Le 24 janvier dernier, l’Association de Production Animale de l’Est (APAL’) tenait son assemblée générale au lycée agricole de Château-Salins. Face aux aléas climatiques et sanitaires de 2024, les responsables ont dressé un bilan sans concession. Invités de la session, Yves Fantou (Culture Viande) et Valérie Mestre (Interbev) ont apporté leur éclairage sur l’avenir de la filière, insistant sur l’importance de la communication auprès des jeunes professionnels et consommateurs.
L’assemblée générale de l’APAL’ s’est ouverte par la traditionnelle partie statutaire, menée par les membres du bureau et la directrice. Dans son rapport moral, Mathieu Toussaint, président de la section ovine, est revenu sur une année marquée par les difficultés climatiques et sanitaires. « Une année très compliquée pour l'élevage, avec un printemps excessivement humide ayant entraîné des retards de croissance et des problèmes sanitaires liés au parasitisme. »
L’apparition de la fièvre catarrhale ovine (FCO) au début de l'été a provoqué une véritable hécatombe dans certains élevages. « Les vaccins sont arrivés trop tard, et de nombreux éleveurs se sont retrouvés démunis face à la catastrophe », a-t-il déploré, tout en soulignant le caractère « totalement insuffisant et inadapté » des indemnisations de l’État. Seule note positive pour les éleveurs ovins, le cours des agneaux est resté élevé tout au long de l’année 2024.
Faire face aux vents contraires
Dans son rapport moral, Stéphane Peultier, président de l’APAL’, a dressé un bilan lucide de l’année écoulée. Comme pour la filière ovine, les aléas — qu’ils soient climatiques, sanitaires ou politiques — ont lourdement pesé sur les productions animales et, par conséquent, sur l’activité de l’association. « L’enveloppe de 75 millions d’euros promise par l’État pour la FCO 3 est loin de suffire. Il faudrait déjà 80 millions d’euros rien que pour le Grand Est », a-t-il alerté.
Il a également insisté sur la nécessité pour la ministre de revoir sa copie afin de prendre en compte l’ensemble des pertes indirectes, telles que les avortements, les naissances d’agneaux mort-nés ou encore la baisse de production laitière. En outre, il a dénoncé l’incohérence d’intégrer la FCO 4 et 8 dans le dispositif d’indemnisation, alors que la vaccination était possible pour ces sérotypes.
Enfin, Stéphane Peultier a critiqué les initiatives d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, « qui n’hésite pas à sacrifier l’agriculture au profit d’autres accords, en ouvrant les portes de l’Europe à une viande qui ne respecte pas nos standards de production ». Une transition parfaite avec l’intervention d’Yves Fantou sur l’avenir de la filière bovine et les conséquences des accords du Mercosur.
L’évolution du marché
Yves Fantou a présenté un diagnostic précis du marché français, s’appuyant sur les données du réseau Culture Viande, implanté dans 80 départements et regroupant 36 000 personnes. « Nous traversons une période extrêmement difficile : un abattoir ferme chaque mois et nous avons enregistré une baisse des abattages de 100 000 tonnes en seulement deux ans. »
Ce recul s’explique principalement par la décapitalisation, mais paradoxalement, la consommation de viande bovine n’a pas diminué en 2023. « Si nous produisons moins, nous importerons davantage. Il ne faut donc pas abandonner nos marchés », a-t-il averti. Il a souligné que les 18-24 ans constituent aujourd’hui la tranche d’âge la plus consommatrice de viande, avec une préférence marquée pour le steak haché, qui représente plus de 50 % de la consommation de viande bovine.
Sur le Mercosur, il a rappelé le rapport de force : l’Europe compte 450 millions d’habitants contre 300 millions pour le Mercosur. « Ces pays ont le potentiel de répondre à certains de nos déficits, mais nous devons exiger des clauses miroirs strictes. Lorsque l’Europe interdit 36 molécules, le Brésil multiplie par 20 sa consommation de produits phytosanitaires. La compétitivité est la clé de la souveraineté alimentaire, et non les barrières protectionnistes. »
Une communication essentielle
Valérie Mestre, directrice de la communication d’Interbev, a mis en avant l’importance de la stratégie de communication pour la filière viande (lire ici pour plus de détails). « 90 % des Français consomment de la viande, mais 35 % s’interrogent sur leur alimentation, notamment en matière de durabilité et de bien-être animal. » Il est donc primordial de leur fournir des informations claires et objectives.
Interbev mène depuis plusieurs années des campagnes de sensibilisation, comme les « Rencontres à table », qui succèdent aux journées « Made in Viande », ou encore la diffusion de programmes courts « Questions bêtes » sur TF1, tous les dimanches soir à 19h50. Pour toucher les jeunes publics, Interbev fait également appel à des influenceurs, notamment issus du milieu du gaming. « Les habitudes médiatiques évoluent, et nous devons nous adapter pour rester audibles », a-t-elle conclu.