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Euroforest : le loup au coin du bois

Le fils d'Eric Bernollin expliquait au Ministre, et devant les élus et parlementaires, que le loup venait remettre en question la reprise de l'exploitation familiale et l'installation avec son frère.
Le fils d'Eric Bernollin expliquait au Ministre, et devant les élus et parlementaires, que le loup venait remettre en question la reprise de l'exploitation familiale et l'installation avec son frère.

Alors que le Ministre ne devait passer qu’à Euroforest, la profession agricole et viticole de Saône-et Loire – avec l’aide de l’eurodéputé, Jérémy Decerle – a réussi à le faire venir sur une ferme d’élevage pour parler du loup, avant de passer à un « repas de travail » sur la ferme expérimentale, Ferm'Inov à Jalogny.

Arrivé à Saint-Bonnet-de-Joux le 23 juin pour inaugurer le salon Euroforest et participer à une table ronde sur le thème de la forêt et du bois, le Ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau est resté finalement jusqu’au milieu d’après-midi, se rendant notamment sur la ferme d’Eric Bernollin, près de Cluny. Là, l’attendaient une cinquantaine d’éleveurs principalement. Parlementaires, élus et Préfet étaient présents pour appuyer les demandes de la profession sur la gestion problématique du loup dans ce secteur d’élevage bocager. Comme nombre de ses collègues, Eric Bernollin figure parmi les victimes du loup. « Ce ne sont pas que nos animaux qui sont attaqués », faisait-il directement part au Ministre, montrant ainsi sa détresse. Il a même perdu un broutard de 480 kg, attaqué par un loup, une nuit, à 150 mètres d’une habitation voisine, d’une famille avec deux enfants. « Il était tellement blessé… On lui a prodigué des soins, mais rien n’y a fait. Après 48 h de souffrance, sans manger, ni boire, notre vétérinaire a dû l’euthanasier. Où est le bien-être animal ? », questionnait-il en direction cette fois des associations pro-loup et élus qui les soutiennent. Son vétérinaire, Pascal Briday rajoutait, voir « trop de drames tous les matins », lorsque des éleveurs l’appellent, impuissants, « pour des brebis les boyaux dehors », imageait-il bien. Figurant parmi les premiers prédatés il y a trois ans à Flagy, Julien Fuet a vécu « l’enfer, pendant cinq semaines, avec huit attaques » et cela va bien au-delà. « C’est traumatisant au niveau professionnel et familial », avec sa femme et ses deux jeunes enfants, tous aussi stressés que lui. « Ce n’est pas normal de nous laisser vivre seuls », critiquait-il, se sentant abandonné, voir méprisé. Éric Bernollin reprenait la parole pour montrer que la reprise de l’exploitation par ses deux fils – Clément et Antoine – est, du fait des loups, « incertaine » désormais puisque « le loup fait reculer l’élevage ».

L'éleveur est l'espèce à protéger

L’éleveur est « l’espèce à protéger » En 2023 en Saône-et-Loire, la pression de la prédation – pas que des loups certes – a été particulièrement intense avec déjà « 120 constats, toutes espèces : ovins, bovins, caprins, équins », insistait Laurent Solas, technicien à la chambre d’Agriculture qui est quasiment tous les jours mobilisé sur ce dossier. Éleveur à Ciry-le-Noble et élu référent à la chambre, lui aussi y passe des jours entiers, Alexandre Saunier veut maintenant voir « un tournant », alors qu’une nouvelle réglementation sur le loup arrive. L’objectif de la profession est simple, inverser les rôles, « l’éleveur est l’espèce menacée » et ce dernier doit pouvoir « faire son métier de façon sereine pour continuer demain ». Pour autant, lui qui est impliqué à la FNO (Fédération nationale ovine), il sait que le loup « ne peut plus être éradiqué, il faut être réaliste ». Et donc, la profession agricole a formulé une liste de propositions au Ministre qui répondait point par point. Le Ministre, Marc Fesneau ne cachait pas en préambule que « la France s’est emparée du sujet, mais n’a pas encore trouvé la solution » sur ce dossier « symbolique des injonctions contradictoires de notre société », opposant bien-être animal et biodiversité.

