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Le rôle du géomètre-expert en agriculture

Le travail de terrain est irremplaçable. Célina Jacquin et son équipe sur un chantier de bornage près de Champlitte.
Le travail de terrain est irremplaçable. Célina Jacquin et son équipe sur un chantier de bornage près de Champlitte.

Le parcellaire est l’outil de base de l’agriculteur. Bien le connaître, c’est aussi bien le mesurer. C’est la mission du géomètre expert, qui doit posséder à la fois la compétence technique pour mesurer, la compétence juridique pour certifier, et les qualités humaines pour mettre d’accord les parties.

Depuis que l’on collecte l’impôt, donc depuis pratiquement toujours, la puissance publique a dû s’ingénier à cartographier : c’est l’origine du cadastre. Le nôtre a connu un développement considérable à partir de 1807, sous Napoléon, qui confia à son ministre du Trésor la mission de recenser et mesurer plus de cent millions de parcelles sur tout l’Empire.

Le cadastre n’est qu’un outil fiscal

Le travail fut exécuté de façon très minutieuse, compte tenu des outils disponibles à l’époque. Et il fut la base du cadastre français encore jusqu'à nos jours, puisqu’on estime que la moitié des communes françaises disposent encore d’un plan dont la « carcasse » est napoléonienne.

Pourtant, le cadastre n’est qu’un outil de collecte de l’impôt. Il ne représente pas toujours la réalité du terrain, comme on peut s’en apercevoir sur Géoportail en faisant apparaître à la fois les photos aériennes et le cadastre lui-même. D’ailleurs, l’aire définie par le cadastre est une « contenance », qui définit le niveau de l’impôt, mais ne correspond pas à la superficie réelle de la parcelle cadastrale, issue de mesures sur le terrain. Or, il est des occasions où l’on a besoin de connaître non pas la photographie fiscale d’un fonds, mais bien la photographie réelle, les mesures vraies.

Diviser, borner, positionner…

C’est là qu’intervient le géomètre-expert, profession qu’exerce Célina Jacquin, du Cabinet Jamey & Associés à Gray : «  Les propriétaires font appel à nous soit lorsqu’ils ont besoin de diviser une parcelle, pour une succession par exemple, ou lorsqu’ils ont besoin de connaître les limites de leur terrain, ou pour en connaître précisément la topographie (pentes par exemple).  » En France, le géomètre expert est le seul professionnel habilité à intervenir pour garantir les limites de propriété.

Contraint à un code professionnel précis, le géomètre expert agit « en toute indépendance et avec impartialité, pour toutes les parties concernées par la procédure », explique-t-on à l’ordre des géomètres experts. C’est-à-dire que s’il est sollicité par l’une des parties, il ne pourra pas la favoriser et s’astreindra au contraire à développer l’aspect contradictoire de la procédure.

À l’heure où chacun dispose d’un GPS relativement précis dans la poche, le rôle du géomètre expert reste donc essentiel. D’abord pour effectuer des mesures justes : le GPS n’est pas toujours suffisant ni disponible (sous-bois), y compris les technologies les plus modernes dont sont équipés les adeptes de l’agriculture de précision. Ensuite, pour certifier la mesure : le géomètre expert dresse le procès-verbal de bornage, et est seul apte à certifier le document d’arpentage qui permettra éventuellement de modifier le cadastre.

Un métier « foncièrement » humain

Le rôle du géomètre expert ne se limite pas au calcul et à la mesure. Aux archives comme sur le terrain, c’est d’abord un chercheur. En amont, il s’agit de trouver les informations, les documents, les traces des bornages précédents. Il faut se raccrocher à un réseau existant. Sur le terrain aussi, il faut chercher : retrouver les bornes enfouies, détruites, déplacées, perdues… Une tâche qui prend parfois un temps considérable, car le sol « mange » volontiers les repères qu’on y implante. «  Si on ne trouve rien, explique Célina Jacquin, on relève ce qui est visible : limites apparentes, clôture, bâtiments, murs…  »

Vient ensuite le moment de la conciliation. « On convoque les propriétaires pour leur présenter les documents que nous avons pu retrouver, leur proposer la limite qui nous semble la plus juste, et ainsi, ils se mettent d’accord sur leur limite séparative. » C’est la procédure d’un bornage amiable. Le géomètre expert doit de temps en temps faire preuve de tact et de capacité de conciliation pour mettre d’accord les parties.

