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Points clés d’une récolte fourragère réussie

Plusieurs matériels étaient en démonstration sur le site : l’occasion d’échanger sur les débits de chantier, les limites de certaines machines, la qualité des opérations réalisées.
Plusieurs matériels étaient en démonstration sur le site : l’occasion d’échanger sur les débits de chantier, les limites de certaines machines, la qualité des opérations réalisées.

La qualité des fourrages dépend en grande partie de la réussite de leur récolte : détermination du stade optimal, hauteur de coupe, maîtrise des paramètres de conservation…

Une vingtaine de personnes ont participé, le 12 septembre dernier, à une journée technique sur le thème « un fourrage de qualité, c’est avant tout une récolte maîtrisée ». Organisée par la Chambre d’agriculture de Haute-Saône, cette journée avait lieu à Bouhans-lès-Lure, sur l’exploitation de Gérald Pichot. Eleveur laitier et allaitant, en agriculture biologique, Gérald Pichot a introduit le sorgho fourrager dans sa rotation depuis plusieurs années, afin de sécuriser l’alimentation du troupeau laitier pendant la période estivale : « c’est une culture qui a d’importants besoins de chaleur, mais résiste bien au sec – une fois levée – et permet une productivité très élevée. », expose l’éleveur, chiffres à l’appui (14 T/ha).

Sorgho et méteils, pour plus d’autonomie

Le sorgho, qui couvre 19 ha, est semé sur deux parcelles à trois semaines d’intervalle. La première est pour partie destinée à l’affouragement en vert du troupeau – une fois qu’elle a atteint la hauteur de 40 cm (au-dessous de laquelle il y a des risques d’intoxication du bétail à cause des teneurs élevées en acide cyanhydrique). Le sorgho excédentaire est conservé sous forme enrubannée. « Le coût de production de ce fourrage, main d’œuvre comprise, atteint 148 €/T », indique Théophile Oudot, technicien bio à la CA70. Un niveau de prix, permis par un itinéraire technique simplifié (pas de désherbage mécanique) qui positionne donc l’enrubannage de sorgho dans la fourchette basse des autres fourrages produits sur l’exploitation (179 €/T pour le trèfle enrubanné, 187 €/T pour le foin). Et qui permet néanmoins de soutenir des niveaux de production tout à fait honorables en bio, avec des lactations à 6 500 kg/VL/an.

Le méteil, tête de rotation des 41 ha de terres arables de l’exploitation, est aussi un levier important de la stratégie d’autonomie alimentaire mise en œuvre par Gérald Pichot. « J’utilise un mélange triticale + avoine + pois – éventuellement de la vesce et du lupin », précise l’éleveur. Ce méteil, parfois enrubanné à un stade immature, est plus généralement dévolu à la récolte en grains, pour un concentré de production apportant énergie et protéines végétales complémentaires de la ration de base aux laitières. « J’essaie de limiter l’utilisation des tourteaux, compte-tenu de la faible réponse que j’ai pu constater dans mon système. »

Gérald Pichot (au centre), présente son système fourrager et en détaille les objectifs.

Trois hauteurs de coupes à l’essai

Avec l’appui du GAB70 et de la CA70, Gérald a mis en place cette année un essai pour étudier l’impact de la hauteur de coupe pour la fauche, dans une prairie permanente, avec trois modalités mises en œuvre : coupe à 4, 8 et 12 cm. Si c’est la première modalité qui permet le rendement le plus élevé, à l’échelle de la campagne fourragère, travailler si près du sol n’est pas sans risques, comme cela est ressorti des discussions des participants. « Risques de casse, mais aussi de fourrage souillé par la terre, avec des conséquences sur la qualité sanitaire du lait », synthétise Paul Voirgard, également technicien bio à la CA70. « Sans oublier le risque de compromettre la repousse suivante, avec une prairie complètement grillée, selon la météorologie de l’année. » La hauteur de fauche et le rythme de fauche orientent la composition d’une prairie permanente, en favorisant certaines espèces : les trèfles apprécient par exemple de retrouver la lumière… Cet atelier sur les hauteurs de coupe a aussi été l’occasion d’aborder des thèmes complémentaires, tels que l’intérêt d’une fauche de nettoyage à l’automne, avant le repos végétatif, ou encore la lutte contre les espèces prairiales indésirables (rumex, chardons…)