Simplifier et tirer avant plus d’attaques

Premier point important pour Marc Fesneau, « la présomption doit changer de camp » et bénéficier donc à la parole des éleveurs attaqués. Si le Ministre reconnaît « des améliorations » à trouver sur la question des moyens de protection, il veut surtout « simplifier » le processus, pour plus de réactivité, avec une « fusion des tirs de défense simple et renforcé ». « Hormis complexifier, je ne vois pas d’intérêts d’avoir deux niveaux, hormis d’autres intentions derrière », faisait-il allusion au Ministère de l’Environnement. Pour lui, le seul sujet qui prévaut est « la pression de la prédation » et de là, en découle les modalités d’accès aux tirs, le nombre de tireurs et le protocole de tir. « Je pense qu’il faut lourdement équiper les agriculteurs, les louvetiers et la brigade loup ». Une deuxième brigade a d’ailleurs été créée en France et recrute.

Remotiver les louvetiers

Pour remotiver les louvetiers, des défraiements sont à l’étude car « ce ne doit plus être un sacrifice » pour eux. Surtout, le Ministre « veut plus de prélèvements ». Il semble que la consigne soit appliquée puisque la France en est à son 169ème loup tué depuis le début de l’année… sur un quota de 174. La profession s’inquiète donc de la suite si les éleveurs n’ont plus d’autorisation de tirs. La logique du Ministre est simple, « un loup tué ne mangera plus après », réduisant pour l’heure les indemnisations. D’ailleurs, pour lui, l’indemnisation « n’est pas un solde de tout compte », invitant à ne plus répéter cette « erreur collective » de communication. Négociation interministérielle Il donnait sa position sur ce dossier « interministériel ». La prévention est prise sur le budget Pac, « l’indemnisation doit maintenant revenir au Ministère de l’Environnement », avec une « avance de trésorerie aux éleveurs », à qui resteront les questions de main-d’œuvre ? Le Ministre a encore des cartouches dans sa poche sur ce sujet. Idem, sur les tirs de défense. Une majorité de pays Européen se pose des questions sur le nombre de loups vivants. Outre la question du comptage, complexe à réaliser et à suivre, mais indispensable à la « confiance », le Ministre inverse à nouveau le débat. « Le seuil de 500 individus était un plancher pour la viabilité de l’espèce mais, l’ambiguïté est sur le fait qu’il n’y a pas eu de plafond… à combien de loups on s’arrête ? », demande-t-il maintenant que la population est estimée entre 700 et 1.200. « Une sacrée fourchette » d’ailleurs, ironisait-il, faute de représentants de l’OFB. N’étant plus à une « querelle » près, cette fois avec les ONG, Marc Fesneau assume la position réaliste que « tous les élevages ne sont pas protégeables », contrairement aux dires des pro-loups. Il se tournait vers la profession et surtout les élus : « j’ai besoin des parlementaires » pour défendre le bien-être de l’élevage. Hormis une nouvelle fois, Cécile Untermaïer, tous avaient répondu présents dans la journée et apporté leur soutien à la profession : les députés Corneloup, Dirx, Marguerite, Rebeyrotte, l’eurodéputé Decerle et les sénateurs, Mercier et Genet ainsi que les présidents du Département et de la Région, Accary et Dufay. Sur le seuil 2023 fixé à 174 loups prélevables, Marc Fesneau concluait : « si en juillet, il n’y a plus de quota, j’assumerai. Continuons. Il y a du mou dans la corde », se disait-il confiant. Alexandre Saunier le prenait au mot et le taquinait avec le même message que sur les pancartes brandies au dernier Congrès JA : « on attend des actes ».