La dissonance cognitive entre l’état de sécheresse décrété par la préfecture et la vision de vastes étendues inondées dans notre département impose quelques explications sur le fonctionnement des nappes phréatiques… une notion pas forcément bien comprise.
« L’eau, c’est la vie… », avons-nous pensé en accueillant avec gratitude les pluies d’orage de cet été. L’eau est aussi synonyme de mort, quand elle dévaste terrains, habitations, infrastructures et noie cultures et cheptel. Les discours politiques, qui saturent l’espace médiatique, font régulièrement appel la nappe phréatique, une notion scientifique, dont la bonne compréhension nécessite quelques connaissances dans le domaine de l’hydrogéologie. Rappelons en préambule que l’eau souterraine est une ressource très utilisée : en France métropolitaine, elle constitue près des deux tiers de la consommation d’eau potable et plus du tiers de celle du monde agricole. Cette eau est aussi exploitée dans le secteur industriel. Pour l’ordre de grandeur, le sous-sol hexagonal contiendrait 100 milliards de m3 d’eau.
Des réservoirs qu’on pense illimités…
Etymologiquement, en grec ancien, le mot "phrear" signifie "puits" ou "source", un sens révélateur de la connexion de ce réservoir souterrain (ressource) avec sa disponibilité. Comprendre les mécanismes sous-jacents est essentiel pour une gestion judicieuse de cette ressource vitale. Les nappes phréatiques sont souterraines et forment des réservoirs naturels appelés aquifères. Contrairement à une idée reçue, il ne s’agit pas de grands lacs souterrains, mais plutôt de gigantesques ‘’éponges minérales’’, roches disposées en couches géologiques, capables de recevoir et conduire l’eau, qui leur arrive principalement de la surface par percolation. L’aquifère est un contenant, la nappe est son contenu. L’eau qui circule n’occupe que les vides de la roche (pores, fissures, fractures). Les nappes phréatiques ne sont pas homogènes, mais se divisent en compartiments. Et ceux-ci ne sont pas étanches… selon les contextes hydrogéologiques, les nappes communiquent directement avec les cours d'eau dans un système de relations complexes : renfort des cours d'eau en période de sécheresse, accompagnement des phénomènes de crues.
Réservoir et conducteur
Les variations de niveau des nappes d’eau souterraines obéissent à des phénomènes cycliques, une alternance de phases de recharge et de baisse. Elles sont alimentées par les précipitations qui s'infiltrent dans le sol : l’eau peut provenir de la pluie, des rivières ou des lacs ; voire d’autres nappes, comme dans le cas particulier des aquifères multicouches ! L’aquifère est à la fois un réservoir capable d’emmagasiner des volumes plus ou moins importants d’eau provenant des pluies infiltrées, et un conducteur permettant les écoulements souterrains et la vidange progressive du réservoir vers des exutoires naturels (sources, rivières ou mer). Le niveau d’une nappe diminue lorsque les prélèvements humains ou les conditions météorologiques dépassent sa capacité de recharge. Selon la géologie, l’écoulement d’une nappe est très variable. Les hydrogéologues distinguent par exemple les nappes inertielles qui se caractérisent par une cyclicité pluriannuelle, et les nappes réactives à cyclicité annuelle, très sensibles aux déficits de pluies efficaces.
Suivi qualitatif et quantitatif
En France, l’état des eaux souterraines est suivi de près par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM). Environ 6 500 nappes de toutes tailles ont été référencées sur le territoire national, dont 200 aquifères d’envergure régionale (de 1 000 à 100 000 km2). Le réseau national piézométrique, qui comporte 1 650 points de forage répartis sur le territoire permet de connaitre en temps réel l’état quantitatif des grandes nappes phréatiques exploitées, via des capteurs connectés. En complément, entreprises, collectivités ou agences liées à l’eau ont installé au fil du temps pas moins de 75 000 qualitomètres (distincts des piézomètres qui mesurent le niveau des nappes) sur le territoire national. Cette énorme masse d’informations est collectée par le portail ADES, développé et géré par le BRGM.