise en charge des enlèvements.

Frais de dossier majorés : Passent de 40 € HT à 50 € HT pour les éleveurs en retard de paiement.

Concrètement : Un éleveur non à jour devra payer la prestation d'équarrissage au tarif plein (non négocié par l'interprofession), en plus des frais de dossier.

Optimisation de la collecte territoriale

Appels d'offres annuels : Les zones de collecte seront réattribuées chaque année aux équarrisseurs via des appels d'offres plus stricts, visant à réduire les délais d'enlèvement.

Obligation de traçabilité : Les éleveurs devront déclarer les animaux morts via une plateforme numérique dédiée avant toute demande d'enlèvement.

Budget global et répartition

Coût total 2025 estimé : 98 millions d'euros HT (contre 95 M€ en 2024), en hausse avec l'inflation.

Répartition :

  • 80 % financés par la cotisation aval (abatteurs, GMS, restauration).
  • 20 % par les éleveurs via la cotisation amont.
  • Spécificité : Les éleveurs ovins bénéficieront d'un abattement de 10 % sur leur part, pour compenser la fragilité économique de la filière.

Mesures d'accompagnement

  • Aides exceptionnelles : Un fonds de solidarité sera activé pour les éleveurs en difficulté (sous conditions de revenus).
  • Sensibilisation : Campagne d'information sur les alternatives à l'équarrissage (compostage, méthanisation) pour les petits élevages.