2024 restera sans doute dans les mémoires comme l’année de la limace, nous faisant presque oublier les problématiques rencontrées sur colza. Pour autant, nombreux sont les agriculteurs bio à abandonner cette culture, tant la pression des ravageurs reste forte. A la Ferme jurassienne de Germigney, la lutte biologique est présentée comme un allié primordial de la conduite du colza en agriculture biologique.
La grosse altise et le méligèthe sont les ravageurs les plus dommageables sur colza, et ce du stade plantule au stade floraison. Leur gestion est ainsi primordiale et doit être pensée différemment en agriculture biologique où la régulation chimique est interdite. Bien que le semis précoce reste un levier efficace pour gérer les attaques de grosses altises, d'autres leviers sont nécessaires pour lutter contre ses larves ainsi que celles des méligèthes. Présentant des taux de parasitisme des larves d'altise jusqu'à 50% et de 50 à 97% pour les larves de méligèthes, Tersilochus sp. semble être un auxiliaire de choix dans la mise en place d’une stratégie de lutte biologique. En pondant à l’intérieur de l’hôte (oviposition de début printemps à début d’été), ces micro-guêpes parasitoïdes induisent la mort des larves d’altises et de méligèthes, limitant ainsi les dégâts sur la culture de colza et réduisant pas la même occasion la population d’adultes pour la génération suivante.
Dans objectif de favoriser ces parasitoïdes au champ, la ferme de Germigney a opté pour la mise en place de bandes fleuries. Larges de 3 mètres, longues de la quasi-totalité de la parcelle, et espacées de 50 mètres, les bandes fleuries sont semées au printemps en plein champ. Actuellement, deux mélanges sont testés : un mélange de huit espèces d’une durée de vie de 3 ans (achillée millefeuille, bleuet sauvage, marguerite, pâquerette, carotte sauvage, mauve sylvestre, lotier cornicule, trèfle blanc) et un mélange 26 espèces d’une durée de vie de 7 ans élaboré par l’Inra. Les espèces considérées appartiennent essentiellement aux familles des Apiacées et des Astéracées. Ainsi, avec des relevés faunistiques témoignant de la présence de Tersilochus sp., des rendements de colza maintenus autour de 25 quintaux à l’hectare, et un coût des bandes fleuries lissé sur plusieurs années, la ferme de Germigney souhaite continuer sur cet élan. En plus de cela, Emmanuel aime le nouveau regard porté sur ces parcelles : « Les bandes fleuries attirent l’œil des passants : c’est n’est pas commun en grandes cultures. »
Pérenniser la présence de Tersilochus sp.
L’implantation de bandes fleuries au cœur de la parcelle permet de fournir gîte et couvert aux populations de parasitoïdes. Ainsi, en cas d’infestation d’insectes ravageurs sur la culture de colza, les micro-guêpes peuvent jouer leur rôle de régulateur. Une fois l’hôte consommé (larves d’altise et/ou de méligèthe), la larve du parasitoïde se dirige au sol pour créer son cocon. L’adulte émergera au printemps suivant, se dirigeant ainsi vers d’autres proies. C’est donc pendant l’été, dans son cocon, que Tersilochus sp. est le plus sensible au perturbations.
De ce fait, tout travail du sol réduit considérablement la survie du futur adulte. On estime qu’un travail superficiel du sol cause un tiers de la mort d’une population, et jusqu’à deux tiers pour un déchaumage et/ou un labour. La diminution d’émergence au printemps impacte donc le taux de parasitisme. Ainsi, privilégier un non-travail du sol de la récolte du colza au semis de la culture suivante, par l’intermédiaire notamment de semis direct, permet de préserver efficacement les populations de Tersilochus sp. Enfin, il est à préciser que ces micro-guêpes parasitoïdes sont particulièrement sensibles aux traitements insecticides. Les survies dépendent donc en partie des pulvérisations des parcelles voisines au printemps jusqu’au début de l’été.
Coordonner les différents leviers sur plusieurs années est l’élément clé pour favoriser et pérenniser la présence des parasitoïdes. A la Ferme de Germigney, on reste persuadé de l’intérêt de la mise en place des bandes fleuries pour assurer la régulation biologique des ravageurs du colza. Emmanuel reste toutefois cartésien en précisant « qu’évaluer l’effet des bandes fleuries sur la bonne gestion des ravageurs sur la culture de colza reste néanmoins peu évident. »