 


Conservation des fourrages

L’art de l’enrubannage

La souplesse d’exploitation permise par l’enrubannage en fait un mode de conservation très répandu. Sa réalisation doit cependant être soignée, pour tirer le meilleur parti du fourrage.

La journée thématique sur la récolte des fourrages a permis de réviser quelques fondamentaux de la conduite du chantier d’enrubannage – jusqu’à la mise en pile des balles, avec Corentin Mussier, conseiller à la Chambre d’agriculture de Haute-Saône. « Moins contraignant que l’ensilage dans sa mise en œuvre, l’enrubannage permet de récolter l’herbe à son optimum de valeur nutritive, quand la météo le permet bien entendu ! », introduit le technicien, avant de présenter sous forme graphique l’évolution des teneurs en énergie, protéines, cellulose, lignine d’une prairie multi-espèce au fil des jours. « L’optimum est toujours un compromis entre la qualité du fourrage récolté et sa quantité, à raisonner aussi en fonction des catégories d’animaux destinataires. » Car à un moment, qui dépend principalement des températures, les courbes se croisent : tandis que les tonnages augmentent, les valeurs nutritives (unités fourragères et protéines digestibles) diminuent, par dilution ou évolution des proportions feuilles/tiges. Plusieurs éleveurs présents ont à cette occasion fait part de leurs propres observations au sujet des conséquences du changement climatique sur les dynamiques de pousse. « Les graminées démarrent plus précocement, alors que ce n’est pas forcément le cas des légumineuses… », relève ainsi un éleveur des Vosges saônoises.

Dynamique de pousse

Comme l’ont démontré les essais conduits depuis plusieurs décennies par les instituts techniques, le pressage à 50-60 % MS constitue une sécurité vis-à-vis des risques sanitaires et de la qualité protéique du fourrage. Pour éviter le développement des butyriques ainsi que l’action des enzymes responsables de la baisse de valeur azotée (protéases), une teneur en MS minimale de 40 % en tout point de la balle doit être recherchée. Cette homogénéisation est obtenue grâce à l’action d’un fanage. Des adaptations du chantier de récolte peuvent être mises en œuvre pour préserver les feuilles fragiles des légumineuses : intervention sur un fourrage encore humide ou réhumifié par la rosée, en réduisant le régime de la prise de force pour limiter la casse mécanique des pétioles.

Préserver l’intégrité du film

En enrubannage, les pertes durant la conservation sont très limitées si le film plastique n’est pas percé. Du fait du fort ratio surface/volume, l’enrubannage est un mode de conservation dont la réussite tient en grande partie au maintien de l’intégrité du film plastique. Une simple perforation peut rompre l’anaérobie du milieu et engendrer des pertes significatives de matière organique. Le nombre de couches de film est déterminant pour assurer sa solidité, et doit être adapté au fourrage récolté (rigidité, agressivité vis-à-vis du film) et à la durée de conservation prévue. Quatre couches suffiront pour des graminées jeunes et une courte durée de conservation. « Mais il faudra être précis sur la pose du film et la manipulation des balles… » A contrario, il faudra huit épaisseurs de filmage pour un luzerne longue conservation. Le principal danger de perforation vient des chaumes rigides. L’étape de dépose de la balle est alors cruciale. Le délai maximal entre le pressage et l’enrubannage doit être inférieur à 24 heures voire 36 heures afin de prévenir l’échauffement du fourrage, donc la baisse de sa valeur alimentaire.