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Automne-hiver pluvieux : adapter la fertilisation des céréales d'hiver

L'hiver 2023-2024 a été très arrosé, avec des cumuls pluviométriques qui dépassent la médiane de 150 à 200 mm.
L'hiver 2023-2024 a été très arrosé, avec des cumuls pluviométriques qui dépassent la médiane de 150 à 200 mm.

La météo pluvieuse de cet automne-hiver impacte la conduite de la fertilisation des céréales à paille. Les reliquats d'azote minéral seront probablement faibles, nécessitant des mesures de RSH (reliquat sortie hiver). Les excès d'eau ont limité l'exploration racinaire aux horizons superficiels, compromettant l'assimilation de doses d'azote élevées.

Les cartes de Météofrance qui représentent sur la Bourgogne-Franche-Comté les cumul de pluies excédentaires du 1er octobre 2023 au 10 janvier 2024 par rapport à la médiane des vingt dernières années sont parlantes : les précipitations cumulées sur cette période vont de 300 mm à plus de 650 mm en zone de montagne, et l'excédent s'échelonne de plus de 150 à 200 mm selon les secteurs géographiques. « Ces conditions devraient avoir pour conséquence des valeurs de reliquats d’azote minéral très faibles en sortie d’hiver, en particulier pour les zones ayant reçu un cumul de pluie supérieur à 400 mm telles que le pays d’Othe, Plateaux Langrois, Val de Saône, Plaine du Finage, la Bresse et le Charolais. Pour le vérifier, une mesure de reliquat sortie hiver (RSH) s'impose. », préconisent Léa Bounhoure et Diane Chavassieux, d'Arvalis. Cette analyse s'effectue à partir d'un échantillon de terre prélevée sur toute la profondeur d’enracinement de la culture considérée, dans la plus grande zone homogène de la parcelle, dans un cercle de 20 à 30 mètres de diamètre. Il faut au minimum 14 carottages élémentaires pour constituer un échantillon représentatif.

Conséquences sur le peuplement

Le peuplement en sortie d’hiver (nombre de pieds par m²) peut être bien limité par les conditions d’anoxie, mais il est pour l'instant très difficile d’en chiffrer les conséquences. Si les conditions météo deviennent plus favorables (mois de février et mars sains), les céréales devraient pouvoir rattraper en partie un impact modéré sur le peuplement grâce à la grande « plasticité » des composantes de rendement. Dans les zones où l’excès d’eau s’est maintenu plusieurs jours ou semaines (mouillères, bords de parcelles), il est probable que l’ensemble des plantes ait disparu. Dans ce cas, un re-semis « en rustine » peut s’imposer, avec des variétés demi-alternatives à alternatives (ex. : Prestance, Obiwan). « On considère généralement que le seuil de 60 à 100 pieds/m² relativement bien répartis permet de conserver la culture et de couvrir les frais engagés, sans pour autant espérer un rendement élevé. » poursuivent les deux spécialistes.

Il faut également vérifier l’état de la structure du sol : si elle a été matraquée par des semis réalisés en forçant, le potentiel de rattrapage sera limité et on peut craindre des pertes de rendement. Dans tous les cas, il sera nécessaire de tenir compte du potentiel de rendement amoindri dans le calcul de la dose X du bilan d’azote prévisionnel.

Éviter l'impasse en sortie d'hiver... mais apporter peu

En sortie d’hiver, dans les situations concernées, les céréales à paille ne valoriseront donc pas ou plus difficilement l’azote des horizons profonds (au-delà de 60 cm voire moins dans les situations les plus impactées). Il ne faudra donc pas compter sur l’azote de l’horizon 60-90 cm pour satisfaire les besoins en début de cycle voire durant la montaison. Cet azote ne devrait être disponible qu’en fin de cycle sous réserve que les racines finissent par atteindre cette profondeur et qu’entre temps, il n’ait pas été entraîné au-delà par lixiviation.

Dans ce contexte, il est recommandé d’éviter toute impasse sur le premier apport en sortie d’hiver sur des cultures dont les racines sont sans doute moins actives. Pour autant, il faudra se limiter à de petits apports (30-50 kg N/ha et non 70-80 kg N/ha) tout en respectant la directive nitrates dans les zones vulnérables. Dans les sols refermés qui risquent de garder une tendance à l’hypoxie (disponibilité en oxygène réduite), la reprise de croissance des cultures devrait démarrer lentement et leur capacité à valoriser des quantités importantes d’azote sera mauvaise.  Mais avant cela, la priorité devra être donnée au désherbage antigraminées et non aux apports d’azote, pour éviter de « fertiliser » les adventices et d’ajouter un facteur limitant supplémentaire.

Tout ceci justifie aussi de « biberonner » la culture en fractionnant la dose d’azote en trois voire quatre apports. L’utilisation d’outil d'aide à la décision reste une fois de plus incontournable pour adapter sa fertilisation en 2024.  Pour le pilotage de l’orge d’hiver brassicole, il est indispensable de mettre en place une zone sur-fertilisée afin de pouvoir utiliser la méthode HN-Tester.
Il ne faudra pas non plus négliger la fertilisation soufrée, qui tout comme l’azote, risque d’être lixivié. Ainsi, dans les situations les plus à risques, c’est-à-dire sur sols superficiels, pauvres en matière organique (MO) et ne recevant pas d’apports de produits organiques, ayant reçu de forts abats d’eau depuis l’automne, un apport de 30 à 50 kg de SO3/ha est recommandé selon le potentiel de rendement.