"L'arbre têtard", un patrimoine oublié légué par nos aïeux

Si vous voyez une silhouette étonnante dans le paysage ; un arbre au tronc large et bas, fracturé, boursoufflé, couronné de grosses branches dressées vers le ciel, colonisées par le gui, souvent cassées sous leur propre poids ; alors il s'agit sans nul doute d'une trogne, un arbre issu de pratiques paysannes anciennes.

Autrefois, nos ancêtres élaguaient régulièrement certains arbres, faute de vouloir ou d’avoir le droit de les abattre. Ils coupaient les branches supérieures en vue d’exploiter le bois (chauffage, vannerie), les feuilles (fourrage) ou pour pouvoir plus facilement cueillir les fruits. Étêtés, ces arbres voyaient leur tronc devenir massif souvent aussi large que haut. Une boursouflure de cicatrisation se formait alors au sommet donnant à ces arbres des allures de têtards de grenouilles. Au printemps suivant de jeunes tiges vigoureuses repoussait sur la tête rendant possible quelques temps plus tard une nouvelle taille.

Ces arbres « têtards » avaient une importance capitale dans la vie d’alors. Ils étaient « l’arbre nourricier » par excellence et jouaient un rôle social prépondérant.

Aujourd’hui ces trognes constituent un patrimoine d’intérêts paysager et historique. En outre, ils sont lieux de vie pour une multitude d’animaux et de plantes et font partie intégrante de la biodiversité.
Pourtant ces arbres multifonctions tendent à disparaître du paysage par ignorance de leurs rôles, ou simple oubli des pratiques paysannes anciennes qui les ont façonnés. A défaut d'être coupées, les branches grandissent et grossissent et finissent par s'effondrer en fracturant le tronc faisant ainsi périr l'arbre paysan parfois multicentenaire. Si vous redécouvrez des trognes sur votre exploitation vous pouvez prolonger leur vie en taillant les grosses branches dressées.
Avec ces branches il est possible de façonner des haies sèches, d'en tirer du bois de chauffage (fagots et charbonnette), des liens pour relever la vigne etc.