L’exubérance de certaines parcelles de céréales, qui résulte de la douceur automnale exceptionnelle, interroge sur l’intérêt d’utiliser un régulateur. Le retour d’expérience de la campagne 2011-2012 en Auvergne montre les limites de la voie chimique : peu efficace, voire nuisible en cas de coup de froid.
Avec la douceur automnale qui a perduré jusque très récemment, certaines parcelles de céréales semées tôt atteignent des niveaux de tallage jamais vus au 20 novembre, au point que certains s’interrogent sur la nécessité d’appliquer un régulateur de croissance. Bonne ou mauvaise idée ?
Le constat d’anomalie de températures établi fin octobre est toujours d’actualité. Sur la période du 1er octobre au 24 novembre, en moyenne sur près de 300 stations météorologiques bénéficiant d’un historique supérieur à 20 ans, l’anomalie de température moyenne est de 2,6°C cette année, soit près de 150 degrés-jours de plus que la normale. Cela peut aussi se traduire en probabilité : 99 % des stations météo étudiées (295 sur 297) n’ont jamais connu de cumul de températures aussi élevé au cours des 20 ou 30 dernières années. Cet excès de température est particulièrement marqué le long d’une diagonale allant de Bayonne à Besançon. Côté précipitations, les cumuls sont proches de la moyenne à l’échelle nationale, ce qui permet une levée correcte des cultures (à décorréler toutefois du maintien de sécheresse profonde, car les sols tardent à se recharger en eau).
Des céréales d’hiver parfois très développées en semis précoces
Le cumul de températures élevé, associé à l’absence de gelées précoces, provoque une croissance rapide des cultures. Cette croissance se manifeste notamment par des appareils foliaires denses, voire exubérants, avec des niveaux de tallage jamais atteints à cette période de l’année. La disponibilité en azote provenant des précédents, mais surtout de la minéralisation estivale et automnale dope évidemment cet excès de végétation.
L’arrivée de jours courts et de faibles rayonnements intensifient donc la concurrence entre tiges, qui tendent à s’étioler. Cela donne l’impression que les céréales vont commencer à monter, même si elles n’y sont pas prêtes (les besoins en vernalisation et/ou en durée du jour ne sont pas remplis). Dans de telles conditions, la question d’appliquer un régulateur de croissance sur les céréales très développées peut émerger…
Une situation similaire avait été observée en Auvergne en novembre 2011 : orge d’hiver très développée, après un semis relativement précoce et une saison relativement douce. Différentes options de conduite de la culture avaient été émises : régulation (testée le 10/01/2012, sans effet), fauche, absence d’action. En début d’hiver, le poids de la pluie sur les feuilles a commencé à faire verser des tiges. Le coup de gel de fin janvier a finalement causé une nécrose générale des feuilles (100 % de nécroses de feuilles mi-février). Et, contre toute attente, la culture est repartie, avec un rendement final proche de 55 q/ha.
Quelles stratégies en cas de végétation excessive en entrée d’hiver ?
L’option d’une régulation chimique est déconseillée, car très incertaine et potentiellement contre-productive en cas de chute de température ultérieure. De plus, dans le cas des orges qui sont touchées en priorité, les régulateurs de croissance précoces (à base d’antigibbérelines) sont peu efficaces compte-tenu de la physiologie de la plante.
Le broyage (par opposition à la fauche qui laisserait un mulch épais en surface) est une option à réserver à des parcelles très portantes, en évitant de broyer trop ras (> 7-8 cm). Le déprimage par des animaux est une option en système de polyculture-élevage, en privilégiant des animaux légers (ovins, petits bovins) et un sol ressuyé. Des cultures très précoces dès cette période de l’année sont fortement exposées à des gelées ultérieures (comme en 2003 et 2012) ; il est donc judicieux d’éviter les dépenses sur ces parcelles à risque.
Plus globalement, ces situations extrêmes renvoient à l’impact du changement climatique qui génère des températures plus élevées, mais aussi une variabilité interannuelle accrue. Les décisions de début de campagne liées au semis (date de semis, variétés) doivent donc être revues au regard de cette tendance lourde.