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L’autonomie, un puissant levier

De bonnes performances environnementales, économiques et zootechniques peuvent être atteintes dans une démarche de recherche d’autonomie. Celle-ci limite les émissions des animaux et réduit le recours à des intrants achetés, dont la fabrication et le transport, émetteurs de dioxyde de carbone, ont un impact sur l’environnement.

Le 7 octobre dernier, l’Idele présentait à Cournon une conférence axée sur l’intérêt d’explorer la piste de l’autonomie dans un objectif de limitation des impacts environnementaux de l’élevage laitier. « Optimiser les concentrés, utiliser des concentrés produits localement ou produire des protéines par les fourrages sont des leviers pour améliorer l’autonomie protéique. Ils peuvent également participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à l’augmentation du stockage carbone des systèmes laitiers. », expliquait en préambule Catherine Brocas, du service environnement de l’Institut de l’élevage.
Comme on peut l’appréhender simplement, l’empreinte carbone nette de l’élevage laitier est obtenue en soustrayant des émissions brutes de gaz à effet de serre (GES), le carbone stocké dans le sol par les cultures. Pour améliorer leur empreinte carbone nette, les exploitants peuvent donc agir d’une part sur la réduction des émissions qui sont liées à l’animal lui-même, à l’assolement, à l’achat d’intrants (concentrés, fertilisants…) et à la consommation d’énergie et d’autre part sur le stockage de carbone. Ce dernier est conséquent lorsque les cultures restent en place plusieurs années comme avec les prairies à base de graminées et/ou légumineuses ou via les haies.

Le poids des émissions indirectes

Les diagnostics Cap’2ER, déployés à grande échelle dans les élevages français au cours des dernières années, mettent en évidence qu’en matière de dioxyde de carbone, les trois quarts des impacts estimés sur le climat concernent les émissions indirectes de l’activité. C’est-à-dire celles liées à la fabrication et au transport des intrants (aliments et engrais…) Ainsi, le soja importé d’Amérique a un poids environnemental conséquent sur les émissions de GES car il est associé à la déforestation, contrairement aux sources locales de protéines. « L’importation massive d’aliments riches en protéines rend les élevages vulnérables à la volatilité des marchés. Elle contribue aussi aux excédents d’azote dans les régions d’élevage intensif et à la déforestation dans les régions de production du soja », insiste la scientifique, qui plaide ni plus ni moins pour une relocalisation de la production végétale destinée à l’alimentation animale. Ainsi le tourteau de soja importé d’Amérique du Sud affiche une empreinte carbone de 1,37 kg équivalent CO2/Kg de matière brute, contre 0,357 pour le tourteau français. Pour réduire ce poste d’achat, il est donc essentiel de travailler sur la qualité des fourrages pour réduire au maximum la correction par les concentrés.

Enrichir le système fourrager en légumineuses

Comme l’illustre le diaporama de Catherine Brocas, l’autonomie protéique d’un élevage est directement liée à la place du maïs ensilage dans la SFP : plus celle-ci est élevée, et plus la dépendance aux achats protéiques est forte. L’ingénieur détaille l’éventail des axes pour gagner en autonomie : « optimiser la ration, équilibrée à 95-100 g de PDI/UFL, et utiliser des concentrés produits localement (céréales de l’exploitation, tourteaux de colza français, protéines locales et protéagineux). Les protéines des fourrages sont aussi une ressource à prioriser : on peut améliorer la valorisation de l’azote prairial, par le pâturage, des récoltes précoces, et l’introduction de légumineuses dans le système fourrager. »
« L’autonomie protéique est un discriminant fort des élevages pour le critère des émissions de gaz à effet de serre : les élevages les plus vertueux, du décile supérieur, à 0,8 kg d’équivalent CO2/Kg de lait produit, sont aussi les plus autonomes, à 86 %, tandis que les moins vertueux, à 1,25 kg de CO2/Kg de lait produit, sont les moins autonomes (42 % de couverture protéique). » La composition de l’assolement diverge fondamentalement, avec seulement 6 % de maïs dans la SFP des premiers, contre 43 % chez les seconds. La part des prairies permanentes est de plus de 50 % pour les plus autonomes, et moins de 25 % chez les moins autonomes. Les consommations de concentré par les vaches sont aussi révélatrices, à 179 g/L dans le premier groupe, 256 dans le second. Seul défaut des systèmes autonomes, ils sont moins productifs… et ne peuvent nourrir « que » 15 personnes par hectare, contre 23 pour les autres. « Mais ils sont multiperformants et cochent toutes les autres cases (limitation des émissions, mais aussi préservation de la biodiversité, respect de la qualité de l’eau…). On peut retenir que les élevages autonomes en protéines ont une performance environnementale globale renforcée. »

Performances économiques au rendez-vous

L’analyse technico-économique comparée des élevages « moyens » et du « top 10 » des systèmes herbe-maïs démontre qu’avec un système de production similaire, en travaillant sur 4 axes, il est possible de gagner jusqu’à 30 €/1 000 litres pour un élevage moyen de 67 vaches et 480 000 litres vendus initialement, soit 16 500 € au total. Le top 10 a une empreinte carbone 18 % plus faible que la moyenne. Ces gains sont obtenus en travaillant sur la productivité des animaux (+700 l/VL), l’âge moyen au 1er vêlage (-1,6 mois), l’efficacité des concentrés (-20 g/l) et la fertilisation minérale (-12 kgN/ ha lait). Les mêmes analyses ont démontré que les potentiels de gains d’empreinte carbone et de gains économiques sont également similaires dans les 2 autres systèmes : respectivement -18 % et 15 600 € pour les systèmes herbe et -17 % et 15 300 € pour les systèmes maïs. L’objectif de la filière, via le programme national « Ferme laitière bas carbone » est avant tout de sensibiliser 100 % des éleveurs à cette thématique, puis d’envisager de réduire l’empreinte carbone du lait moyenne française de 20 % d’ici à 2025 via la mise en place de ces bonnes pratiques synonymes également de gains économiques pour les éleveurs.