L'importance de la pluviométrie hivernale a compliqué les interventions culturales sur les colzas, et l'excès d'eau pénalise les peuplements en empêchant leur alimentation azotée, voire en provoquant la fermentation racinaire... En sortie d'hiver, un point sur l'état de chaque parcelle est nécessaire.
Même si la pluviométrie moyenne de l’année 2023 est dans la moyenne, c’est la répartition des pluies qui fut le plus problématique (+40% de pluviométrie annuelle sur les trois derniers mois !). Localement, le cumul de pluie a dépassé les 400 mm, voire 900 mm dans les Vosges ! Ces précipitations ont fortement pénalisé les chantiers de semis, les interventions culturales et potentiellement l’état sanitaire du colza. En effet, l’excès d’eau impacte le fonctionnement du colza à plusieurs niveaux :
- Lorsque l’oxygène du sol passe en dessous de 10%, l’absorption d’azote est bloquée. Les sols saturés en eau ont pénalisé l’alimentation azotée de la plante et donc leur croissance,
- En présence prolongée d’eau, la racine de colza fermente (décomposition et odeur désagréable), ce qui entraine une accumulation d’éthanol dans les feuilles. Avec l’accumulation, la photosynthèse est impactée (la feuille prend une couleur brune à rouge) ainsi que la croissance. Si l’accumulation est trop importante, des pertes de pieds sont observées.
Il faut couper longitudinalement la racine pour évaluer l’importance des nécroses racinaires : voir les photos ci-dessous d'une racine intacte, d'une racine très impactée et d'une autre racine fortement impactée par l’excès d’eau, dont la décomposition dégage une odeur désagréable.
Les symptômes de ces excès d’eau sont aujourd’hui visibles et de nombreuses questions se posent sur les diagnostics parcellaires : le potentiel est-il impacté, la plante va-t-elle repartir ?, faut-il retourner la parcelle ? Un apport d’azote est-il nécessaire ?
La prise de décision doit tenir compte de plusieurs paramètres :
- Le peuplement : en dessous de 10 pieds/m² bien répartis, le retournement de la parcelle est conseillé,
- L’état sanitaire de la racine : pour observer les nécroses racinaires, il faut prélever des racines et les couper longitudinalement pour bien identifier les zones touchées. Si les nécroses racinaires sont trop importantes, la survie de la plante est fortement compromise. Nous attirons votre attention sur le caractère évolutif des nécroses. En effet, en fonction des conditions climatiques (notamment le retour d’une période pluvieuse), les nécroses peuvent évoluer, c’est pourquoi, dans les parcelles présentant des nécroses modérées, il est conseillé de vérifier régulièrement la progression ou la stagnation des nécroses pour confirmer le diagnostic.
- Le pourcentage de la parcelle concerné par les dégâts. Pour envisager un retournement, la surface concernée par de fortes nécroses doit être suffisante pour justifier de nouvelles dépenses (charges opérationnelles et coûts de passage). Si la surface touchée ne représente que quelques pourcents de la parcelle, le maintien de la culture dans la zone sera décidé, il conviendra alors d’être vigilant sur le salissement en fin de cycle, notamment en graminées. La gestion des adventices devra être envisagée en interculture et dans la culture suivante.
- Le niveau d’infestation en larves de grosses altises ou de charançons du bourgeon terminal. Il intervient en facteur aggravant de la présence de nécroses racinaires.
Attention, le niveau de défoliation ou le rougissement de la végétation ne sont pas des critères suffisants car même en cas de forte défoliation, si la racine est intacte ou très peu touchée, la plante pourra repartir en végétation et maintenir son potentiel. Dans cette situation, la défoliation aura plutôt pour origine, un épisode de froid, plutôt qu’un excès d’eau.
En conclusion, faire un diagnostic dans les parcelles suite aux fortes précipitations n’est pas aisé. Si la décision est simple dans les parcelles extrêmes (parcelle intacte ou au contraire présentant de fortes nécroses racinaires), elle est beaucoup plus délicate dans les situations intermédiaires en fonction du pourcentage de la parcelle concerné et surtout de l’évolution des symptômes. Dans ces situations, une observation régulière est conseillée. Une adaptation de la stratégie en trois apports d’azote est à envisager avec un premier apport modéré de 40 unités dès la reprise de végétation et quand les conditions le permettront pour permettre à la plante de soutenir sa croissance (en cas de retournement ultérieur, la dépense sera modérée). Réserver un apport de 40 unités sera à prévoir au stade E. Le solde sera apporté au stade D2.