ZOOM / La forêt en France est en croissance. Malgré les pertes récentes liées aux maladies et à la sécheresse, elle s’accroît chaque année et contribue d’ailleurs ainsi à stocker du carbone. L’IGN publie des données à ce sujet, dont nous reprenons quelques éléments pour donner des ordres de grandeur en France et en région.
La France métropolitaine, et ses 55 millions d’hectares, n’a jamais été si boisée depuis au moins 500 ans. Avec aujourd’hui 17,1 millions d’hectares (Mha), la forêt couvre 31 % du territoire national (44 % en Haute-Saône). Les forestiers ont l’habitude de chiffrer le bois en volume : on mesure 2 800 millions de m³ (Mm³) de bois sur pied aujourd’hui, contre 1 800 Mm³ il y a 40 ans : plus de 50 % de croissance.
Une forêt plus vaste et des arbres plus vieux
Cette augmentation est due à un double effet : d’une part une augmentation de la surface boisée (3 Mha gagnés depuis 1985) ; d’autre part une augmentation du stock sur pied. Le premier effet est lié à la hausse des rendements agricoles : plus les rendements sont bas, plus on doit déboiser pour compenser, ce qui était le cas au début du XIXe siècle, avant la révolution agricole. Le second effet est lié à une gestion plus « long-termiste » des forêts. En trois décennies, le stock de bois vivant est ainsi passé de 137 à 174 m³/ha en moyenne, et le volume unitaire moyen d’un arbre est passé de 0,19 m³ à 0,25 m³. On dispose donc d’arbres plus vieux, plus gros, et en plus grande quantité.
Davantage de bois disponible, davantage de bois mort
Sur un hectare de forêt, la situation est la suivante : On dispose de 174 m³ de bois sur pied, 16 m³ de bois mort au sol, 8 m³ de bois mort sur pied. Et on prélève 3 m³/ha, sur un potentiel de 5,5 m³ d’accroissement biologique (90 Mm³ par an en France). Le stock de bois s’accroît donc, puisqu’on ne prélève que 55 % du potentiel de la forêt en France (63 % dans la région BFC) et qu’on compte 11 % de mortalité (9 % en BFC).
L’IGN, qui compile toutes ces données dans l’inventaire national forestier, note que la mortalité est en hausse ces dernières années, liée d’une part au vieillissement des forêts (plus on est vieux, plus… on meurt) et d’autre part aux accidents sanitaires et climatiques. Par ordre décroissant d’importance sur le stock de bois mort, les pathogènes les plus meurtriers sont :
• Le chancre et l’encre sur le châtaignier (23 Mm³ d’arbres morts sur pied), deux champignons originaires d’Asie
• Les scolytes sur les épicéas (en premier lieu le typographe et le chalcographe) favorisés par les étés chauds et secs de ces dernières années (9 Mm³ d’arbres morts sur pied)
• La chalarose sur frêne (4 Mm³ d’arbres morts sur pied)
Le stock de bois mort sur pied et au sol augmente donc continuellement, même si les quantités prélevées augmentent elles aussi ; ce qui n’est pas sans poser des problèmes liés aux risques d’incendies (plus de bois mort en forêt). Le taux d’arbres morts est aujourd’hui d’environ 3,7 % (mais 15,1 % pour le châtaigner, 5,8 % pour le pin sylvestre).
Le bois d’œuvre premier débouché
Des 90 Mm³ produits annuellement par la forêt métropolitaine, il faut déduire la mortalité (10 Mm³). Le volume disponible pour une exploitation stable est donc de 80 Mm³ : 50 Mm³ sont prélevés, le reste (30 Mm³) vient accroître le stock sur pied.
Le débouché des 50 Mm³ prélevés est complexe car les filières sont fortement imbriquées : certains déchets de l’industrie du bois d’œuvre par exemple passent dans le bois énergie, d’autres dans les pâtes à papier… Mais pour rester dans les grands chiffres :
• 15 Mm³ sont autoconsommés (bois énergie)
• 20 Mm² sont travaillés en bois d’œuvre (sciage principalement, placages, contreplaqués, merrains, bois sous rails…)
• 10 Mm³ partent dans le bois industrie (panneaux de particules, MDF, OSB, poteaux, piquets)
• 5 Mm³ repartent dans la filière énergie (bûches, plaquettes forestières)
Et le carbone ?
