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Arboriculture fruitière : parasitoïdes de la drosophile du cerisier au banc d'essai

La drosophile du cerisier, une petite mouche venue du Japon, peut faire de gros dégâts dans les fruits à chair tendre, quand les conditions météo lui sont favorables. Crédit photo : AC
La drosophile du cerisier, une petite mouche venue du Japon, peut faire de gros dégâts dans les fruits à chair tendre, quand les conditions météo lui sont favorables. Crédit photo : AC

L’Inrae, en lien avec la Fredon Grand Est, évalue une nouvelle méthode de lutte pour combattre la drosophile du cerisier (Drosophila suzukii Matsumura), une espèce invasive qui provoque de nombreux dégâts en arboriculture fruitière et en viticulture.

Mardi 3 octobre, des représentants de la Fredon Grand Est et de l’Inrae se sont retrouvés sur la commune de Trondes, en Meurthe-et-Moselle, pour étudier un projet de biocontrôle de la drosophile du cerisier. Ce petit insecte est apparenté au moucheron des corbeilles de fruits, ou mouche du vinaigre (Drosophila melanogaster), responsable de la piqûre acétique redoutée des vignerons... Originaire du Sud-Est asiatique, cette drosophile à ailes tachetées est arrivée en Europe en 2008. Des conditions météorologiques sèches et chaudes ralentissent son activité, alors que des conditions humides et tempérées lui sont plus favorables, ce qui explique que les dégâts soient très variables d'une année à l'autre. Thierry Paul, président de la Fredon Grand Est, indique « que les premiers dégâts ont été observés en Lorraine sur framboisiers en 2013-2014 ». La drosophile du cerisier est un ravageur opportuniste qui s’attaque à plus de 400 végétaux dont les fruits sont à chair tendre (cerises, fraises, framboises, prunes, vigne, tomates, baies d’essences forestières…). Grâce à son ovipositeur unique en forme de scie l’adulte pond dans les fruits sains et en cours de maturation, à la différence des drosophiles communes de notre territoire, qui se développent pour leur part sur des fruits déjà attaqués par des maladies ou d’autres ravageurs. Leur cycle de reproduction est extrêmement bref, avec jusqu’à treize générations par an, et plusieurs centaines d’œufs par ponte, d’où l’aspect exponentiel des dégâts observés. Suite aux piqûres, le pourrissement des fruits peut entraîner jusqu’à 80 % de pertes.

Et maintenant les raisins

Depuis le retrait en 2016 du diméthoate, seul insecticide efficace et homologué contre le petit diptère, aucune alternative phytosanitaire n'a été mise au point. Une pyréthrinoïde de synthèse est disponible mais ce produit de contact a peu de rémanence et ne cible que les adultes, obligeant à de nombreux traitements pour accompagner le cycle de développement de l’insecte.

Thierry Paul explique que les producteurs doivent faire un énorme travail de tri à la cueillette avec la destruction systématique des fruits impactés. Le président de la Fredon Grand Est s’inquiète que cette énième menace ne mette en péril certaines filières comme la cerise ou la fraise. En 2023, il y a eu pour la première fois en vigne en Lorraine une attaque fulgurante de drosophiles juste avant la vendange, qui a entraîné 25 à 100 % de dégâts sur les parcelles.

Une petite guêpe à la rescousse

La recherche explore de nombreux expérimentaux pour tenter d'endiguer ce nouveau fléau : filets mono-parcelles qui joueraient le rôle de barrières physiques, micro-injection sécurisée d'insecticide dans le tronc des arbres, technique de l’insecte stérile (leurre sexuel), piégeage de masse... Et, à l'image de ce qui se fait déjà pour protéger les cultures de maïs des attaques de pyrales, avec l'introduction de trichogrammes (Trichogramma brassicae) les lâchers de parasitoïdes sont également à l'étude ! L’Inrae travaille en effet depuis plusieurs années sur l’introduction d’un insecte auxiliaire, parasitoïde de Drosophila suzukii. Nicolas Borowiec et Myriam Siegwart, ingénieurs à l’Inrae, respectivement de Sophia-Antipolis et Avignon, sont donc venus en Lorraine pour effectuer un lâcher-test de Ganaspis brasiliensis comme en quatre autres endroits du territoire national. Cet hyménoptère parasitoïde originaire du Japon est spécifique de la drosophile du cerisier. L’hyménoptère adulte Ganaspis brasiliensis pond en effet dans la larve de D. suzukii.

Myriam Siegwart explique qu’au préalable de ces lâchers, il y a eu une vérification de l’absence d’impact sur d’autres espèces. Le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement, en lien avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), ont validé cette démarche au travers d’un arrêté d’autorisation d’introduction en France, le 17 août 2022.

L’Inrae développe une méthode de lutte basée sur des lâchers par acclimatation dans les zones périphériques aux cultures où l’auxiliaire se développe dans l’environnement, de manière à abaisser la pression de la drosophile suzukii. Nicolas Borowiec précise que par la suite, les partenaires locaux d’Inrae, comme la Fredon Grand Est, mesureront si l’implantation est efficace et si la population est impactée. Dans le cas d’une issue positive de cette phase de test, il y aura un travail avec les filières agricoles pour accélérer la diffusion de Ganaspis brasiliensis. À noter que la lutte biologique par acclimatation a déjà connu plusieurs succès en arboriculture fruitière pour lutter, par exemple, contre la cicadelle pruineuse ou le cynips du châtaignier.