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Table ronde : la formation, levier de réussite

Riches échanges sur les ingrédients indispensables de la formation agricole : l’adéquation aux réalités du terrain, le sens de la gestion et des ordres de grandeur, la capacité à s’interroger et à conduire un projet, la notion du collectif… Photo : AC
Riches échanges sur les ingrédients indispensables de la formation agricole : l’adéquation aux réalités du terrain, le sens de la gestion et des ordres de grandeur, la capacité à s’interroger et à conduire un projet, la notion du collectif… Photo : AC

« La formation ne se cantonne pas au lycée agricole ! » Tel était le thème de la table-ronde organisée à l’occasion de l’assemblée générale 2025 des Jeunes Agriculteurs de Bourgogne Franche-Comté, le 17 avril dernier à Vesoul-Agrocampus. Dans l’amphithéâtre, jeunes en formation, enseignants, responsables syndicaux et partenaires ont échangé sans langue de bois sur les défis de la formation agricole.

En guise d’introduction, le directeur de l’établissement hôte, Ludovic Deret, a donné le ton : « Nous devons intensifier nos relations avec les JA. L’agriculture est un métier dur mais épanouissant. » Il rappelle que son établissement s’inscrit dans la réforme de la formation professionnelle initiée en 2009. Exit le BEPA, place au BPREA, et à une pédagogie en constante évolution pour s’adapter à un public « qui zappe, consomme la formation, supporte de moins en moins la contrainte ». Un public également plus jeune, moins souvent issu du milieu agricole : « En bac pro, seulement 33 % sont fils ou fille d’agriculteurs. Ils sont 25 % en BTS PA. »

Cette évolution appelle une réponse adaptée, au-delà de la simple transmission de savoirs. « Il faut développer une approche capacitaire, que les jeunes s’approprient des méthodes de travail, sachent apprendre à apprendre », insiste Ludovic Deret. Un changement qui bouscule les pratiques pédagogiques, « mais vous avez tout dit dans votre travail de 2023, reste à mettre en place les outils pour avoir des agriculteurs performants et épanouis dans leur travail ».

Apprendre, tout au long de la vie

La table-ronde, animée par Thibault Renaud, secrétaire général des JA de Saône-et-Loire, a réuni autour de lui un panel représentatif du monde agricole : formatrices, éleveuse, représentant VIVEA, étudiant, et même un ancien JA devenu député européen. Premier enjeu soulevé : comment former des agriculteurs polyvalents, capables d’initiatives et de s’adapter à un contexte qui évolue très vite ? Pour Étienne Goutte, élève en BTS CGEA à Vesoul, « ça dépend des matières. Pour la mécanique, rien ne vaut l’atelier. Pour d’autres, des exercices papier suffisent ». Coralie Ormancey, formatrice, insiste sur l’adaptation au profil de l’apprenant : « L’objectif professionnel compte aussi. »

Lou Villemenot, enseignante, évoque un nécessaire décloisonnement : « On co-construit les apprentissages avec les partenaires professionnels. On travaille les compétences transversales. » Pour Thibault Renaud, l’enjeu est aussi de faire comprendre la dimension gestionnaire du métier : « Le référentiel l’impose, mais ça prend selon le projet de l’élève. »

Des ponts avec le terrain

Les liens avec la base agricole sont essentiels. Coralie Ormancey le rappelle : « On visite les maîtres de stage. C’est du concret. Le retour d’expérience nourrit l’apprentissage. » Étienne Goutte souligne le rôle de conseil des Chambres d’agriculture. Les forums d’installation organisés avec les OPA sont aussi des moments clés, selon Coralie : « On a un public adulte, avec un projet d’installation. Le dialogue est plus riche. »

Justine Grangeot, éleveuse de vaches allaitantes en Haute-Saône et vice-présidente des JA BFC, complète : « Le bac pro en trois ans a peut-être fait perdre en envergure de chef d’entreprise. En formation, on devrait d’abord apprendre à réfléchir. Le PPP (parcours préalable à l’installation) permet d’insister sur des points clés d’un projet, comme le financement, et les éventuelles formations complémentaires. »

Elle insiste aussi sur la maturation nécessaire avant l’installation : « Pas de DJA avant 20 ans. Il faut un bagage. Un stage obligatoire, un suivi post-installation... C’est sécurisant. » La formation est aussi un levier pour renforcer les liens entre établissements, comme l'illustre « la Semaine de l’agriculture », où l’agriculture se glisse jusque dans les cours d’anglais.

Sylvie Humblot, de VIVEA BFC, dresse un panorama : « En BFC, 30 000 chefs d’exploitation. 21 % se forment, certains plusieurs fois. 6 400 bénéficiaires en 2023, avec une belle part de collectifs. » Objectif : sécuriser le revenu, s’adapter aux réglementations, monter en compétences. « On va du réglage du pulvé à la stratégie d’entreprise. Le tout avec des formations hybrides, sur-mesure, mêlant présentiel, témoignages, expérimentation, et digital. »

Se former, mais aussi s’engager

Jérémy Decerle, éleveur et ancien président des JA, souligne : « Les jeunes préfèrent avoir les fesses sur le siège du tracteur plutôt que sur le banc de l’école. Mais savoir faire naître un veau, c’est aussi important que savoir piloter son entreprise. » Il plaide pour une formation nourrissant l’engagement : « L’Ifocap, la formation Oméga m’ont permis de nourrir mon engagement. »

Il alerte aussi : « Attention à ne pas aller en formation juste pour soi. Il faut garder le sens du collectif, du militantisme. Les établissements ne peuvent pas tout faire. »

Une vision positive à partager

Stéphane Sauce, président de la FRSEA, salue le travail des JA mais avertit : « On ne peut pas présenter le métier uniquement sous un jour négatif. » Justine rebondit aussitôt : « On a une qualité de vie, on travaille avec le vivant. Notre métier est diversifié. On peut emmener nos enfants dans les tracteurs. Ce n’est pas le cas partout. »

La formation, c’est aussi apprendre à communiquer : « À l’accueil, à la prise de parole... », souligne Sylvie Humblot. Pour Jérémy Decerle, « chez JA, on sait faire les deux : manifester et animer le territoire. » Encore faut-il, ajoute Coralie, parvenir à formuler un message commun dans un contexte professionnel très diversifié.

Des échanges francs, jusqu’au débat

L’intervention d’un élève critique sur les résultats des actions syndicales et l’alliance FNSEA-JA a électrisé l’assistance. Maxime Buizard-Blondeau, JA et désormais président nouvellement élu de la Chambre d’agriculture du Loiret, venu en voisin, monte à la tribune pour une explication fournie : « C’est comme dans un couple. Il y a des hauts et des bas. La LOA, on reconnaît tous qu’elle n’a pas été à la hauteur. Ce que je vais retenir de ces mobilisations, c’est que les Français ont vu une profession unie pour défendre ses intérêts, capable d’une action de longue durée, dans le respect des biens et des personnes. »

En conclusion, tous s’accordent : la réussite des jeunes passe par une formation adaptée, un engagement nourri, et une image positive de la profession.