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Hernie du colza : un parasite insidieux et persistant

Une parcelle touchée par la hernie des crucifères, au moment de la reprise de végétation. Photo : A.Lacroix
Une parcelle touchée par la hernie des crucifères, au moment de la reprise de végétation. Photo : A.Lacroix

En progression depuis une trentaine d’années, la hernie des crucifères touche principalement dans les sols acides. Cette maladie racinaire majeure dégrade les rendements du colza. Bonnes pratiques agronomiques et levier variétal sont les principaux ressorts pour limiter à la fois la dissémination et la nuisibilité de son agent causal.

La hernie des crucifères, causée par le champignon terricole Plasmodiophora brassicae, est une maladie racinaire majeure du colza. Ce parasite obligatoire (lire l’encadré) infecte non seulement le colza, mais aussi d'autres brassicacées cultivées (choux, navets, moutardes) et des adventices telles que la ravenelle ou la capselle bourse-à-pasteur. Son cycle de vie repose sur deux phases : une phase passive, où les formes sporulées persistent jusqu'à 15 ans dans le sol, et une phase active, où l'infection se déclenche dès que les conditions sont favorables. Cette longévité exceptionnelle rend l’éradication de la maladie particulièrement difficile et oblige les agriculteurs à adopter des stratégies de gestion à long terme.

Des conditions météo propices à l'infection

« L'eau libre dans le sol est un facteur clé de contamination. C’est pourquoi les conditions météorologiques qui entourent la période de semis sont déterminantes et qu’on note un effet année important dans l’expression de la maladie », explique Emeric Courbet, spécialiste des grandes cultures à la Chambre d’agriculture de Haute-Saône. « Face à l’augmentation du nombre de parcelles concernées dans la région, j’ai demandé à Terres inovia un topo sur le sujet pour nos réunions techniques de l’hiver dernier. »

Lorsque l'humidité du sol dépasse 80% et que les températures sont comprises entre 20 et 25°C, les spores de P. brassicae libèrent des zoospores mobiles capables d'infecter les poils absorbants des racines. Cette phase primaire d'infection se transforme ensuite en une prolifération de plasmodes à l'intérieur des cellules racinaires, conduisant à la formation de galles. Ces renflements racinaires perturbent l'alimentation hydrique et minérale de la plante, provoquant un flétrissement du feuillage, un défaut de croissance et, dans les cas les plus sévères, la disparition totale des pieds de colza. « Pour l’instant, les pieds touchés survivent car l’alimentation hydrique n’est pas limitante, mais avec le retour des conditions poussantes les dégâts vont être très vite visibles, avec un dépérissement rapide. » Cette perte de vigueur et d’absorption des nutriments entraîne une diminution du rendement pouvant atteindre 50 % dans les parcelles fortement touchées, avec des pertes économiques significatives pour les agriculteurs.

Une menace en extension

Historiquement limitée à certaines zones (Berry, Bourgogne, Lorraine, Poitou-Charentes, Bretagne), la hernie s'est largement étendue sur une large moitié nord de la France. Moins d'un cinquième des sols français sont jugés réceptifs, mais cette proportion est supérieure dans les sols acides, limoneux et hydromorphes. L'implantation régulière de crucifères en rotation courte favorise également l'accumulation de l'inoculum, rendant les sols durablement contaminés et menaçant l’ensemble de la filière colza.

L'utilisation de variétés tolérantes reste le levier principal de lutte. Toutefois, plusieurs pathotypes de P. brassicae ont été identifiés en France, dont certains (P1, P2, P3) peuvent contourner la résistance de certaines variétés, comme Mendel. « Dans les parcelles contaminées, l'implantation de variétés seulement partiellement tolérantes ou de mélanges variétaux qui combinent variétés tolérantes et variétés sensibles est un mauvais calcul : cela contribue à la multiplication du parasite et à la sélection de pathotypes plus agressifs, favorisant l’érosion rapide des résistances génétiques. », met en garde Emeric Courbet.

Indispensables mesures agronomiques

Au-delà du choix variétal, plusieurs leviers agronomiques permettent de limiter la propagation du parasite. L’allongement de la rotation culturale est une première mesure essentielle : il est recommandé d’attendre au moins six ans avant de réimplanter du colza dans une parcelle infectée, afin de réduire significativement la population de spores présentes dans le sol. Par ailleurs, un contrôle rigoureux des adventices crucifères comme la ravenelle, la capselle bourse-à-pasteur ou encore la sanve permet aussi d’éliminer les réservoirs secondaires du parasite. Enfin, la désinfection des outils agricoles est une précaution supplémentaire pour éviter la dissémination du parasite via les particules de terre transportées entre les parcelles.

Si aucune solution chimique ou biologique n'est actuellement homologuée en France, ces bonnes pratiques associées au suivi des pathotypes permettront aux producteurs de colza de préserver leurs parcelles face à cette menace désormais bien installée.

Biologie : qu’est-ce qu’un parasite obligatoire ?

Cette maladie provoque le développement anormal et la multiplication excessive des cellules des racines, qui sont à l'origine d'une déformation caractéristique du système racinaire : des gales.Un parasite obligatoire est un organisme qui ne peut survivre et se reproduire qu’en parasitant un hôte vivant. Contrairement aux parasites facultatifs, qui peuvent survivre dans l’environnement ou sur des matières organiques mortes, les parasites obligatoires ont besoin d’un hôte spécifique pour compléter leur cycle de vie. Plasmodiophora brassicae, responsable de la hernie du colza, en est un exemple typique : il doit infecter les racines des crucifères pour se multiplier.

Parmi d’autres exemples bien connus on peut citer Phytophthora infestans, l’agent du mildiou de la pomme de terre, ou encore Puccinia striiformis, responsable de la rouille jaune du blé. Ces parasites posent de sérieux défis en agriculture, car leur gestion repose principalement sur des pratiques culturales et des résistances variétales, à cause de l’érosion rapide de l’efficacité des traitements curatifs.