Vous êtes ici

Alimentation et santé : réalités togolaises

Le marché de Sokodé, au Togo. Crédit photo : Louis de Dinechin
Le marché de Sokodé, au Togo. Crédit photo : Louis de Dinechin

Dans la campagne togolaise, s’alimenter ne va pas de soi. Pas plus que d’accéder aux soins… Volontaire international pendant deux ans dans ce pays, Louis de Dinechin pose un regard lucide sur la vie et les mœurs de la population.

« En termes d’organisation familiale, de rapport au temps, à la religion… tout est très tellement différent de ce qu’on connaît ici, en France, qu’on a l’impression d’être sur une autre planète », introduit Louis de Dinechin, invité par la MSA à témoigner de son expérience à l’occasion de la semaine de l’alimentation. Louis est rentré du Togo en février 2022 après deux ans de volontariat international pour Fidesco, une ONG catholique. « J’étais chef de l’exploitation agricole, sur un terrain offert à la Communauté du puits de Jacob, avec un projet d’arboriculture (la plantation d’anacardier pour la production de noix de cajou), tandis que Sophie, mon épouse, était responsable de la clinique. » Un poste privilégié d’observation participante, donc, puisque dans le cadre de sa mission, Louis a été amené à embaucher et faire travailler des journaliers, à composer avec le droit coutumier en matière d’occupation des sols, à se procurer différents matériels et intrants pour mener à bien son projet…

Quand s’alimenter est une préoccupation quotidienne

« L’absence de filière organisée dans le domaine alimentaire est la première chose qui saute aux yeux quand on arrive. Il n’y a pas de circuit commercial, ni pour se procurer des engrais, ni pour écouler une éventuelle production agricole… », expose-t-il en commentant une photo de grenier en torchis, recouvert d’un toit de chaume, qui illustre bien le fait que c’est une agriculture vivrière qui domine largement le paysage. « En l’absence de mécanisation, les travaux des champs tiennent une place très importante dans la vie quotidienne : travail du sol à la houe et à la daba pour la confection des billons, semailles, désherbage, récolte… tout se fait à la main et tout le monde participe. Lors d’un entretien avec l’équivalent du ‘’DDT’’ local pour obtenir une subvention sur la plantation de teck, celui-ci m’a dit qu’il devait partir pour s’occuper de son champ ! Tout le monde est paysan, et exploite au moins une petite parcelle : c’est un avantage économique et une sécurité. C’est aussi un facteur de résilience : le pays ne dépend pas des importations de blé. Mais c’est aussi une servitude… » Sans chaîne du froid, avec une cuisine au feu de bois, la préparation des repas représente une astreinte quotidienne importante pour les femmes. Si on additionne les temps d’approvisionnement et de cuisson, on arrive à plusieurs heures par jour (contre 36 minutes en France). « Nous bénéficions d’une alimentation subventionnée par la PAC, mais au Togo, 60 à 70% du budget des ménages est consacré à l’alimentation. » Et l’origine des aliments n'est pas une question. « On trouve du poisson séché, péché dans l’océan indien par des bateaux chinois, qui arrive congelé au port de Lomé pour être vendu à des ‘’grossistes’’ qui le font sécher sur les toits avant de le revendre à des détaillants. » L’abondance alimentaire dont jouit la population occidentale est loin d’être universelle ! « Ici en France il faut remonter à deux générations pour avoir des souvenirs de privations… mais dans le monde il y a actuellement 600 millions de personnes qui souffrent de la faim. », rappelle l’ingénieur agronome. D’ailleurs au Togo, pendant la période de soudure, les restrictions alimentaires conjuguées à la pénibilité des travaux des champs font littéralement fondre les réserves corporelles des habitants.

Le prix de la vie, le coût des soins

Chargé de la maintenance du centre hospitalier, Louis a pu aussi réaliser combien le système de sécurité sociale français est confortable. « Une semaine d’hospitalisation, au Togo, coûte à peu près l’équivalent d’un mois de salaire… Les Togolais savent que la vie a un prix, et ils connaissent le coût des soins : les tarifs sont affichés sur la porte. Dans ce pays, la bonne santé est plutôt perçue comme un don (du ciel) et il n’est bien entendu pas question de penser à des ‘’soins de confort’’. « Il y a revanche beaucoup de gratitude de la part des patients et de leurs familles, y-compris quand les soins échouent. Le fait de devoir payer pour les médicaments, les consommables, donne un coût à la santé, mais aussi, en contrepartie, fait prendre conscience de sa vraie valeur. »