La richesse floristique des prairies permanentes anciennes est spectaculaire : les inventaires y recensent 40 à 60 espèces différentes... autant de ressources génétiques, nutritionnelles et même thérapeutiques dont on commence à entrevoir l'intérêt pour le bétail. Grâce à la brosseuse de prairie, il devient possible de dupliquer ce patrimoine !
Dans le cadre d'une formation Afpasa sur le thème des "pratiques d'adaptation au changement climatique", une démonstration de récolte de graines de prairies permanentes à haute valeur environnementale avait lieu le 10 juillet en Haute-Saône. Trois agriculteurs, membres du GIEE "Association Prairies Semences Biodiversité Patrimoine", ont accueilli dans leurs parcelles l'outil de récolte, une "brosseuse" prototypale, qui permet de collecter les graines des plantes présentes. « Je vais les ressemer dans une autre parcelle de prairie permanente, après un travail du sol et préparation du lit de semence », détaille Eric Paris, éleveur bio à Recologne-lès-Rioz. L'outil a une simple action mécanique : l'effet d'entrainement d'une brosse horizontale qui remonte du matériel végétal dans un caisson : tiges, feuilles, fleurs... et précieuses graines. Préalablement au semis de celles-ci, il faudra donc procéder à un séchage du matériel récolté, puis à un tamisage. « Les conditions météorologiques n'ont pas permis d'intervenir plus tôt, relate Michel Delhon, de la CA70, en charge de l'animation de ce groupe d'agriculteurs. Nous sommes un peu au-delà du stade optimal de récolte, mais ce n'est pas dramatique : dans une prairie diversifiée, la période de maturité des graines s'étale sur une longue durée. Nous aurons suffisamment de graines viables des graminées, des légumineuses, et des autres plantes fourragères caractéristiques de ces prairies permanentes pour l'utilisation prévue. » Les inventaires floristiques ont permis d'établir des listes de 40 à 60 espèces. « Du côté du sabot de Frotey, nous avons pu récolter dans une prairie qui n'a pas été retournée depuis plus de 50 ans des graines de sainfoin bien adapté aux conditions locales. »
L'objectif poursuivi par le groupe d'agriculteurs à l'origine du GIEE est de multiplier les prairies à flore diversifiée. Ils s'inspirent de pratiques d'autres agriculteurs, dans le Massif Central ou en Suisse, qu'ils ont eu l'occasion de rencontrer au cours de formations « Afin de préserver les prairies et pelouses des secteurs des Vosges saônoises et des plateaux calcaires au sud-est de Vesoul. Leur but est d'utiliser les semences les mieux adaptées pour contrer les effets des sécheresses répétées dans les prairies, ainsi que les dégâts de gibier. » Face aux stress climatiques, biologiques, la diversité botanique offre en effet de précieuses ressources, gage de résilience. « Ensemencer une prairie avec de telles semences, issues du même terroir, résultat de plusieurs décennies d'adaptation aux contraintes du milieu, permet de gagner du temps par rapport au processus de colonisation d'une prairie naturelle. »
En présence des différents partenaires du projet (Parc naturel, syndicat de rivière, SCIC Grand-Est...), mais aussi d'acteurs du développement local et de l'environnement venus des départements voisins en observateurs, la brosseuse a récolté les graines de plusieurs dizaines d'ares de prairies permanentes. « Dont celles de la parcelle qui a remporté l'an dernier le trophée des pratiques agroécologiques, dans la catégorie "parcours et prairies fleuries", du côté de Belfahy, dans les Vosges Saônoises. C'est une belle illustration du concept de richesse et de diversité floristique. »
Une formation Afpasa
Le GIEE "Association Prairies Semences Biodiversité Patrimoine" est né en 2022, suite à une formation de l’AFPASA qui entre dans le cahier des charges VIVEA : "concilier performance et résilience par des pratiques adaptées au changement climatique" (intégralement prise en charge par le fond de formation VIVEA pour les agriculteurs). Cette journée de démonstration clôturait le cycle de formation, mais ne marque pas la fin des activités de ce petit groupe d'agriculteurs, qui a prévu de se retrouver en septembre prochain pour envisager la suite.
En arrière-plan, les travaux du GIEE haut-saônois alimentent aussi des recherches poursuivies dans le cadre du programme Prodiv, en santé animale, avec le suivie de plusieurs prairies permanentes complété par des analyses physico-chimiques (inventaire des tanins, des anti-oxydants et autres molécules d'intérêt...), sous la houlette de l'Ecole supérieur d'agriculture d'Angers.