À l’issue des opérations de terrain, le géomètre expert rédige les procès-verbaux qui feront foi après signature de l’ensemble des parties. Les voisins se partageront les frais, s’ils ont demandé ensemble le bornage ; si un seul a demandé le bornage, il règle seul les honoraires.

À défaut d’accord à l’issue de la procédure de bornage amiable, les parties peuvent demander le bornage judiciaire, et c’est le juge qui décide de la répartition des frais.

Une base de données publique

Dernière partie du travail du géomètre expert : le renseignement de la base de données nationale. Le géomètre expert a en effet l’obligation d’enregistrer le procès-verbal de bornage dans le portail «  Géofoncier  » (geofoncier.fr) « aux fins d’information du public, de conservation et d’archivage ». Ce portail permet de rendre publiques les opérations de bornage réalisées depuis 1997, et même les limites bornées depuis 2010.

Une source d’information non négligeable dans un projet foncier.


✔  Les outils du géomètre

Le géomètre (étymologiquement « qui mesure la terre ») est d’abord un mathématicien. Rodé à la trigonométrie sphérique, il mesure des angles et des distances. Son outil de base était donc jusqu’à un temps assez récent le théodolite, qui mesure des angles horizontaux et verticaux, et le mètre. Aujourd’hui ces deux outils sont réunis en un seul : le tachéomètre, qui ajoute au théodolite la magie du laser et de l’électronique pour relever plus rapidement et plus précisément les mesures. A l’heure du satellite, le géomètre utilise bien entendu le positionnement par satellite (GNSS) lorsque la topographie le permet (zone dégagée, sans arbres). Il est pour cela équipé d’un récepteur qui capte les signaux satellitaires, mais aussi les signaux du réseau terrestre (RGP), émis par exemple par les stations de Fougerolles, Arc-les-Gray, Vesoul, Frette, Dijon, Besançon, L’Isle-sur-le-Doubs, Belvoir, Seurre, Le Fied, Vaudrey, Flagey, Pontarlier, Hauterive-la-Fresse, La Longeville, Montbéliard. Enfin, les outils ne seraient rien sans le savoir-faire du géomètre, qui doit continuellement se mettre à niveau : chaque année, 24 heures de formation continue sont dispensées pour améliorer les connaissances techniques et juridiques, et unifier les pratiques

✔  Les référentiels : partir sur de bonnes bases

Le géomètre positionne les limites de terrain sur une carte. Mais quelle carte ? Reproduire la surface courbe de la Terre sur des plans en deux dimensions n’est pas une chose facile. Le processus qui permet de représenter une surface courbe sur une surface plane est une projection. Toutes ne se valent pas, car toutes déforment plus ou moins la réalité. On trouve des systèmes de projection qui conservent ou bien les angles (et donc les formes) : on les appelle « conformes » ; ou bien les surfaces (on les appelle « équivalentes »). En France, on utilise la projection conique conforme de Lambert, bien adaptée à nos latitudes moyennes et à l’échelle sur laquelle on travaille. Pour encore plus de précision, nécessaire compte tenu de la finesse des mesures réalisées, la France métropolitaine a été divisée en 9 zones sur lesquelles une projection de Lambert conforme est réalisée. Ces zones sont chevauchantes, et permettent que tous les départements puissent être cartographiés en entier sur une seule projection (pour la Haute-Saône, c’est celle centrée sur le 48e parallèle)