Vous êtes ici

Coopération internationale : l'IGP cancoillotte inspire les fabricants géorgiens de tenili...

Le tenili est un fromage géorgien à pâte filée, au processus de fabrication complexe. Crédit photo : GeorgianRecipes.net
Le tenili est un fromage géorgien à pâte filée, au processus de fabrication complexe. Crédit photo : GeorgianRecipes.net

Les 5 et 6 mai, huit Géorgiens accompagnés de leur guide se sont rendus en Franche-Comté à l’occasion d’un voyage d’étude. Voyage motivé par l’intérêt porté à la jeune filière cancoillotte, dont ils entendent s’inspirer pour protéger le teneli, un fromage rare, qui a bien failli disparaître sous l’ère soviétique…

Nora Melikidze (au centre) est une des dernières dépositaires du secret de fabrication du tenili, un fromage géorgien au processus d’élaboration complexe…La Géorgie, connue pour ses vins réputés, possède aussi une longue tradition fromagère, mais sous l’ère soviétique, sa production a été réduite à seulement quatre variétés standardisées. « C’était une production de masse, encadrée par l’Etat », résume Nora Melikidze, agricultrice et productrice de fromage fermier de la région de Meskhétie. Pendant cette sombre période, seules quelques familles meskhètes ont continué à fabriquer clandestinement le tenili pour leur consommation personnelle. Elaboré à partir de lait de brebis ou de vache, riche en matières grasses, le tenili nécessite un long process de fabrication : « après le caillage du lait et la cuisson du caillé, j’étire la pâte à la main pour former de fines lanières semblables à des fils, que je plonge ensuite dans une saumure froide. Ensuite puis suspendus à une perche pour sécher pendant quelques heures à quelques jours, selon la météo. » Le rendement fromager est de l’ordre de 10%. Vient alors l’étape cruciale : les filaments sont trempés dans de la crème épaisse avant d’être pressés dans des pots en terre (tenili), recouverts d’un tissu. Après quelques jours, le pot est retourné pour évacuer l’excédent d’eau, et s’ensuit un long et patient affinage, de deux mois à un an, au cours duquel les filaments absorbent la matière grasse. Traditionnellement réservé aux hôtes de marque, le tenili a un parfum doux, avec une pointe acidulée presque épicée. Une trentaine de producteurs sont concernés, pour un tonnage annuel de 4 tonnes.

Protéger un savoir-faire ancestral

« Le développement du tourisme gastronomique offre de nouvelles opportunités pour ce fromage, qui bénéficie d’une appellation d’origine ‘’historique’’, mais dont le cahier des charges, désuet, n’est pas appliqué dans les faits », expose Pascal Bernardoni, mandaté par l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle pour guider la délégation géorgienne dans sa démarche de structuration de filière d’appellation d’origine, au titre d’un accord de coopération international entre la Suisse et la Géorgie.

Valentin Fleytoux a longuement échangé sur les conditions de production du lait et sur le processus de fabrication de la cancoillotte, ainsi que ses débouchés commerciaux.Après une présentation générale de la filière par l’animatrice de l’APC, la délégation a visité la ferme et l’atelier de transformation du Gaec de Champs le Roy, à Colombe-lès-Vesoul : l’occasion d’échanges très intenses avec Valentin Fleytoux au sujet de la technologie fromagère déployée pour fabriquer la cancoillotte, par le truchement d’une interprète. « C’est très intéressant, et nous avons aussi un fromage maison qui s’apparente à votre metton, relève Nora Melikidze, mais personne n’a jamais eu l’idée d’en vendre. » Autres sujets d’intérêt, ceux du cahier des charges, du plan de contrôle, de la traçabilité des lots… « L’enjeu d’une actualisation du signe de qualité qui protège le tenili est à la fois de protéger ce savoir-faire traditionnel et de donner les conditions d’un développement des volumes sur un modèle entrepreneurial, avec des unités de fabrication de taille un peu plus importantes que celles qui existent actuellement. », détaille Pascal Bernardoni. « Nous avons justement choisi pour ces raisons la cancoillotte – qu’un collègue m’a fait découvrir – car c’est une jeune filière, qui offre des similitudes avec celle du tenili, et où coexistent des producteurs artisanaux et des industriels. »

Visite de la fromagerie Lehmann

Le lendemain, la petite délégation géorgienne s’est rendue dans le Doubs, à Vieux Charmont, pour y visiter l’atelier de fabrication de la fromagerie Lehmann et découvrir toute la gamme de cancoillottes aromatisées de l’entreprise. L’occasion aussi de poursuivre à Etupes, dans le restaurant, pour prolonger ce voyage de découverte par les dimensions gastronomiques du produit… Et de conclure par un temps d’échange avec des membres de la filière.