La météorologie de la campagne écoulée a permis de renouer avec des rendements élevés, notamment pour les semis précoces, moins impactés par la sécheresse. Plusieurs pistes d’adaptation de cette culture au climat se dessinent : semis le plus tôt possible, réservation des variétés tardives aux sols profonds, et réduction de l'écartement des lignes de semis.
Fin décembre, à Autoreille, puis Noroy-le-Bourg, les réunions techniques organisées par la Chambre d’agriculture de Haute-Saône ont été l’occasion de faire le bilan technico-économique de la campagne écoulées pour les grandes cultures… dont celle du maïs grain. « France Agrimer donne un rendement moyen de 95 q/ha, je suis un peu moins optimiste en Haute-Saône, autour de 85 q/ha : les semis tardifs ont été bien impactés par la sécheresse du 12 mai au 17 juin (seulement 1,4 mm de précipitations cumulés sur la station de Frotey) », annonce Emeric Courbet. Après un début de cycle un peu ralenti par la pluie et la fraîcheur, un créneau assez bref fin avril pour les semis, le mois de mai a en effet coïncidé avec le retour de conditions stressantes, associant fortes températures, vent et de manque de précipitations. « L’ETP (évapotranspiration potentielle) est un indicateur qui permet d’estimer la demande climatique, calculé en fonction des données météorologiques : rayonnement solaire, température de l’air, vitesse du vent, humidité relative… Quand l’ETP est supérieur aux précipitations, les sols s’assèchent. Le réchauffement climatique a un effet notable sur l’ETP, et le risque de stress hydrique précoce augmente. Pour le maïs, ça peut se traduire par des carences minérales. »
Tournant fin juillet
Conséquence, il faut essayer de semer le maïs le plus tôt possible, sans tenir compte de la température du sol ni craindre le gel « mais semer dans des parcelles propres, sans végétation. » Le rafraîchissement et le retour des pluies à partir de la mi-juillet ont permis de restaurer les bilans hydriques, et de préserver le nombre de grains par épi. « Enfin le mois de septembre anormalement chaud (+4°C par rapport à la moyenne 2000-2022) a accéléré la fin de cycle, avec une erreur de 15 jours des modèles prévisionnels sur l’estimation de la date de récolte. »
Cette campagne confirme la sensibilité du maïs au stress hydrique entre les stades 15 feuilles et limite d’avortement des grains à 250 degrés jour après la floraison. « Plus que le stress thermique, le stress hydrique impacte négativement le rendement. Le maïs freine sa croissance dès 31°C, et dès 35°C la viabilité du pollen et sa migration vers l’ovule est affectée. »
Réserver les variétés tardives aux sols à bonne réserve utile
« On retiendra qu’il faut réserver les variétés tardives aux sols à bonne réserve utile, privilégier les variétés précoces aux sols à faible réserve utile, bien désherber et biner pour limiter la concurrence. Et envisager de remplacer le maïs par des cultures moins affectées par la sécheresse, telles que le sorgho, ou des méteils dans le cas d’éleveurs. »
La Chambre d’agriculture présente des essais prometteurs sur la densité du peuplement et l’écartement de semis. « L’idée est de favoriser l’exploration racinaire avec une meilleure répartition des plantes dans l’espace. C’est un paramètre à étudier pour les années à venir. Avec un écartement à 50 cm, on a une couverture du sol plus rapide, moins d’adventices, moins d’asséchement du sol en cas de semis tardif et une moindre concurrence sur le rang, car les graines sont plus écartées entre-elles. » L’effet positif n’est notable que lors des années où l’alimentation en eau est limitante. Côté économique, il fallait atteindre cette année un rendement de l’ordre de 70 q/ha pour que la culture soit rentable. En termes de fertilisation, Emeric Courbet invite à conserver le cap de 150 à 160 unités d’azote par hectare. « On met toujours trop d’azote sur maïs… il faut combiner entre aléas climatiques et aléas géopolitiques. On peut baisser les apports à 120 sans souci s’il y a des apports de fumier avant semis dans un maïs implanté après le retournement d’une prairie. » L’occasion de rappeler aussi le retrait du S-métolachlore en 2023 « la campagne 2024 est la dernière pour utiliser les produits en stock », et d’évoquer l’émergence de problèmes de ray-grass. « Le maïs est très sensible à sa concurrence, et le ray-grass fait partie des adventices difficiles à contrôler dans la culture de maïs, avec très peu de matières actives utilisables, avec un niveau d’efficacité limité. Il faut donc privilégier les méthodes agronomiques : labour tous les 3 ou 4 ans, faux-semis et binage dans le maïs. »