
Lors de l’assemblée générale de Montbéliarde Association, les éleveurs ont pu bénéficier d’un éclairage sur les enjeux sanitaires, grâce à l’intervention du docteur vétérinaire Xavier Denis, de l’association Races de France. Tour d’horizon d’un domaine en constante évolution, à la croisée des enjeux zootechniques, commerciaux et épidémiologiques.
« Races de France est une association loi 1901, apolitique et sans but lucratif. Une grosse boutique, mais discrète », résume le Dr vétérinaire Xavier Denis, vétérinaire praticien aujourd’hui en charge de l’intégration des questions sanitaires au sein de cette organisation. Composée d’un directeur, de deux ingénieurs et d’un vétérinaire, Races de France travaille en lien étroit avec les filières pour faire dialoguer trois piliers : l’élevage, la génétique et le sanitaire.
Sa mission est notamment de défendre les intérêts des races animales françaises dans les instances nationales et internationales, en lien avec les autorités sanitaires comme la DGAL (Direction générale de l’alimentation), l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire), ou encore les GDS (Groupements de défense sanitaire).
Un rôle sanitaire central et parfois méconnu
« C’est un gros dossier, le sanitaire. » La phrase claque, tant la réalité des élevages modernes repose sur une gestion fine des risques sanitaires. Concours, export, surveillance : Races de France est impliquée dans tous ces maillons. Prenons l’exemple des concours : les décisions concernant leur tenue relèvent de l’organisateur, mais sont encadrées par les avis croisés des DDPP (Directions départementales de la protection des populations), en concertation avec les GDS et dans le respect des obligations légales. Certaines mesures relèvent de la loi, d’autres sont facultatives. Mais toutes pèsent dans les négociations.
La loi de santé animale et ses subtilités
Instaurée pour harmoniser les échanges intra-européens, la Loi de santé animale (LSA) établit une classification des maladies de A à E selon leur gravité. « Elle s’applique par défaut, mais laisse la porte ouverte à des accords bilatéraux entre États membres », explique M. Denis. Ces dérogations, bien que possibles, sont souvent longues et complexes à négocier, car fortement dépendantes des enjeux commerciaux.
Des maladies vectorielles sous surveillance renforcée
Parmi les préoccupations majeures : les maladies vectorielles, en particulier la fièvre catarrhale ovine (FCO) et la maladie hémorragique épizootique (MHE). Si leurs impacts zootechniques sont bien connus (baisse de production, avortements, retards de croissance), leurs conséquences économiques à l’export sont encore plus lourdes, à l'échelle collective. « La perte du statut indemne, c’est la fin des possibilités d’exporter des animaux vivants », souligne M. Denis.
Les défis sont multiples : mêmes symptômes que d’autres pathologies, circulation des vecteurs (culicoïdes, faune sauvage), transport d’agents pathogènes via des objets banals – « les sandwichs qui prennent l’avion », glisse-t-il, mi-sérieux, mi-inquiet. À cela s’ajoutent les cas sporadiques : « Sept foyers de fièvre aphteuse le long du Danube, uniquement dans des grosses fermes slovaques, avec peut-être un portage par les oiseaux migrateurs ? Gérer des charniers de plusieurs milliers d’animaux, ce n’est pas top, on préfèrerait toujours pouvoir agir en amont. ».
Vaccination et coordination européenne : deux chantiers essentiels
Alors que les foyers se multiplient, la question vaccinale revient sur la table. Fini les tabous : « La vaccination n’est plus un gros mot », affirme Xavier Denis. Des recherches sont en cours sur des vaccins polyvalents (multi-souches), notamment pour éviter les injections multiples. « BlueVac, un vaccin inactivé fabriqué en Zambie, est utilisé en Afrique du Sud. Pourquoi ne s’intéresserait-on pas plus sérieusement au culicoïde ? », interroge-t-il également, pointant les flux commerciaux qui font converger à Rotterdam marchandises venues du monde entier, mais aussi risques sanitaires associés.
Le vétérinaire plaide aussi pour un recensement européen des souches circulantes, dans la continuité des « assises du sanitaire » pilotées par Christophe Chambon. « Il faut que la commande publique anticipe l’épidémiologie. C’est ça, le travail syndical. »
Le niveau supranational : une course de fond
Enfin, impossible d’évoquer le sanitaire sans parler du volet export. Le code terrestre de l’OMSA (Organisation mondiale de la santé animale) s’applique souvent par défaut dans les négociations avec les pays tiers. Le rôle des CVO (Chief Veterinary Officers) y est déterminant. « C’est politique, la signature des CVO », confie le vétérinaire. « Il peut y avoir de vraies incompréhensions avec le terrain, notamment sur les délais. » Un exemple ? Les longues navettes entre la France et le Kazakhstan, demandeur de génétique ovine, pour trouver un terrain d’entente sur le commerce de reproducteurs. Tant que l’accord bilatéral n’est pas signé par les CVO, l’export reste bloqué.
Xavier Denis l’affirme : « Il faut apprendre à vivre avec la FCO le plus intelligemment possible ». Construire des lignes de défense solides, coordonner les acteurs, anticiper les mutations : c’est là le cœur de la stratégie sanitaire de demain. Comme une ligne Maginot, mais pensée pour le vivant.