Une forêt à l’état stable dégage autant de carbone qu’elle en stocke : elle absorbe du CO2 de l’atmosphère, fixe le carbone (environ un tiers de la masse du bois), puis le dégage lorsque le bois se décompose au sol. En revanche, une forêt qui progresse comme c’est le cas en France depuis 150 ans, piège continuellement du carbone, proportionnellement à la biomasse créée. La forêt française contribue donc par plusieurs voies à stocker du carbone :
• Par l’accroissement de la biomasse aérienne : 30 Mm³ par an, soit environ 11 Mt de carbone par an, ou encore 40 Mt CO2 (dont 4,0 Mt en BFC)
• Il faut ajouter à cela l’augmentation de la biomasse racinaire (30 % de la biomasse aérienne) et de la masse de bois mort (10 %) : environ 15 Mt CO2 annuellement.
• Enfin, une partie du bois prélevé est durablement stockée : panneaux et bois industrie durables d’une part, charpentes et couvertures d’autre part. Cela représente environ 2 Mt CO2 à l’échelle de la France
En tout, environ 60 Mt CO2 sont séquestrés par la forêt chaque année en France (7,3 Mt CO2 en BFC). C’est presque deux fois la quantité de gaz à effet de serre émise par le cheptel bovin sous forme de méthane. Cela compense 13 % des émissions totales de la France. A l’avenir, tant que la forêt progresse, elle stockera du carbone. Mais rappelons qu’elle progresse en partie au détriment des terres agricoles…
Les hêtraies de Franche-Comté surveillées par avion
Les hêtraies de Franche-Comté sont particulièrement impactées par les sécheresses et les canicules d’intensité exceptionnelle qui se succèdent depuis 2018. Les propriétaires, les gestionnaires et les institutionnels ont aujourd’hui besoin d’une meilleure estimation et qualification de ce phénomène pour organiser l’exploitation, la mise en sécurité puis la reconstitution des secteurs sinistrés. Afin de disposer de références précises et géolocalisées, l’ONF a confié en 2020 à l’IGN un travail de cartographie par photo-interprétation d’images aériennes très résolues de l’état sanitaire des hêtraies des massifs de Montbéliard, Baume-les-Dames et Besançon, soit 9 400 ha boisés.
Extrait du résultat de la cartographie de l’état sanitaire du hêtre dans le secteur de Montbéliard.
Les essences de la forêt française
La composition en essences de la forêt française se modifie de manière progressive. Les feuillus constituent près des deux tiers du volume sur pied, en légère augmentation par rapport aux décennies précédentes. En effet, la hausse du volume sur pied est plus marquée pour les feuillus que pour les résineux, ces derniers étant plus demandés sur le marché et ayant été davantage touchés par les tempêtes de 1999 et de 2009.
La moitié du volume feuillu est constituée par les trois principales essences sociales : chêne pédonculé, chêne rouvre et hêtre, qui totalisent 900 Mm³. Malgré la hausse de leur volume au cours des dernières décennies, la part de ces trois essences dans le volume feuillu a diminué (61 % en 1981, contre 52 % en 2015), car des essences historiquement moins présentes (par exemple charme, chêne pubescent, frêne commun et chêne vert) ont connu une dynamique plus marquée encore.
Pour les résineux, cinq essences (épicéa commun, sapin pectiné, pin sylvestre, pin maritime et Douglas) cumulent à elles seules 847 Mm³, soit plus de 80 % du volume national d’essences résineuses. Seul le pin maritime, dont les peuplements ont été fortement touchés par les tempêtes de 1999 et 2009, se singularise par une diminution de volume, qui passe de 200 Mm³ en 1996 à 144 Mm³. Par contraste, depuis 1980, le volume de Douglas a été multiplié par huit, passant de 15 à plus de 120 Mm³, soit 4,5 % du volume total de bois sur pied, et les volumes d’épicéa commun et de sapin pectiné ont progressé respectivement de 74 % et 45 %.