A Madagascar, l’Union de coopératives laitières de Haute-Matsiatra a réussi à surmonter le cap de la crise du Covid. Elle poursuit sa fragile implantation pour améliorer la valorisation du lait, avec l’appui des sections nivernoise et haut-saônoise de l’AFDI.
Le 26 octobre dernier se tenait à Vesoul un bureau de la section départementale de l’AFDI de Bourgogne Franche-Comté (Agriculteurs français et développement international). « La visite dans la région d’une délégation malgache, dans le cadre de nos missions sud-nord, avec la présence de Haja Ranorovao, nous donne l’occasion de faire le point sur Rofama, l'Union de coopératives laitières locales. En effet Haja est salariée de l’Afdi à Madagascar, avec pour mission d’appuyer nos organisations partenaires dans la région de Haute-Matsiatra, dont Rofama. » explique Michel Renevier, président de la section haut-saônoise de l’AFDI. Historiquement, c’est la section nivernoise qui a engagé le partenariat avec Rofama en 2011, avec le don et l’acheminement d’un tank à lait… « La Haute-Saône a travaillé pendant plusieurs années avec un groupement de femmes sénégalaises, en Casamance. Quand ce projet s’est terminé, nous avons rejoint nos collègues de la Nièvre en soutien à Rofama », poursuit Michel Renevier.
Se départir des préjugés
Depuis lors, plusieurs membres de l’AFDI70 se sont rendus à Madagascar, pour des missions ponctuelles d’appui technique : amélioration de la qualité du lait, pasteurisation, transformation fromagère... Ils ont pu aussi s’imprégner du contexte local, mieux comprendre les réalités de cette grande île de l’océan Indien. « La denrée de base est le riz, au centre de l’alimentation malgache et cultivée par quasiment tous les agriculteurs : la consommation annuelle est de 110 kg par habitant. », détaille Grâce Joffre, l’animatrice de l’AFDI. « Il faut bien avoir en tête que les agriculteurs de Haute-Matsiatra ne sont pas des éleveurs : ce sont des riziculteurs avant tout. Les vaches laitières sont conduites comme des zébus ou des ânes, elles doivent se contenter de ce qui pousse…, c’est-à-dire pendant la saison sèche, pas grand-chose ! », précise Gérald Pichot, qui a inauguré le nouveau point de vente de la coopérative ouvert il y a cinq ans. « C’est important d’oublier nos préjugés et nos manières de faire, pour arriver à comprendre les besoins des personnes qu’on aide. »
Morcellement du foncier, absence de reconnaissance professionnelle du statut d’agriculteur, manque de formation, méfiance de l’Etat vis-à-vis du mouvement coopératif, économie informelle, rareté des moyens de production (dont le combustible et l’énergie)… les contraintes au développement agricole sont nombreuses dans ce pays à forte démographie. « Rofama vient de fêter ses 10 ans, malgré toutes les difficultés traversées, et c’est déjà une réussite ! » se réjouit Michel Renevier. A l’origine de Rofama, des programmes d’introduction et de promotion de l’élevage de vaches laitières de race Pie Rouge Norvégienne. « Un noyau d’éleveurs a fondé l'union de coopératives Rofama "Le bon lait de Haute-Matsiatra", qui compte aujourd’hui huit coopératives de base et 350 adhérents (dont une petite centaine de vrais apporteurs de lait). », poursuit le président. De fait, la fidélisation des coopérateurs reste un enjeu de taille, dans un contexte de grande précarité sociale et économique. « Le prix du lait payé par la coopérative est régulièrement ajusté pour être attractif vis-à-vis du marché ''de brousse'' (marché informel NDLR), mais pas trop pour ne pas mettre la coopérative en difficulté. »
Difficultés de trésorerie à tous les niveaux
L’Union collecte quotidiennement le lait (500 L/jour en moyenne), le centralise et le valorise en bouteilles (40%) ou en divers produits transformés tels que crèmes, yaourts et fromages. Cette production est commercialisée auprès des particuliers via quatre boutiques de vente directe mais également auprès de revendeurs et de professionnels de l’hôtellerie et de la restauration. L’Afdi finance des postes locaux à Madagascar, dont celui de Haja, qui apporte son appui en gestion économique et financière. « Chacun des points de vente est bénéficiaire, ce qui signifie que toutes les charges de fonctionnement, les salaires… sont couverts par les produits », assure Haja, qui a mis en place des outils d’aide à la décision des administrateurs des coopératives adhérentes, tels que le différentiel de prix, le suivi du prix de revient du litre de lait, etc… Elle accompagne également Rofama dans la contraction d’un prêt pour financer son besoin en fonds de roulement. « D’ici on pourrait croire qu’il suffirait de différer d’une semaine le paiement du lait aux apporteurs, expose Alain Dubois, qui conseille régulièrement le directeur de la coopérative, Andry. Mais les producteurs sont tellement pauvres qu’ils seraient contraints de vendre leur lait ailleurs pour survivre. »