Jeudi 17 août, le préfet Michel Vilbois a visité la commune de Liévans, et s'est attardé plus particulièrement à la nouvelle fromagerie du Gaec des Prés Destinés, chez les frères Henry. L'atelier de transformation a ouvert ses portes en novembre dernier, et c'est à ce jour l'unique atelier fermier de Gruyère France IGP.
La dernière coopérative laitière avait fermé ses portes en 1976 à Liévans. Depuis, comme dans la plupart des communes, il n’y avait plus de transformation de lait au village. Mais c’est sans compter sur le dynamisme des jeunes générations d’éleveurs : le Gruyère de France peut désormais s’enorgueillir d’avoir, en Haute-Saône, un atelier fermier, depuis que le Gaec des Prés Destinés a commencé les premières fabrications le 18 novembre dernier à Liévans.
Nouveau marché dans la filière
Le préfet du département, Michel Vilbois, a visité le 17 août l’installation flambant neuve que Nicolas Henry a construite après son installation en 2021. Car après 10 ans d’expérience comme fromager notamment chez Monts-et-Terroirs, Nicolas a rejoint son frère Ghislain comme associé dans l’exploitation familiale. Il pilote désormais son propre atelier, et l’exploitation laitière transforme trois fois par semaine près de 1 400 l de lait pour fabriquer du Gruyère de France IGP. « Plus personne ne faisait de gruyère fermier jusqu’à maintenant », explique Nicolas Henry. La filière compte à présent 8 ateliers de transformation : un en Savoie, trois dans le Doubs, trois en Haute-Saône (Aboncourt, Port-sur-Saône, Lavigney), et maintenant un à Liévans, qui vient « ouvrir la porte pour un marché encore inexploité ».
Car pour l’exploitation agricole, c’est l’opportunité d’une meilleure valorisation du lait, sans bouleverser l’organisation (Ghislain produisait déjà du lait de foin pour le Gruyère de France IGP). Mais pour la filière, c’est la réponse à une demande des consommateurs, qui peuvent à présent trouver du Gruyère France Fermier.
Des bases solides
Le pré-affinage se fait sur place, les fromages étant stockés pendant six semaines. Puis l’affinage en tant que tel se fait à Poligny, avec les autres fromages de Gruyère IGP de la filière. « On récupère ensuite ce que l’on veut vendre au détail », explique Nicolas. La création d’un point de vente n’est en revanche pas dans les cartons dans l’immédiat, ce qui a donné lieu à des discussions entre le préfet et le maire de Liévans Bernard Gaudinet, sur les atouts de la vente directe et ses contraintes (valorisation par le prix, mais multiplication des points de vente, coûts afférents, astreintes, confusion chez les consommateurs, économies d’échelle…).
Toutes les obligations liées au cahier des charges du Gruyère de France IGP sont par ailleurs respectées, notamment l’obligation de fabriquer toutes les semaines, la transformation traditionnelle dans les cuves en cuivre, l’utilisation de présure naturelle… L’expérience professionnelle importante de Nicolas lui permet de partir sur des bases solides, notamment avec l’investissement dans du matériel de qualité : « J’utilise une cuve à double-O, explique le jeune fromager. C’est plus cher qu’une cuve normale, mais sa forme permet de passer le tranche-caillé d’un seul coup, en épousant parfaitement les contours. »
Organisation du travail
Les deux frères ont bien réfléchi l’organisation de l’exploitation : « Dès le début il était clair que je m’occuperais de la fromagerie, et que Ghislain resterait dans la partie élevage », explique Nicolas. Et pour cause : l’activité principale du Gaec, qui produit 460 000 l de lait et en transforme environ 200 000 l, doit rester prioritaire. « Si l’un de nous a un accident, on doit pouvoir continuer à faire tourner la ferme. L’atelier est important, mais sans le troupeau, pas de fromage ! »
La réflexion « énergie »
Lors de la conception de l’atelier, Nicolas a travaillé aussi le côté « énergie », en choisissant l’option « long-terme » : « Nous avions le choix entre une chaudière classique à gaz, pour 15 ou 20 k€, ou une chaudière à biomasse (bois déchiqueté) pour presque 4 fois plus cher. Nous avons choisi la seconde solution, d’une part dans une logique d’utilisation de la ressource locale, cohérente avec le principe de la production fermière ; et d’autre part en considérant le coût à l’utilisation sur la durée. »
À présent que l’atelier tourne, les réflexions sur les économies d’énergie ne s’arrêtent pas pour autant. Au-delà de la valorisation du petit lait (pas de porc à proximité), c’est la récupération de la chaleur qui fait cogiter Nicolas : « On chauffe le lait à 52 °C lors de la fabrication. Puis on évacue le petit-lait et toute cette chaleur est perdue. En hiver on pourrait la récupérer pour chauffer l’eau de boisson des animaux. Mais en été ? » Quand on commence à réfléchir, on ne peut plus s’arrêter.