Une circulation fluide des vaches est déterminante pour assurer la fréquentation régulière du robot de traite. Entretenir la motivation des animaux pour pâturer s’appuie sur une véritable stratégie de gestion de l’offre…
Une journée technique organisée par le groupe herbe de Franche-Comté avait lieu le 26 mars dernier au Gaec des Sources, au hameau de Velloreille en Haute-Saône, sur le thème « robots et prairies, un mariage réussi ? » Audrey et Thomas Colin, les éleveurs, ont converti l’exploitation à l’agriculture biologique en 2020, quand Audrey s’est installée au moment du départ en retraite du père de Thomas. Le couple a aussi fait le choix de passer à la traite robotisée pour préserver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Sans pour autant renoncer à la valorisation des ressources herbagères de l’exploitation par le pâturage ! Comme l’explique Philippe Tondu, conseiller pâturage et fourrages au Conseil Elevage du Doubs-Territoire de Belfort « la motivation des éleveurs est primordiale pour réussir à pratiquer le pâturage avec la traite robotisée, car il y a de nombreux ajustements à mettre en place pour que ça fonctionne bien. Les enjeux économiques sont importants : la valorisation des parcelles, la productivité laitière, contenir les coûts alimentaires et avoir une bonne efficience de la main-d’œuvre. C’est aussi un point du cahier des charges de l’agriculture biologique… »
Organiser la rencontre de la vache et de l’herbe
On en revient aux fondamentaux des systèmes pâturants « ce qui se résume à faire rencontrer la vache et l’herbe au bon moment, comme l’avait théorisé l’agronome André Voisin. En composant la particularité du robot de ne pouvoir traire qu’une vache à la fois… Un point de vigilance à avoir toujours en tête, c’est de conserver un bon niveau de fréquentation du robot, 2,4 passages en moyenne par VL et par jour. », poursuit le conseiller.
« Nous avons été bien accompagnés par l’équipe qui a installé le robot – un Delaval V300, pour tous les aspects d’organisation du pâturage, d’aménagement de la circulation du troupeau entre le bâtiment et les extérieurs, de paramétrage aussi des portes d’accès, avec les critères pour laisser passer les vaches ou non en fonction de l’horaire de leur dernière traite, mais aussi l’heure de la journée, et leur stade de lactation. », détaille Audrey Colin.
Comme on ne peut plus tabler sur la synchronisation naturelle du troupeau dans ses activités de déplacements, d’alimentation et de rumination, il faut tabler sur d’autres ressorts. Ainsi le découpage parcellaire a été conçu pour entretenir l’intérêt des vaches, en distinguant un ilot destiné à la pâture du matin, et un autre à celle de l’après-midi. « Le fait de varier les endroits, de proposer une herbe nouvelle et appétente va jouer sur la motivation des laitières à retourner en extérieur. », détaille Philippe Tondu. Autre point clé, l’accessibilité des différentes zones : « il faut veiller à éviter de créer des goulots d’étranglement, des endroits où vont se former des embouteillages : la circulation des animaux est complètement différente s’ils peuvent avancer à trois ou quatre de front ou s’ils doivent se mettre en file… » Le fait de disposer d’une vingtaine d’hectares de prairies à proximité immédiate du bâtiment constitue un précieux atout dans ce dispositif. Côté comportement, pour répondre à une des questions posées par un participant à la journée, les vaches ne sont pas devenues plus farouches depuis qu’elles ne sont plus traites deux fois par jour par les éleveurs. « Le troupeau est même plus calme qu’avant. Nos vaches ont pris l’habitude qu’on soit parmi elles sans que ce soit pour les pousser vers la salle de traite… », détaille Audrey Colin.
De bons résultats technico-économiques
Comme l’ont illustré les chiffres présentés par Florine Leuvrey, de Geniatest, et Tiffany Deguin, de Bio-BFC, la bonne valorisation du pâturage dans la conduite de troupeau mise en œuvre au Gaec des Source se traduit par de bons résultats technico-économiques. « Dans le groupe des élevages bio et le sous-groupe des élevages bio en traite robotisée, expose Florine Leuvrey, le Gaec des Sources se distingue par des coûts de production bien maitrisés, permis notamment par la part élevée du pâturage dans la ration, qui abaisse le coût alimentaire, et une productivité élevée, associée à une bonne valorisation du lait. » Avec 68 vaches présentes en moyenne, le niveau de production moyen est de 25,7 kg/VL/jour, contre 22,8 dans le groupe des éleveurs bios en traite robotisée. « Le TP élevé, à 33,2 points permet aussi d’aller chercher de la plus-value dans la paye de lait. » Le lait est commercialisé à la laiterie Mulin, située à Noironte, dans le Doubs, à 538 €/T en 2023. « L’efficience économique de la main d’œuvre de l’atelier laitier, qu’on peut mesurer à travers le niveau de rémunération de la main d’œuvre permis par la marge, est de 2,5 SMIC/UMO », complète Tiffany Deguin, s’appuyant sur la méthode de calcul des coûts de production développée par l’Institut de l’élevage. C’est un chiffre comparable à la moyenne des élevages laitiers bios (2,3 SMIC/UMO) mais supérieur à celui de l’échantillon en traite robotisée (1,8). L’écart s’explique principalement par le niveau de produit supérieur du Gaec des sources, à la fois sur le volume de lait/VL et son prix, car les postes des coûts de production sont globalement comparables à ceux des deux groupes (achats de concentrés, frais vétérinaires, bâtiment, mécanisation…)