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Climat et santé publique ont inspiré la nouvelle PAC

Jean-Marie Séronie, agroéconomiste, lors de l'AG de Terre comtoise.
Jean-Marie Séronie, agroéconomiste, lors de l'AG de Terre comtoise.

L’agroéconomiste Jean-Marie Séronie, invité à l’AG de Terres comtoises, lit les orientations de la nouvelle PAC à travers les projections démographiques et climatiques… et pointe quelques défis à relever pour l’agriculture de demain.

« J’ai un collègue qui prédit pour plaisanter que ‘’l’avenir de l’alimentation, c’est le mou’’, lance Jean-Marie Séronie en guise de boutade, au début de son intervention à l’Assemblée générale de Terre comtoise : les projections démographiques, à l’échelle de l’Europe, prédisent un vieillissement de la population et une diminution du nombre d’habitants. Les habitudes alimentaires évoluent, on voit que nos propres enfants, sans être spécialement véganes, consomment bien moins de protéines animales que notre génération. » L’agroéconomiste, auteur de « Vers un big bang agricole » (sur la révolution numérique en agriculture) et de « PAC et mondialisation » s’appuie sur son expertise d’ingénieur agronome et de directeur de centre de gestion pour analyser les grands enjeux et le contexte européen, pour expliquer le tour pris par la nouvelle politique agricole commune. « Le climat reste le premier des grands enjeux, et on est plutôt partis sur une hausse de 2-2,5°C. ça peut paraître peu, mais ça correspond à des 45°C tous les étés, ici, avec l’incertitude et des équilibres commerciaux qui vont bouger. », expose-t-il.

Santé publique au menu

L’enjeu de santé publique vient juste après. « On a eu une prise de conscience au niveau des dirigeants de l’importance de l’alimentation comme facteur clé de la santé. » Un graphique illustre justement l’obésité comme marqueur social… de la pauvreté. « Ce qui est encore plus dramatique, c’est que la situation continue à se dégrader. » Outre ces deux grands enjeux, identifiés comme « les moteurs de la politique agricole », l’agriculture doit aussi faire face à une instabilité des cours devenue structurelle. « Il faut s’habituer à des amplitudes de plus ou moins 15% autour de la tendance… ce qui peut conduire d’une année à l’autre à une fluctuation de 30%, sur un produit, ou un intrant. Les écarts se creusent en matière de valeur ajoutée entre les exploitations. Entre les exploitations les plus performantes et les moins performantes, on a un facteur de trois en matière d’efficience technique mesurée en valeur ajoutée ramenée à l’unité de travail. »

Un nouvel environnement

Pour l’agroéconomiste « trois révolutions arrivent en même temps : technologique, robotique… et biologique. On a énormément de progrès dans le domaine des connaissances autour du biote, intestinal, mais aussi du sol, et de l’épigénétique. » Quelques questions demeurent en suspens… « la réorientation des productions vers plus de végétal va ‘’libérer’’ des terres agricoles. Qu’est-ce qu’on va en faire ? Désintensifier – avec le passage en bio par exemple – retour à la nature, plus d’exportations ? » Dans tous les cas, Jean-Michel Séronie table sur une baisse de production et une hausse des coûts, du moins à court terme. « Quid des importations ? A mon avis on va mettre en place une politique protectionniste, à travers les fameuses clauses-miroir notamment sur les conditions de production. Le préalable est d’harmoniser la réglementation européenne (OGM, glyphosates), comme ce qu’on a fait par exemple pour la viande hormonée… qui est devenu un standard européen qui empêche de facto la viande nord-américaine d’entrer sur notre marché commun. Je suis convaincu que demain, la consommation alimentaire européenne sera plus frugale, et que l’agriculture sera plus naturelle. » De quoi susciter de riches échanges avec les participants…

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