Dans le contexte actuel d’épisodes de sécheresse et de chaleur plus fréquents et plus intenses, les haies ont un rôle d’atténuateur important à jouer. Et pour peu qu’elles soient judicieusement composées d’essences mellifères, elles contribueront à préserver la biodiversité ordinaire, précieux facteur de résilience de nos espaces ruraux.
5 à 10°C de moins à l’ombre d’une haie, des rosées amplifiées, une « brumisation » naturelle, un microclimat favorable sur plusieurs dizaines de mètres… voici quelques-uns des nombreux avantages climatiques naturels de la haie ! Enfin les haies, car il en existe autant que de contextes pédoclimatiques et culturels ! Comme le résume très bien la formule Philippe Pointereau, agronome et expert en agroécologie « la haie, objet né de l’ingéniosité paysanne est par essence multifonctionnelle », qui souligne aussi la dimension fédératrice de la haie – capable de réconcilier chasseurs, éleveurs, collectivités locales, acteurs du tourisme, agences de l’eau… - et le fait que sa gestion oblige à se projeter à long terme. Lors du Sommet de l’élevage 2023, l’association Végépolis Valley organisait justement une conférence-débat sur le thème des haies.
Ne pas rester à la surface médiatique des choses
Yvon Darignac, fondateur de Solu’nature et instigateur de cette conférence a invité son auditoire « à ne pas rester à la surface médiatique des choses », discrète allusion au « pacte en faveur de la haie » lancé à grand renfort de communication par le ministre de l’agricuture, et au buzz orchestré quelques semaines auparavant autour de leur « inquiétante disparition ». « Après la conférence sur la mortalité des abeilles donnée par le docteur Gilles Gromont, il nous faut aller au-delà du curatif, travailler sur le fond. Replanter des arbres et arbustes mellifères. La réimplantation de haies est l’axe privilégié pour sortir du palliatif. », a ajouté ce passionné d’apiculture. Mais c’est Pierre Bordage, ingénieur forestier salarié de la Mission Haies Auvergne Rhône-Alpes qui a été le principal orateur, avec un argument fort, celui de « la haie comme réconciliatrice des usagers des milieux naturels » A l’origine de cette association, fondée dans les années 80, des chasseurs qui ont voulu restaurer les sites de nidation de la perdrix grise, dont le remembrement les avait privées. Elle est aujourd'hui largement reconnue par les collectivités locales, les associations qui défendent l'environnement... et les agriculteurs ! « L’essentiel de notre travail, c’est le terrain : rencontrer les agriculteurs, entendre leurs difficultés, leurs contraintes, et leur proposer des solutions. »
Une agroforesterie de solutions
L’argumentaire du forestier est bien rodé. « Le premier intérêt de la haie, c’est son effet brise-vent : tous ceux qui ont un jour fait sécher du linge comprennent la puissance de l’effet du vent. Sur les sols, c’est pareil ! Quand on est déjà en déficit pluviométrique, on a tout intérêt à limiter l’effet desséchant du vent. Or la haie va réduire l’impact négatif du vent sur une distance de 10 à 15 fois sa hauteur. A l’abri de la haie de feuillus, on a un microclimat où la plage des variations des températures est atténuée : il fait moins froid la nuit (0,5 à 1°C qui peuvent faire la différence), moins chaud le jour (de 5 à 10°C de moins). Pour l’hygrométrie, c’est le même principe, avec davantage rosée matinale. » L’enjeu du bien-être animal, mais aussi des performances zootechniques est évident, quand on connaît la sensibilité des bovins au stress thermique… « Le système racinaire profond de la haie joue aussi un rôle structurant dans le cycle de l’eau. Les racines profondes de ces végétaux pérennes explorent des horizons profonds, ils permettent la remontée de l’humidité quand c’est nécessaire, et facilitent aussi l’infiltration des précipitations en excès. », poursuit le spécialiste.
Auxiliaires dans la lutte contre les campagnols
Enfin Pierre Bordage a abordé les haies sous l’angle de la biodiversité, une biodiversité ordinaire, fonctionnelle, bien loin du totem invoqué par des écologistes hors-sol. « La haie, c’est une pension complète pour les animaux sauvages : insectes, oiseaux, prédateurs… Elle leur procure le gîte et le couvert, et surtout leur permet de réaliser entièrement leur cycle de vie, reproduction incluse. Grâce à la diversité de végétaux dont elles sont composées, les haies offrent une grande richesse florale, dans un espace limité, et constituent aussi un corridor dans lequel les animaux peuvent se déplacer. L’ourlet herbeux, fleuri, au pied de la haie abrite et nourrit de nombreux auxiliaires qui rendent de précieux services à l’agriculture. L’hermine, par exemple, est un prédateur efficace des rats taupiers (les campagnols NDLR), le seul capable de les traquer dans leurs galeries. Elle dépend entièrement de la haie, qui lui sert de refuge. » La haie, oui, mais pas n'importe laquelle ! « Il faut exclure d’emblée les résineux, trop imperméables au vent, et qui provoquent des turbulences », a introduit l’ingénieur forestier, avant de délivrer de précieux conseils sur le choix d’essences adaptées, les modalités d’implantation et d’entretien.