La qualité des eaux de captage est un enjeu de santé publique… Une trentaine de molécules y sont activement recherchées en routine par les pouvoirs publics. Pour préserver l’usage des produits phytosanitaires, un usage responsable est de mise, qui combine bonnes pratiques et mise en place d’infrastructures tampon.
Les pulvérisateurs sont dans le collimateur. La prolongation européenne de l’homologation du glyphosate pour 10 ans n’y changera rien. Un article du Figaro paru le 21 novembre dernier et propulsé sur les réseaux sociaux est révélateur de l’ambiance délétère qui règne dans notre pays : il s’intitule sobrement, sous la plume de Mathilde Hardy, juriste (sic) « Mon voisin utilise du glyphosate : que faire ? », ou… suivez le petit guide du délateur en herbe ! Nonobstant le caractère hautement improbable et fantasmatique de surprendre son voisin en ‘’flagrant délit’’ d’usage d’un désherbant jadis banal et en vente libre dans toutes les jardineries, ce titre nous révèle sans fard dans quelle société de suspicion généralisée nous vivons.
L’eau potable est une ressource et très surveillée, à juste titre. Les points de captage, stations de traitement, réservoirs et réseaux de distribution des eaux d'alimentation font l’objet d’un contrôle qualité, supervisé par le Ministère de la Santé, via les Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS). Des arrêtés préfectoraux fixent la nature et la fréquence des analyses effectuées, influencés éventuellement par une certaine pression du monde associatif "environnementaliste". « Une trentaine de molécules sont couramment recherchées, parmi lesquelles des matières actives de produits phytosanitaires ou leurs métabolites », relate David Michel, directeur technique Nord-Est de la société Corteva Agriscience. Dont la propyzamide. Cette molécule herbicide à action racinaire (Kerb-flo, Ielo…), utilisée en post-levée dans les programmes de désherbage du colza pour contrôler les graminées (ray-grass, vulpin, bromes, folle avoine, pâturin ou encore repousses de céréales), a servi d’illustration à un exposé sur le thème de la protection de l’eau.
Bonnes conditions d’application
Schémas explicatifs et maquette en renfort, David Michel et son collègue Aymar de Barmon se sont relayés pour donner toutes les explications sur les bonnes pratiques indispensables pour préserver à la fois l’efficacité de la propyzamide et la possibilité légale de l’utiliser pendant les prochaines années. « Rappelons les trois règles de base : un seul propyzamide à 750 g/ha par campagne de colza, pas d’application sur sol sec ou saturé en eau – ou avant un épisode de forte pluie - et enfin une période d’application réduite aux mois de novembre et décembre. » Ces précautions découlent directement du mode d’action particulier de l’herbicide. « Comme c’est un herbicide racinaire, il faut qu’il y ait de l’humidité dans le sol pour qu’il soit absorbé par les plantules ciblées. Il est efficace dans les premiers centimètres du sol, ce qui fait que des graminées qui ont germé profondément ou qui sont déjà bien développées peuvent passer à travers. De même en cas de forte pression graminée dans le précédent, la quantité de produit – qu’on peut se représenter par un gâteau – ne sera pas suffisante pour venir à bout de chaque graminée : les parts de gâteau seront trop petites. Dans ce cas il vaut mieux prévoir en amont l’application d’un herbicide de présemis ou de prélevée qui a une action sur les graminées. » Quant à la période de traitement préconisée, elle vient du fait que la molécule est dégradée par les micro-organismes du sol. « Plus le sol est réchauffé, plus la propyzamide est dégradée rapidement. »
Dispositifs agro-écologiques
La contamination des eaux de surface et des nappes peut survenir par ruissellement, ou par écoulement direct via les dolines et bétoires (zones d’effondrement) qui se forment dans les contextes karstiques… « Un éventail de bonnes pratiques agronomiques permet de limiter les risques », détaille David Michel, pointant sur la maquette les endroits stratégiques. A commencer par l’aire de remplissage du pulvérisateur… On pense aussi au sens du travail du sol et d’implantation des semis, dans le cas des parcelles en pente, à la limitation de la dérive, par l’utilisation de buses antidérive, ainsi qu’à la présence de zones tampon bien entretenues, qui feront office de sas entre la parcelle cultivée et le cours d’eau. Cela peut-être une bande enherbée, mais aussi une haie, une mare, un muret… « Ces dispositifs sont très efficaces : les produits phytosanitaires qui sont collectés dans une mare végétalisée sont rapidement dégradés par les rayons ultra-violets et les micro-organismes naturellement présents, ce qui fait qu’en sortie de mare la charge est fortement abaissée. De même les racines profondes des arbres qui constituent une haie améliorent la capacité d’infiltration lente dans le sol et ralentissent le passage des molécules vers la nappe phréatique, ce qui leur donne le temps d’être dégradées. »