Les capteurs multi-paramètres ouvrent la voie d’une détection précoce des troubles respiratoires des veaux à l’engraissement, cause de retards de croissance et d’emploi d’antibiotiques.
L’enjeu d’une détection précoce des troubles respiratoires des veaux est de taille, comme l’expliquait Elise Vanbergue, chef de projet santé animale à l’Idele, lors d’une conférence donnée sur ce thème au cours du Sommet de l’élevage. « Tant chez les naisseurs que les engraisseurs, les maladies respiratoires concernent un pourcentage important d’animaux (plus de 25% chez 15% des naisseurs par exemple), et leur incidence économique est élevée. Elle est évaluée à 125 € par veau malade pour les naisseurs, et plusieurs milliers d’euros par an chez les engraisseurs spécialisés (de l’ordre de 4 000 € pour un élevage de 150 places avec une incidence de 30%). » De plus, les troubles respiratoires constituent le principal motif d’utilisation d’antibiotiques dans la filière viande, notamment via l’antibioprévention réalisée dans les centres de tri qui font l’interface entre éleveurs naisseurs et engraisseurs… pratique largement remise en cause pour des raisons sociétales et de santé publique.
En amont des signes cliniques
Pendant deux ans, le programme de recherche Beef Sense a exploré la piste d’une détection précoce, fondée sur les modifications de comportement induites par les troubles respiratoires. Dans le cadre de cette étude, conduite en 2019 et 2020 sur deux lots de charolais, l’Institut a testé simultanément différents capteurs : les colliers, des bolus et des podomètres. Comme l’explique Marlène Guiadeur, du service santé et bien-être animal à l’Idele « Les trois capteurs utilisés ont permis de collecter des données de nature variée. Grâce au bolus ruminal, les températures du rumen et le nombre de buvées ont été enregistrés. Le podomètre a permis d’obtenir le nombre de pas effectués par le veau, le temps passé couché, le nombre d’épisodes couchés (une mesure toutes les cinq minutes). Enfin, le collier mesurait le temps passé à s’alimenter et à ruminer par tranche de 15 minutes. » En parallèle, des observations cliniques étaient réalisées quotidiennement par un praticien : abattement, alimentation, écoulement oculaire, écoulement nasal, remplissage du rumen, toux éventuelle… « A partir des mesures brutes issues de capteurs, 160 variables prédictives ont été analysées et un modèle mathématique a été créé pour faire le lien entre le statut clinique d’un animal (malade ou sain) un jour donné et les informations collectées par les capteurs dans les jours précédents. »
Des résultats prometteurs
Les résultats du projet sont prometteurs, car l’algorithme établi par les chercheurs permet de détecter les animaux atteints de troubles respiratoires 24h avant l’apparition des premiers signes cliniques avec une sensibilité et une spécificité proche de 75%. Or cette détection précoce est un gage déterminant de la réussite du traitement et plus globalement de mesures sanitaires efficaces. La suppression d’un des trois capteurs, le bolus ne dégrade que peu les performances des équations prédictives. « Ces travaux ouvrent donc la voie à la possibilité d’utiliser des capteurs non invasifs et réutilisables pour détecter précocement les troubles respiratoires sur des jeunes bovins en engraissement. » Parmi les prochains développements de ce programme de recherche, l’évaluation de l’impact zootechnique d’une stratégie de traitement conditionnée à une alerte, et ses conséquences sur la santé du lot. « De nouveaux travaux sont nécessaires pour obtenir un outil d’aide à la décision robuste et transposable économiquement dans les élevages : l’idéal serait d’y parvenir à l’aide d’un capteur unique et peu coûteux, permettant de réaliser quelques mesures brutes (activité, température, comportement) en routine, suffisantes pour distinguer si l’animal est sain ou malade à l’aide du modèle mathématique. », conclut la chercheuse.