La chute brutale des températures et le retour des gelées coïncide avec la phase de montaison, une phase à risque pour la fertilité du pollen. Il est pour l’instant trop tôt pour évaluer l’étendue des dégâts.
La chute des températures amorcée mi-avril s’est poursuivie jusqu’au retour des gelées en plaine, en début de semaine. Gelées modérées, certes, mais répétées plusieurs jours d’affilée, après un hiver peu rigoureux, un printemps très humide et peu ensoleillé… Plus ennuyeux, ces gelées surviennent alors que la plupart des céréales à paille sont dans leur phase de montaison, ce qui interroge légitimement sur les risques d’altération de la fertilité des épis. « Attention, prévient Eméric Courbet, spécialiste des grandes cultures à la Chambre d’agriculture de Haute-Saône, on parle de gel au stade méïose de manière un peu approximative : pour être plus précis, il faudrait plutôt parler de stress climatique au moment de la méïose. C’est un stade-clé dans la production de pollen des graminées : lorsque le sommet du jeune épi, encore dans les gaines, touche la ligule de l’avant dernière feuille (peu après le stade dernière feuille déployée), les gamètes mâles sont produits dans les sacs polliniques. On est en gros une dizaine de jours avant épiaison. C’est une phase brève, qui dure normalement à peine deux jours sous nos conditions climatiques (températures moyennes entre 10 et 15°C). Des températures minimales inférieures à +4°C associées à un faible le rayonnement (<200 cal/m2/jour), ou à un excès d'eau, plusieurs jours consécutifs peuvent pénaliser la fertilité du pollen. »
Pas de gel mécanique
Si la méiose est impactée, le pollen sera altéré et moins fertile : il sera dès lors difficile pour les fleurs de s’autoféconder. Cela pourrait donc affecter nettement la fertilité des épis, avec des impacts dépassant les -80 % dans les situations les plus extrêmes. Les défauts de fécondation peuvent également ouvrir la porte à certains pathogènes tels que l’ergot du seigle.
Contrairement à ce qu’on a pu observer sur la vigne ou les arbres fruitiers, il n’y aura pas de gel mécanique proprement dit sur les céréales, avec noircissement des tissus brûlés par le froid. « C’est plus insidieux, on verra les conséquences plus tard, au moment du remplissage des grains. Ça c’était déjà produit en 2017, et les agriculteurs ont pu constater que des secteurs entiers avaient des épis vides, car non-fécondés. » La baisse de température est associée à un temps instable, avec alternance de périodes ensoleillées et de passages pluvieux ou nuageux.
Autour de 20% des blés et des orges concernés
La bonne nouvelle, c’est que les céréales à paille sont actuellement à des stades hétérogènes, conséquence des dates de semis très étalées et des éventuels effets d’excès d’eau. « J’estime qu’environ 20% des parcelles de blé et d’orge sont actuellement au stade méïose, mais ça peut être plus élevé. » Néanmoins, en présence avérée de dégâts, il y aura moins de compensation possible que lors de gels de début de montaison, où la montée tardive de talles permet de compenser partiellement la destruction des maîtres-brins.
Arvalis-Institut du Végétal insiste sur l’importance de « ne pas rajouter des facteurs de stress supplémentaires ». Il est ainsi déconseillé d’appliquer des solutions phytosanitaires à effets phytotoxiques dans ces situations tels que herbicides et régulateurs. Concernant la protection fongicide, il est recommandé d’intervenir sur végétation sèche, en milieu de journée, pour éviter l’interaction avec les faibles températures matinales.