
Largement médiatisé, le rapport de la Cour des Comptes qui suggère de poursuivre la décapitalisation du cheptel national pour respecter les engagements de la France en termes de gaz à effet de serre fait réagir le monde de l'élevage. Le chiffrage du déstockage du carbone qu'entrainerait la remise en culture des prairies, mis dans la balance avec le gain en termes d'émissions de méthane par les ruminants, est toutefois entaché d'une grossière erreur de calcul : il confond carbone et dioxyde de carbone...
Sur les aspects économiques, les conclusions du rapport de la Cour des comptes sont assez robustes, au sens où une modification des hypothèses de départ impacte peu ses conclusions. On peut cependant regretter d’importantes erreurs sur les aspects environnementaux, notamment dans l’approche comptable du rapport bénéfice-coûts de l’élevage. En page 66, les auteurs tentent par exemple de mesurer l’impact environnemental de la disparition de l’élevage sur un hectare de prairie remis en culture.
Ils décomptent alors, conformément aux données disponibles, un déstockage de carbone de l’ordre de 900 kg C/ha (kg de carbone) sur les 20 premières années d’une prairie retournée. Ils comparent cette « perte » à l’économie réalisée par la non-production de méthane sur cet hectare par les 1,3 UGB qui n’y paîtront plus : 2 à 3 tonnes de CO2 équivalent par ha (CO2e/ha) par UGB. Ils en concluent, puisque 900 < 2 600, que la suppression de l’élevage est un gain net de gaz à effet de serre. Sauf qu’on ne peut pas comparer des kilogrammes de C et des kg de CO2 : le ratio entre les deux est de 3,7 environ (1 kg C équivaut à 3,7 kg de CO2e).
Si on les suit dans ce raisonnement comptable, il aurait en fait fallu comparer 900 kg x 3,7 soit 3,3 t de CO2e déstockées, à une économie de 2,6 à 3,9 t CO2e (1,3 x 2 à 3 t). Et là l’avantage de la disparition de l’élevage est loin de sauter aux yeux. Contactée par nos soins, la Cour des Comptes n’a pas donné suite. Cette erreur n’est pas anecdotique puisqu’elle constitue la base de l’argumentation pour la réduction du cheptel, reprise en conclusion (p.72).
Entre un ministre de l’économie qui ne sait pas ce que représente un hectare, un ministère de l’agriculture qui ne sait pas ce qu’est un ordre de grandeur, et maintenant la Cour des Comptes qui s’emmêle dans les unités, on finit par douter de la crédibilité de ceux qui pilotent les stratégies agricoles nationales.