En amont de l'implantation des céréales d'hiver, les meilleurs faux-semis se réalisent en septembre, période idéale de levée des graminées. Il ne faut donc pas se lancer trop tôt, d’autant plus cette année, caractérisée par un été extrêmement sec.
La campagne 2021/2022 des céréales à paille d’automne a globalement mis en évidence un salissement général. Le nombre de parcelles indemnes d’adventices est en baisse, avec également la recrudescence du ray-grass -parfois résistants - dans des certains secteurs. Afin de limiter les populations sur la campagne 2023, il est possible de mobiliser des leviers de lutte avant l’implantation, dès maintenant. Les meilleurs faux-semis se réalisent en septembre, période idéale de levée des graminées. Il ne faut donc pas se lancer trop tôt, d’autant plus cette année avec l’été extrêmement sec.
Chercher l’émiettement et rappuyer l’horizon
Le travail du sol superficiel favorise la levée des espèces indésirables avant l’implantation de la culture, et permet de réduire le stock semencier susceptible de germer par la suite. On parle ici de travail du sol qui n’excède pas 5 cm de profondeur. En effet, 95 % des levées d’adventices ont lieu sur cet horizon de surface. Un travail trop profond engendre une distribution des graines de graminées sur tout le profil travaillé, et en positionne donc une partie à une profondeur ne lui permettant pas une germination de en fin d’été. Le risque étant de les faire remonter quelques semaines plus tard, fin septembre / début octobre, lors de la préparation des sols pour les semis, ce qui aurait pour conséquences une levée de graminées dans les cultures.
Pour favoriser la levée, on cherche également à créer des conditions favorables à la germination en émiettant un maximum l’horizon travaillé. En créant un lit de semences fin, le contact graine/sol est amélioré, ce qui favorise l’augmentation de la température de la graine et le transfert de l’humidité du sol vers celle-ci. Dans cette même logique, un rappui, lors du passage de l’outil ou quelques heures après est bénéfique. Cette opération peut éviter d’assécher le sol, en maintenant une partie de l’humidité résiduelle.
Pour cela, les herses de déchaumage et bêches roulantes sont parfaitement adaptées. Les déchaumeurs à disques indépendants et les vibro-déchaumeurs peuvent également convenir, sous réserve d’un bon contrôle de la profondeur de travail. Les outils plus anciens tels que les déchaumeurs à rangées de disques et les cultivateurs à dents (type Smaragd) sont moins adaptés : leurs conceptions ne permettent pas de réaliser un travail du sol suffisamment superficiel et émietté. Ils conviennent néanmoins au mélange des résidus et à l'enfouissement des chaumes/cannes.
Les premiers déchaumages ou faux-semis réalisés post-récolte ont un double objectif : mélanger les résidus et faire germer les repousses de la culture récoltée. Les conditions estivales (absence de précipitations) ne permettent pas de satisfaire ces objectifs pour l’instant. En effet, pour être efficaces, les faux-semis doivent idéalement être réalisés sur un sol « frais ». L’action sur sol frais permet de lever une partie de la dormance des graines. Néanmoins, faute de conditions idéales ou pour la répartition de la charge de travail, l’opération peut être effectuée sur sol sec afin de faire lever les graines non dormantes lors du retour des pluies.
Prévoir plusieurs interventions
Pour réduire le stock semencier des vulpins et ray-grass, matricaires et géraniums, de nouvelles interventions sont à prévoir durant septembre. La période de levée préférentielle des adventices doit être prise en compte pour définir les périodes d’intervention (tableau 1).
Ainsi, si on retrouve des populations de ray-grass, matricaires, géraniums ou véroniques, un faux-semis dès la première décade de septembre permettra un premier nettoyage. A cette période, l’efficacité sur vulpins sera nulle. Pour cette espèce, il faut positionner le faux-semis à partir du 10/15 septembre. Si les conditions le permettent, l’opération peut être répétée pour gagner en performance. Dans ce cas, on prendra soin de laisser un intervalle minimum de deux semaines entre chaque faux-semis pour laisser le temps aux graines de germer.
Dans tous les cas, les faux-semis doivent être réalisés au plus tard trois semaines avant le semis de la culture principale.
Travail du sol avec retournement
Dans le cas de parcelles où l’infestation de graminées devient ingérable, le recours à un labour peut permettre une réduction importante de la population pour la campagne à venir. Cette opération permet d’enfouir une bonne partie des graines de l’année en profondeur, dans des conditions où elles ne pourront pas germer. En contrepartie, des graines plus anciennes enfouies par un précédent labour remonteront à la surface. C’est pourquoi ce travail doit être réalisé de manière intermittente : les graines de graminées enfouies (vulpin, ray-grass, brome, folle avoine) perdent en quelques années leur faculté germinative. Nous recommandons donc de réaliser maximum un labour tous les trois ans, voire quatre, le temps qu’une importante partie du stock semencier enfoui ne soit plus viable.
Cette pratique reste moins efficace sur dicotylédones et favorise les espèces dont les graines restent viables plus longtemps, telles que les chénopodes et véroniques. Ces espèces restent néanmoins plus facilement gérables en culture.
Cas du semis direct et de l’agriculture de conservation des sols
Dans les systèmes où aucun travail du sol n’est souhaité, la stratégie est tout autre. Il ne s’agit plus de réduire le stock semencier à l’interculture, mais de limiter la levée de ces graines. Ce qui repose sur une couverture continue du sol et une implantation de la culture principale sans perturbation du lit de semences (semis direct), pour ne pas favoriser les levées. Les résultats de l’essai longue durée de Boigneville (91) montrent que le semis direct est bénéfique sur les populations de graminées par rapport à des passages répétés de travail du sol superficiel en sans labour, mais sans atteindre les niveaux d’efficacités du labour, nécessaire parfois dans les situations très sales.
Combiner les leviers agronomiques pour un désherbage durable
Bien que le travail du sol à l’interculture soit un levier intéressant pour lutter contre la majorité des espèces, c’est la combinaison des leviers agronomiques qui permet de limiter la pression adventice à moyen terme, quel que soit le système de culture. D’autant plus qu’un levier agronomique seul n’est pas toujours pertinent selon la flore visée (tableau 2). La rotation est également un levier efficace à utiliser : les semis d’avril, et dans une moindre mesure, les semis de février/mars, permettent de réduire les levées automnales. Cela permet également de diversifier davantage les matières actives et ainsi, limiter le développement de résistances.