Vous êtes ici

Climat : le méthane réchauffe, mais il refroidit aussi...

Le pouvoir "réchauffant" du méthane a été surrestimé d'un tiers, révèle une étude parue dans Nature. Crédit photo : AC
Le pouvoir "réchauffant" du méthane a été surrestimé d'un tiers, révèle une étude parue dans Nature. Crédit photo : AC

Une étude de climatologues californiens révèle qu’un tiers du potentiel de réchauffement du méthane est compensé par son pouvoir… refroidissant. Un effet qui était jusque là inconnu, et qui n’est pas encore pris en compte dans les modèles climatiques.

C’est une histoire d’ondes courtes et d’ondes longues. Jusqu’ici, on s’intéressait au méthane sous l’aspect « ondes longues » : il piège une partie des radiations dans l’infra-rouge (ondes longues) qui émanent de la terre, et joue donc un rôle de gaz à effet de serre (GES). C’est ainsi que tous les modèles climatiques l’intègrent, et que le Giec lui attribue un pouvoir de réchauffement global de l’ordre de 30 fois supérieur au CO2. Mais c’est une simplification excessive de la réalité.

Ondes longues, ondes courtes

C’est ce qu’ont découvert cette année des chercheurs de l’université de Californie. En effet, le méthane ne fait pas qu’intercepter le rayonnement infrarouge qui quitte la Terre (ce qu’on appelle improprement « effet de serre ») : il intercepte aussi les ondes courtes en provenance du Soleil, qui la réchauffent. Il a donc un pouvoir refroidissant, que jusqu’ici les modèles ne prennent pas en compte. L’ordre de grandeur de ce « refroidissement », d’après l’article publié dans Nature, est important : en le prenant en compte, les modèles climatiques amputeraient au méthane 30 % de son pouvoir réchauffant, et 60 % de son pouvoir « humidifiant » (le méthane est également responsable d’une augmentation des précipitations).

La bonne et la mauvaise nouvelle...

La bonne nouvelle de cette découverte, si elle venait à être confirmée, c’est que la part de l’agriculture dans l’émission de gaz à effet de serre (GES) de la France pourra être amputée de 17 % environ. En effet, on estime classiquement que l’agriculture est responsable de 20 % des émission des GES de la France, dont la moitié liée à l’élevage bovin. Si le méthane est 33 % moins réchauffant qu’on le pensait, alors 33 % de la moitié (l’élevage) des GES ne compte plus. Soit environ 17 %. CE qui amènerait l’agriculture à 16 % du total des émissions françaises de GES au lieu de 19 % dans les simulations actuelles de l’Ademe.

La mauvaise nouvelle, c’est que dans les bilans carbone et la vente des crédits carbone des éleveurs, ce résultat mènerait à un « poids » réduit des leviers liés au méthane. Or ce sont ces leviers (plus que ceux liés au CO2 ou au protoxyde d’azote) qui permettent aux éleveurs de réduire leur impact carbone, sans trop de difficulté (notamment les leviers liés aux animaux improductifs). Dans une première approximation, un tiers des crédits carbone vendus par les éleveurs seraient donc remis en question, si cette découverte devait être implémentée par les modélisateurs.

La véritable conclusion de cette découverte, une fois de plus, est la complexité extrême des processus liés au climat, dont la communauté scientifique dans son ensemble ne fait que définir des contours très imprécis. La modestie est de rigueur, comme le sous-entend Ryan Kramer, un des co-auteurs de l’étude, et chercheur au NASA Goddard space flight center : « Nous sommes bons dès qu’il s’agit de mesurer des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphere. Maintenant, l’objectif est de définir avec autant d’assurance ce que ces mesures signifient pour nous. »

lire l’étude : www.nature.com/articles/s41561-023-01144-z