Comment favoriser les liens entre agriculture et apiculture ? D’abord en organisant des temps d’échanges entre apiculteurs et agriculteurs, comme le vendredi 27 janvier à Gézier sur l’exploitation apicole d’Emilie Nardin. Ensuite, en apportant quelques solutions agronomiques à certaines problématiques des apiculteurs : ressources alimentaires pour les abeilles du printemps à l’automne et limitation de l’exposition des abeilles aux produits phytosanitaires.
A l’initiative de l’Association de Développement de l’Apiculture en Bourgogne-Franche-Comté ADA BFC, et de la Chambre d’Agriculture de Haute-Saône, des apiculteurs venus des quatre départements de Franche-Comté ont pu exposer leurs problématiques aux agriculteurs. Les colonies d’abeilles à proximité des cultures ont parfois des mortalités importantes jusqu’à 30% du cheptel ou du moins sont désorientées et affaiblies. Le technicien du GDS apicole du Doubs a expliqué que les raisons sont souvent multifactorielles. Il est régulièrement démuni face aux apiculteurs pour poser un diagnostic clair et proposer une solution efficace. Les techniciennes de l’ADA et de la Chambre d’Agriculture ont pu alimenter les échanges avec des initiatives et des expériences positives dans la préservation des abeilles.
Des haies et de la silphie au menu des abeilles
Des ressources supplémentaires à venir grâce au financement du Plan de Relance de 38 projets d’exploitations haut-saônoises, de toutes productions agricoles, pour la plantation d’ici à 2024 de 54 km d’alignements arbustifs, dont 35 km de haies avec en moyenne 17 essences différentes, et 18 km d’alignements d’arbres intra-parcellaire.
La silphie : une aubaine pour les abeilles et les apiculteurs en été?
Plante mellifère pérenne de la famille des astéracées, comme le tournesol, en place sur plus d’une centaine d’hectares en Haute-Saône. Elle est en fleurs pendant environ 8 semaines, de juillet à fin septembre selon l'année climatique. Ces plantes offrent des sources alternatives d’eau, de nectar et de pollen à un moment où les ressources sont rares. En 2022, avec la canicule, la silphie a fleuri environ un mois, permettant aux abeilles dont les ruches ont placées sur balances connectées de réaliser une miellée du 09/07 au 19/07/2022. Elle permet ainsi de lutter contre la « disette » que rencontrent les abeilles avant la floraison du tournesol. L’apiculteur n’a pas eu besoin de nourrir ses abeilles avec du sirop. L’ADA BFC va poursuivre les essais en 2023 pour confirmer l’hypothèse que l’augmentation de poids des colonies est permise grâce à la présence de silphie dans l’environnement près des ruches. Elle pèsera et analysera également le miel produit.
Limiter l’exposition aux phytosanitaires grâce à l’innovation variétale
Les fleurs de colza représentent une ressource essentielle pour démarrer parfois les miellées de printemps, comme en 2019, où les gelées tardives avaient contrariés les premiers butinages dans les haies et les vergers. Les analyses toxicologiques menées par l’ADA BFC sur les pollens et les abeilles butineuses montrent la détection de fongicides employés notamment sur la culture de colza. Le traitement fongicide contre le sclérotinia s’emploie en préventif lors de la chute des premiers pétales de fleurs du colza. Ainsi même en traitant le soir, le pollen et la rosée sont encore contaminés lorsque les abeilles butinent. La meilleure solution serait donc de se passer de fongicide sur colza, solution rendue possible aujourd’hui grâce à la recherche variétale, avec des variétés tolérantes au sclérotinia. Par exemple, en 2022, la variété BRV 703, commercialisée par Corteva Agrisciences, a été testée sur la ferme de Vesoul AgroCampus, engagée dans Dephy-Ecophyto, en comparaison d’un colza mené classiquement. Des ruchers installés à proximité des deux colzas ont été suivis et les pollinisateurs comptés au champ, pour démontrer l’intérêt de la variété tolérante. En synthèse, le colza BRV 703 a montré un IFT diminué, un rendement élevé, et une meilleure préservation des abeilles.
En attendant que tous les producteurs de colza utilisent des variétés tolérantes au sclérotinia, les apiculteurs ont décortiqué, sous forme de jeu de questions/réponses « vrai ou faux » les injonctions de l’arrêté « abeilles » du 20 novembre 2021. Ils pourront ainsi rappeler si besoin les règles aux applicateurs de phytosanitaires en période de floraison : de manière générale, tous les produits phytosanitaires applicables en zone de butinage sur des cultures attractives en floraison le seront entre les 2 h qui précédent et les 3 h qui suivent le coucher du soleil.
Projet national OCAAPI 2022-2023
Un point a été fait sur le travail commun engagé par plusieurs Chambres d’Agriculture : un travail d’inventaire et de centralisation des informations et des outils disponibles relatifs à la biodiversité et aux pollinisateurs, sur un site web dédié en cours de construction : https://agriconnaissances.fr/biodiversite-fonctionnelle/
Enfin, la conception de vidéos, avec des interviews d’apiculteurs, d’agriculteurs et viticulteurs sur les thèmes de "la ruche dans son environnement tout au long de la saison", "les couverts intéressants pour les abeilles" et "Réduire l’exposition aux produits phytosanitaires" a également été abordée. Sans oublier la création de modules de formations clé en main, pour les agriculteurs et les conseillers, dans le but de faire découvrir le métier d’apiculteur et les aménagements et pratiques agricoles à mettre en place en faveur des abeilles...